Partie 1

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Continuellement disparu

Prologue

Ann s'arrêta un court instant à l'entrée de la rue. Celle-ci, plongée dans le noir presque total, lui donna des frissons qui remontèrent le long de ses bras. Elle devait être l'une des rares en ville à n'avoir aucun éclairage, et la jeune femme la trouvait bien trop obscure. Ses yeux s'accoutumaient difficilement à la pénombre. Elle n'aimait pas emprunter ce passage, mais il s'agissait du plus court chemin pour rentrer chez elle.

Elle hésita, plissa les paupières et distingua au loin les poubelles regroupées dans un coin. Tout semblait désert, et pourtant, elle ne put s'empêcher de frémir une nouvelle fois. Elle jeta un coup d'œil à sa montre : vingt-deux heures ! Son travail s'était encore terminé bien tard. Elle redoutait toujours de rentrer seule le soir et dut s'armer de courage pour s'engager dans la ruelle. Elle n'avait esquissé que quelques pas lorsque le silence se brisa :

— Mouaaa...

Le cri résonna en écho tout autour d'elle. Les bâtiments lui semblèrent plus menaçants que d'ordinaire. Le son la pénétra jusque dans sa chair et elle se figea. Le hurlement avait été bizarre... Elle n'était même pas certaine qu'il soit humain. Mais qu'est-ce que cela pouvait être d'autre ? Un chat ?

Il est vrai que cette rue était infestée de félins, et la plupart du temps, ils se bagarraient bruyamment. La nuit, le passage devenait leur terrain de jeux et de chasse. Quand Ann passait, elle voyait parfois leurs yeux jaunes inquiétants briller dans l'ombre.

Un autre cri, encore une fois indéchiffrable, retentit. Elle tremblait désormais et redoutait d'avancer.

Elle patienta quelques secondes en tendant l'oreille. Plus aucun son ne lui parvenait et, après avoir calmé son cœur agité, Ann s'élança en silence. Elle fit son possible pour rester la plus discrète possible jusqu'à ce qu'elle aperçoive un groupe d'hommes dont la vision la stoppa dans son élan. Son sang se glaça. Leur allure ne lui disait rien qui vaille et, à leur façon de murmurer, elle pensa qu'il vaudrait mieux qu'elle les évite. Pourtant, la présence de leurs silhouettes menaçantes la clouait littéralement sur place.

Ils ne doivent pas me voir... songea-t-elle en examinant les poubelles d'un air inquiet. Oui, c'est peut-être une bonne cachette.

Elle trouvait qu'elle était bien trop exposée pour le moment, et elle préférait puer que d'être surprise par ce genre de personnes.

— Faites gaffe, faut pas l'abîmer, ça vaut cher ! grommela l'un des types, agacé, qui essayait de se faire entendre de ses acolytes.

Ann tenta de les dénombrer, mais la nuit sans lune était trop profonde et l'empêchait de bien les distinguer. Elle examina encore une fois les poubelles... C'était risqué d'avancer autant, seulement cela l'était encore plus de rester là où elle se trouvait. Quand elle les entendit glousser stupidement, la jeune femme prit son courage à deux mains.

Rasant les murs, elle réduisit la distance. Heureusement, son manteau sombre se fondait sans mal dans l'obscurité et ses cheveux bruns l'aidaient à ne pas se faire remarquer. Aussi, le manque de vigilance de ces individus lui permit d'atteindre les containers à l'odeur infecte sans même les inquiéter. Avec de la chance, ils ne s'en approcheraient pas tant elles empestaient. Elle se boucha le nez pour faire abstraction de la puanteur, bien que cela ne fonctionnât pas vraiment.

Quelle horreur... grinça-t-elle pour elle-même.

— Une belle prise... s'esclaffa l'un des hommes.

Royal CATOù les histoires vivent. Découvrez maintenant