RÈGLEMENTS DE COMPTE À LYWOOD

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Yannick

- "Dernier arrêt : Lywood ! Pensez à bien récupérer tous vos bagages et vérifiez qu'il ne reste rien sur et sous vos sièges... "

J'ouvre un oeil, mal réveillé. Je grogne lorsque je m'aperçois que je suis arrivé à destination. Tout autour de moi, les gens s'affolent, se précipitent pour reprendre leurs valises entassées au-dessus de leurs têtes alors que le train n'est même pas encore immobilisé. Ça se pousse, ça crie, les enfants pleurent... Vive le retour des vacances moi je dis ! De mauvaise grâce, je me lève à mon tour pour extraire mon gros sac de voyage que j'avais réussi à grand-peine à coincer entre une caisse pour chiens et une valise qui fait le double de mon poids. Ensuite, je dois jouer des coudes pour me frayer un chemin jusqu'à la porte. Je respire qu'une fois sur le quai, loin de la foule dont je me suis empressé de m'écarter. Un simple coup d'oeil me permet de constater que mes parents ne sont pas encore arrivés. Pourtant, ils devraient déjà être là... Prenant mon mal en patience, je m'assois sur le banc le plus proche et j'attends.

Je m'appelle Yannick Clars. J'ai quatorze ans et demi, et après quatre ans passés dans un collège privé loin de ma famille, je retourne à Lywood pour intégrer le lycée public. Je suis un garçon plutôt timide et un peu ronchon, je l'avoue. J'ai les cheveux noirs, une peau si blanche qu'elle pourrait me faire passer pour un mort-vivant ou un vampire et les yeux gris acier. Contrairement à mon meilleur ami, Alexandre Holdley, j'ai horreur du sport, ce qui fait que, par conséquent, je n'ai pas tout à fait le même corps que lui. Mon hobby à moi, ce sont les jeux vidéos. Si je m'écoutais, je passerai mon temps à jouer sur mon ordinateur, sans voir la lumière du jour où même sans manger pendant plusieurs heures ! Mais bon, je sais aussi me contrôler et me contenir.

Un appel parmi le brouhaha général me fait lever la tête. Ma mère m'adresse de grands signes frénétiques, le sourire jusqu'aux oreilles. Je plaque sur mon visage bougon un air aussi faux que radieux puis me dirige vers mes parents en traînant péniblement mon sac.
- Yann, mon chéri, comme je suis heureuse de te revoir ! s'exclame-t-elle dès que je suis à sa portée. Viens là que je t'embrasse !
Déjà ses bras m'enveloppent alors que ses lèvres me couvrent de baisers bruyants. Je la supporte, disons une quinzaine de secondes avant de m'écarter gentiment d'elle. Heureusement, mon père, moins démonstratif, se contente d'une accolade.
- Comment vas-tu mon grand ? me demande-t-il de sa voix bourrue. Le voyage s'est bien passé ?
- Tranquille, je le rassure en posant mon bagage sur le chariot qu'ils ont eu la gentillesse de m'amener. Un peu fatiguant mais sinon ça va.
- Tu auras encore quelques jours de vacances avant la rentrée pour te reposer, dit joyeusement ma mère. Et puis, tu pourras en profiter pour revoir tes anciens amis de primaire, qu'en penses-tu ? Je suis sûre qu'ils seront ravis de te revoir !

Plus dubitatif qu'elle, j'acquièsce cependant sans lui répondre. Ça va faire quatre ans que mes parents m'ont envoyé dans un collège privé à l'autre bout de la France. J'y étais interne et je revenais seulement pour les vacances. J'étais trop bien là-bas, j'avais toute une bande de copains que je retrouvais à chaque rentrée. Je me sentais chez moi. Bien sûr, j'ai gardé contact avec Alexandre en lui envoyant un message de temps à autre et en lui rendant visite durant mes brefs retours à Lywood mais je me suis complètement éloigné des autres. À vrai dire, je ne suis pas vraiment content d'être obligé de retourner dans le lycée de ma ville natale. Un lycée public. Non seulement je ne vais plus voir mes amis si proches, mais en plus, je vais perdre tous mes repères dans ce genre d'établissement que je n'ai pas l'habitude de fréquenter. Ça va être l'horreur, je le sais d'avance. Mais pourquoi mes parents n'ont pas voulu que je continue mes études là où j'étais ? J'ai rien compris. Lorsqu'ils m'ont appelé au début des vacances pour me demander de revenir, j'ai cru que c'était juste pour rester jusqu'à la rentrée. Mais en fait, pas du tout ! J'entends encore la voix de ma mère : "Je suis vraiment désolée mon chéri mais cette année, ton père et moi avons décidé de t'inscrire au lycée Lucien Lerville à Lywood pour ton entrée en seconde. Nous avons pensé que ça serait mieux pour toi d'être auprès de nous maintenant que tu es sur le point de préparer ton bac..."

Pour toujours et à jamaisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant