Pour toujours et à jamais

PETITS JEUX ENTRE AMIS ET GRANDE CONFUSION

Yannick

J'arrive au lycée de mauvaise humeur, ce matin, encore perturbé par mon week-end. Je file jusqu'à ma salle de classe, la tête baissée, sans parler à personne. Je ne fais même pas attention ou je mets les pieds que je crois bien avoir bousculé deux-trois personnes sur mon passage. Je m'excuse à peine, pressé d'arriver. En fait, si je suis arrivé aussi tôt un lundi matin, c'est parce que je veux voir Alexandre sans les autres avant le début des cours. Après ce qui s'est passé samedi soir, j'ai besoin de me confier à quelqu'un et il n'y a que lui à qui je peux tout dire.

Bien évidemment, comme je suis arrivé un bon quart d'heure en avance, le couloir est désert lorsque je m'y retrouve enfin. Pas mécontent d'être un peu seul avant la horde habituelle d'élèves, je m'appuie contre le mur puis me laisse glisser jusqu'au sol en soupirant profondément. Sans hésiter, j'enfonce les écouteurs de mon portable dans mes oreilles, augmente à fond le volume de ma musique pour ne plus rien entendre autour de moi et je ferme les yeux. Le décor qui m'entoure se volatilise alors pendant que mes souvenirs m'emportent vers ce week-end qui m'a tant ébranlé...

C'était samedi soir. J'avais passé tout mon après-midi sur le devoir de maths à rendre dans la semaine, histoire d'être tranquille et j'avais la tête comme une pastèque en sortant enfin de ma chambre. J'avais dans l'idée d'aller dans la cuisine me grignoter un truc pour tenir jusqu'au dîner lorsque, en passant devant la chambre de mes parents, j'ai intercepté leurs voix. J'ai tout de suite été intrigué, parce qu'ils murmuraient, comme s'ils ne voulaient pas se faire entendre par quelqu'un d'autre, autrement dit moi. Alors forcément, je me suis empressé d'aller poser mon oreille contre le battant de la porte pour tenter de comprendre ce qu'ils se racontaient. Je sais, écouter aux portes, c'est pas très classe mais je suis sûr que si vous aviez été à ma place, vous auriez fait pareil que moi. Surtout depuis que j'ai l'impression qu'ils me cachent quelque chose. J'avais peut-être une occasion inespérée de savoir de quoi il s'agissait ! Enfin bref, j'ai espionné mes parents et voilà ce que j'ai entendu :
- Yannick commence à se douter de quelque chose, Arthur, disait ma mère. Il serait peut-être bien de lui parler et de lui expliquer ce qui se passe...

J'ai deviné qu'elle était assise sur le lit et que le bruit de pas que j'entendais devait être mon père faisant les cent pas. Je l'imaginais parfaitement en train de déambuler à travers la pièce, les sourcils froncés par le mécontentement et les mains croisées dans le bas du dos. Le souffle court, je me suis un peu plus collé contre la porte, ne voulant rien perdre de la réponse de mon père qui a rétorqué, cinglant :

- Pas question ! On le laisse en dehors de cette histoire, cela ne le regarde pas !
- Ne sois pas idiot, bien évidemment que tout ça le concerne ! a alors répliqué ma mère. Il est assez grand maintenant pour qu'on lui explique tout, il est en âge de comprendre !

Personnellement, j'étais parfaitement d'accord avec elle mais il s'est tout de suite formellement opposé à cette décision, à ma grande frustration.
- Écoute moi Mélanie, je sais encore comment gérer notre fils et je te dis qu'il n'est pas prêt à entendre tout ça ! Alors tu me laisses décider de la façon dont je veux gérer cette affaire, d'accord ?

J'étais révolte par sa manière de me prendre encore pour un gamin : il n'avait aucune confiance en moi ! J'ai ravalé ma colère pour entendre la réponse de ma mère mais mes mains ont instinctivement poussé la porte qui s'est entrebâillée doucement. Inquiet que mon père puisse me surprendre en train de les espionner durant une conversation privée, je me suis rué vers l'escalier que j'ai descendu le plus silencieusement et le plus rapidement possible puis je me suis réfugié dans le salon. Quelques instants plus tard, j'ai entendu la porte s'ouvrir en grand, comme si l'un de mes parents vérifiait que je n'étais pas dans les parages puis, après avoir été refermée sèchement, un bruit de clé dans une serrure a retenti.