3 - Bryan

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Boston


Bryan


J'ai ouvert avec dix minutes de retard, mais tant pis ! Il est hors de question que je descende à la boutique sans avoir fait mes pompes et mes abdominaux. C'est un rituel sacré chez moi. Je refuse de ressembler à un de ces mecs boudinés qui se laisse aller. Gamin, j'étais la risée de tous ces connards à Nahant et je ne tomberai pas dans le piège du gars assis sur son canapé à se goinfrer de cochonneries.

Kelly et Martin ne vont pas tarder à arriver. Ce sont des employés en or. J'ai eu de la chance de recruter une équipe aussi motivée et sérieuse. Kelly s'occupe de la caisse et de la prise de commandes. Quant à Martin, il est chargé de la manutention et d'effectuer les livraisons. Bon, j'avoue que je le trouve un tantinet coincé et gauche, mais je n'ai rien à lui reprocher professionnellement parlant.

Une fois arrivé en bas, j'ouvre les stores et tourne la pancarte pour indiquer que nous sommes ouverts. Il tombe des cordes à l'extérieur. Les clients ne risquent pas de se bousculer au portillon, aujourd'hui. Je crains que nous tournions au ralenti.

Quel temps de chien !

— Bonjour, Bryan ! lance Kelly en entrant, abandonnant son parapluie trempé dans l'entrée. As-tu vu ce temps ? Quelle chance tu as de vivre à l'étage !

— Salut, ma belle ! la salué-je, d'un signe de tête. Ouais, j'espère que nous aurons tout de même un peu de monde.

— Kelly ! s'écrie Martin, sur le trottoir d'en face. Tiens-moi la porte !

Il traverse précipitamment la rue sous une pluie torrentielle, s'abritant comme il peut sous sa veste.

— Ils annoncent du soleil en début d'après-midi, me rassure Kelly, sans prêter la moindre attention à son collègue. Le carnet de commandes est plein. Ne t'inquiète pas, ce n'est pas le boulot qui manque.

Martin surgit sur le trottoir en braillant à la mort et fonçant comme une flèche en direction du magasin.

— Kelly, la pooooorte ! hurlé-je en tentant de la retenir.

Mais trop tard.

Martin se la mange en pleine poire et tombe en arrière sur le sol inondé, une main couvrant son nez.

— Oh, my God ! s'exclame Kelly en se précipitant vers lui. Mais qu'est-ce que tu fabriques, t'es dingue ou quoi !

Je la rejoins et l'aide à le remettre debout, mais celui-ci semble complètement sonné. De ses doigts tremblants, il récupère ses lunettes par terre et les enfile. C'est un miracle qu'elles soient restées entières, contrairement à son nez qui semble gros comme une pomme de terre.

— Putain, mec, ça va ? demandé-je, en l'entraînant à l'intérieur. Ce n'est pas possible d'être aussi gauche, ma parole !

— Je me suis vautré comme une merde, acquiesce-t-il en gémissant. Voilà, pourquoi je refuse de boire une goutte d'alcool.

Encore heureux !

Ce mec est un danger à lui tout seul !

***

Après un début de matinée plutôt calme et un ciel déchargé de ses nuages, nous avons enfin pu installer les stands de fleurs dehors. Ma boutique a eu du mal à décoller et à se faire un nom, mais aujourd'hui je peux me dégager un salaire et me permettre d'avoir deux salariés. À la fin de mes études à l'université, mon père m'a proposé de reprendre sa boutique, mais je n'ai pu accepter son offre généreuse. Vivre et bosser à Nahant m'aurait été trop insupportable. Jamais je ne m'y serais fait.

Dix sinon rien !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant