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Tom s'oblige à fermer les yeux, lorsqu'il les ouvre, les larmes embuent ses iris déjà endoloris. Il continue d'avancer à tâtons, perçoit les rougeoiements de blocs sécurité, un abri, vite. Il s'approche du refuge, accélérant le pas et quand le bout de ses doigts sentent le montant en fer et la vitre, il cogne à la porte, soulagé.

« Y a quelqu'un ? » Tom tousse. La fumée âpre irrite ses voies respiratoires.

Une voix masculine, assourdie par l'épaisseur du verre lui répond de l'intérieur :
-C'est plein !
-Quoi ? le ronron des turbines d'aération ne facilite pas la compréhension.
-Plus de place !
-Putain ouvrez ! il cherche la poignée et la trouve aisément. Tom l'actionne frénétiquement, tire sur la porte, mais elle résiste.
-Y a plus de place !

Il s'en contrefout. Le routier furieux frappe à répétition la fenêtre, violemment. Rien n'y fait, un con maintient l'abri fermé.

Furibond il retient sa respiration, bande ses phalanges avec son mouchoir et donne un coup de poing de toutes ses forces pour briser la vitre. Heureusement pour le lâche occupant, le camionneur ne parvient pas à violer l'étanchéité du sas.

Dans une dernière convulsion acharnée contre la poignée Tom laisse tomber la bouteille dont l'eau se répand sur le sol. La nocivité des gaz l'empêche de proférer toutes les insultes gagnant son esprit.

Tom a perdu du temps, il repart furieux.

Le gaillard continue d'avancer, une main contre la paroi. Froid et granuleux, le mur défile sous ses doigts bientôt gelés.

Les divers signaux d'alerte forment de vagues taches de couleurs, mais la fumée trop agressive rend sa progression hésitante.

Un autre cri traverse le tunnel. Un râle humain dont les vibrations font trembler la moelle épinière et grincer les dents. Il ne s'agit pas d'un de ces cris de gorge audible dans les films, quand les voitures s'enflamment, plutôt l'illustration sonore nue, intolérable, de la mort violente. Le cri empoigne tellement les tripes qu'il donne envie de vomir. Un son comparable à l'odeur d'un cadavre putrescent.

Tom se retourne machinalement, pourtant sa vision est toujours troublée. Ses poils se dressent le long de son échine. Il se colle fort à la paroi et avance un peu plus vite, dans la mesure où ses jambes flageolantes peuvent encore le porter. Le chauffeur a déjà oublié le papi sous les essieux de son camion.

Le Bout du TunnelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant