Chapitre 1

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— Misty !

Il était minuit. Aneria scrutait avec désespoir l'orée du jardin. Elle grelottait dans l'obscurité mais elle aurait pu rester des heures ainsi si cela avait permis de le décider à rentrer. Elle s'était armée d'un moyen infaillible pour le faire revenir : ses croquettes préférées.

— Misty ! hurla-t-elle à pleins poumons une seconde fois.

Sa voix ne portait pas très loin et elle n'était pas sûre qu'il puisse l'entendre. Le vent grondait, elle n'aimait pas l'idée qu'il soit encore dehors à cette heure. Son magnifique chat blanc qu'elle adorait, et qui lui en faisait toujours voir de toutes les couleurs, s'était envolé. Pourquoi ne rentrait-il pas ?

Son cœur se serra dans sa poitrine. Elle savait que se mettre dans un état pareil était stupide. Il ne s'agit que d'un animal, comme on le lui faisait souvent remarquer. Personne ne la comprenait. Son merveilleux félin était tout pour elle : son ami, sa peluche durant la nuit, son bébé. Et depuis toujours, son unique réconfort. Il ne l'avait jamais trahie, contrairement aux hommes qu'elle avait connus. Ils pensaient tous qu'elle était cinglée, et elle finissait par le croire... tout ça parce qu'elle adorait son chat ! Misty, lui, ne la trouvait pas bizarre, elle en était sûre.

Oui, lui, il m'aime et je le protégerai !

Aneria irait au bout du monde pour le retrouver, le considérant comme son égal.

Un chat n'est qu'un chat ! lui disait-on à chaque fois. Mais qui l'avait décrété ? En quoi un être vivant autre qu'humain était-il moins important ? Qui pouvait ainsi le décider ? Les animaux avaient tout autant que les hommes leur rôle à jouer sur cette Terre. Et si elle passait pour une folle de penser de la sorte, eh bien tant pis ! Un jour, elle trouverait une personne qui partagerait son avis... ou quelqu'un qui tolérerait sa façon de voir.

La jeune femme serra ses bras autour d'elle, à la recherche d'un peu de chaleur.

— Misty !

Aneria remua encore le sac de croquettes, l'arme absolue qui le poussait d'ordinaire à réapparaître. Elle frissonna tandis qu'une bourrasque soulevait ses cheveux. Le ciel étoilé n'éclairait pas assez et lui donnait la sensation que tout son environnement était hostile. Ses pas sur le sol lui semblaient lourds. Elle écrasait la pelouse. Tous les sons l'impressionnaient. Une branche d'arbre craqua, le vent fit bouger les feuilles dans la forêt toute proche, puis un bruit d'oiseau anéantit sa témérité, l'empêchant d'aller plus loin.

Devant elle, les bois s'étendaient sur des kilomètres. Tout semblait si noir.

— Misty ! essaya-t-elle encore une fois en tapant du pied.

Des larmes d'impuissance ne tardèrent pas à couler le long de ses joues. Aneria se sentait si lâche, elle manquait de courage.

— Misty, je t'en prie, rentre... sanglota-t-elle avant de faire demi-tour et courir se réconforter dans le cocon de sa maison.

Excédée, elle reposa le sac de croquettes sur la table basse et entrouvrit légèrement la baie vitrée. Comme ça, s'il revenait, il pourrait au moins entrer à sa guise. Elle s'assit sur le fauteuil en face de la fenêtre. De là, elle pouvait voir sans mal tout le jardin qui, à cette heure-ci, était lugubre.

— Misty...

Elle ne pouvait contenir ses pleurs, persuadée que quelque chose de grave lui était arrivé. Elle plaça ses bras autour de ses jambes. Son visage était marqué par la peine. Ses yeux ressemblaient à ceux d'un poisson rouge globuleux et ses lèvres, d'ordinaire assez fines, étaient aussi enflées que celles d'une bimbo. Sa mère appelait ça la transformation ultime du grand n'importe quoi.

Royal CATOù les histoires vivent. Découvrez maintenant