Serments de Sang

Chapitre 3 - Baignades (partie 1)

Ils chevauchèrent longtemps dans un silence de mort. Les montures n'étaient pas sellées, mais les elfes ne semblaient aucunement dérangés. Au contraire: ils chevauchaient avec une grâce insigne. Ce n’était pas le cas de Nolwenn…

Pour briser le silence qui lui paraissait trop lourd, elle libéra les questions qui lui trottaient dans la tête depuis des heures.

-Comment faites-vous pour vous rendre invisible ? Chuchota-t-elle à l'intention d'Eras : son visage offrait moins d'hostilité que celui de Welaeronn.

-Vois-tu, Nolwenn, dis-tu ?

La jeune fille hocha la tête.

-Les elfes sont des êtres magiques, voilà l'unique et simple raison.

-Votre magie est-elle limitée?

-Chaque elfe possède son domaine dans la magie. Celui de Glorel, c’est l'illusion: il est capable de savoir si tu mens, de te faire croire ce qu’il veut ou de te le faire ignorer. Mais apparemment, ce n'est pas ton cas, car tu nous vois quand nous sommes sous le charme de ces sorts d’invisibilité. Le domaine de magie de Welaeronn est l'espace. Il a le pouvoir de téléporter les objets, mais sa magie ne fonctionne pas sur les elfes, les
humains, les fées ou bien les nains. Dommage…

-Et quel est ton domaine dans la magie ?

-La flamme. Je sais fabriquer, manier ou bien éteindre le feu.

-Est-il vrai que vous être chevalier?

Eras hocha vivement la tête.

-Nous sommes les seuls qui n’avons pas péri. Nous avons été choisis pour notre volonté et notre habilité à manier les armes, dit-il avec fierté.

-J'imagine que vous avez éliminé tous vos ennemis

-Hélas, non. Pour que notre magie fonctionne, nous devons nous nourrir de quelque chose de puissant. Nous nous servons de l'énergie du Soleil, car il la produit lui même et nous l'envoie directement, puisque c’est une source primaire. La nuit, nous ne pouvons donc pas user de magie.

Nolwenn haussa les sourcils, n’ayant pas tout saisi.

-Quelle est cette langue étrange avec laquelle vous prononcez vos incantations et
parlez aux animaux ?

-De l’ancien elfique. Une langue qui comme son nom l’indique, est très ancienne et propre à notre race. Nous sommes les seuls à la connaître et nous en servons uniquement pour la magie. Mais les animaux aussi la comprennent. Nous avons cessé
de la parler couramment et utilisons un autre langage. On pourrait l’appeler le nouvel elfique.

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-Zahir a grand besoin d’être allégé. Il se fatigue de plus en plus. Ma masse et celle de l’humaine sont trop importantes, fit Eras.

La nuit était tombée. Littéralement épuisée, Nolwenn s’était endormie, ses bras entourant le torse de l’elfe. Et il prenait plaisir à sentir la douce chaleur de son corps se communiquer au sien.

-Tu n’as qu’à la laisser ici, répondit Welaeronn.

- Non, mon ami, protesta Glorel. Tu sais aussi bien que moi que nous avons besoin d’elle. Ne la mêle pas à ta haine. Ce n’est pas elle qui est la cause de notre malheur à tous les deux. Ce n’est pas elle qui est responsable de la mort de ma petite fée.

Ces derniers mots s’étaient achevés en un murmure. Et Welaeronn en
connaissait la raison. Aussi, en constatant que sa peine était loin de s’être éteinte, n’eut-il pas le cœur de lui refuser sa demande. Il était son ami, et comme tel, Glorel lui
était cher. Ils avaient perdu la même personne, qu’ils aimaient encore même s’il ne s’agissait peut-être pas pour tous les deux du même amour. Malgré les années, ils la pleuraient encore, du moins intérieurement. Welaeronn se demandait souvent
comment Glorel pouvait encore être vivant, malgré les tentatives de suicide désespérées, malgré l’amour fou qu’il vouait encore à sa petite fée. Il se demandait souvent comment lui-même pouvait encore être en vie, peut-être grâce à la haine mortelle qui tenait prisonnier son cœur, née du passé. Le passé…Il était la seule chose dont il était sûr de ne jamais pouvoir changer.

Il faisait naître des souvenirs dont l’évocation pouvait être heureuse ou
douloureuse, ce qui était plutôt le cas pour Welaeronn. Le seul moyen de pouvoir s’en libérer était de l’oublier. Mais c’était en demander trop aux elfes. Il n’oublierait jamais, sa rage était trop forte. Il la vengerait. Il en avait fait le serment et il ne le
manquerait pas.

Welaeronn posa ses yeux sur la jeune fille qu’ils avaient décidé d’emmener.

Dans son sommeil, elle paraissait si ingénue. Elle était tellement jeune, et déjà, elle avait tout perdu. Il lui restait si peu de temps devant elle. Il désirait la mépriser, mais il n’y parvenait jamais totalement. S’il n’y avait pas eu ses compagnons, sans doute
l’aurait-il laissé à son triste sort. « Jamais quelqu’un ne m’a défié autant. Du moins, il finissait très tôt par être évincé de mon épée. », songea t-il. Enfin… il fallait savoir refouler ses sentiments pour être chevalier. C’était ce qu’il ne cessait de reprocher à
Eras. « Sinon, tu ne seras jamais juste. », répétait-il sans cesse au jeune elfe. Mais celui-ci n’y parvenait décidément jamais. Il regorgeait d’amour, d’espoirs et de rêves.
Et puis il avait tendance à juger les choses sur leurs apparences. Exemple : cette jeune humaine. Qui savait de quoi elle était capable ?

-Très bien ! Décida le jeune homme, se sortant ainsi de ses pensées. Je la prendrai en croupe cette nuit pour éviter de l’entendre jacasser tout le jour, ou je perdrai vite mon
sang froid. Mais quand nous serons parvenus à la rivière Taroga, Glorel prendra la relève.

Nolwenn ouvrit les yeux. A sa surprise, elle se rendit compte qu’elle n’était pas montée sur la même monture que la veille. Elle était blottie contre quelqu’un qui de son bras lui ceignait les épaules, puis de l’autre dirigeait son destrier à l’aide de sa
crinière. Welaeronn !

« Pas lui, par pitié ! », pensa-t-elle. Elle éprouvait une certaine gêne envers lui.

Il exerçait une pression permanente sur elle. Ne trouvant pas le courage de l’affronter, elle fit semblant d’être encore endormie.
-Je sais que tu es réveillée, déclara la voix claire de Welaeronn.