Le pire de tout, n’est pas ce moment où l’on vous laisse seul, mais le moment où vos pensées les plus folles, les plus meurtrières mais aussi les plus douces s’offrent à vous. Inscrites dans les tréfonds de votre mémoire, elles s’accumulent, s’entassent, et finissent pas être exposées au grand jour. Ces moments où votre esprit laisse s’effondrer les petites parcelles de lucidités, si durement obtenues, ce moment où votre corps ne résiste plus. Et ce dernier s’effondre sur le sol, tel une poupée de chiffon, brisée, abandonnée, esseulée et triste.
La tristesse est vous, vous êtes la tristesse. Vous ne faîtes plus qu’un, comme si cette partie de vous-même que vous vous efforciez pourtant de voiler, ne demandait qu’à être exposée au grand jour. Votre âme se fragmente, de petits morceaux de vous s’en vont, aspirés par cette tornade de sentiments dévastateurs mais sincères. Pas comme ces visages souriants mais faux, si faux, que vous présentez chaque jour à vos amis, votre famille, des passants ou vos voisins. Le vrai vous ne demande qu’une chose : sortir, arrêter de se cloîtrer et de se cacher au fin fond de votre tête. Et ce faux vous… Vous craint. Vous avez peur du jour où tous ces sentiments refoulés seront exposés au grand jour. Ce jour maudit où la tristesse emplit votre cœur, votre tête, votre corps. Cette part bestiale et animale, qui n’est que canalisée, finit par exploser, et le chagrin se lit réellement dans vos yeux. Mais vous luttez. Une lutte infernale contre soit même. Vous savez que le jour que vous craignez tant finira par arriver, mais vous luttez quand même, vous retardez cette chute fatidique vers les enfers qui vous consument déjà de l’intérieur. Extérieurement vous êtes belle. Resplendissante. Magnifique. Un soleil oublié perçant entre les feuilles, au retour du printemps. Mais intérieurement, vous êtes rongée. Faible. Déjà morte. Un jour pluvieux, gris, d’automne. Ces jours où le chagrin se fait ressentir même par les gens les plus heureux, qui sortent un parapluie arraché par le vent. Ce souffle, ce vent, cette tornade. C’est vous. Tout ce que vous contenez, blesse quelqu’un en réalité. Qui ? Vous.
Mais vous savez que vous ne pouvez pas laisser ce monstre s’échapper, vous ne pouvez pas vivre réellement le mal qui vous ronge. Ou il rongera les autres. Alors, le soir, vous pleurez dans votre lit, seule, laissant quelques larmes de mal rouler le long des joues qui sont déjà trempées d’anciennes larmes, sèches, mais présentes. Et vos démons que vous pensiez disparus, morts ou oubliés resurgissent tel un éclair frappant lors d’un soir orageux. Prévisible, et imprévisible à la fois. Comme vous. Comme moi.