Chapitre 6

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Plaquée contre un casier, je vois à peine les cheveux de Nate dépasser, par de là la foule qui se forme autour de lui et d'un autre garçon musclé. Le silence se fait dans le couloir, les dernières têtes se tournent vers le centre de l'attention, situé près de moi. L'inconnu regarde autour de lui, puis, certain d'avoir aiguisé la curiosité de chacun, ici présent, toise Nate.

-Alors, tu vas faire quoi, là ? Tu vas encore m'ignorer, moi, ton censé « ami d'enfance » ? Tu vas partir en courant, comme toujours depuis des mois, et raser les murs ? Ou alors tu vas te battre, comme tu t'apprêtais à le faire ?

La tension qui règne est palpable. Je déglutis faiblement, priant presque pour que la cloche sonne ou qu'un professeur débarque dans le corridor. Mais un rapide coup d'œil à l'horloge suspendue au plafond rompt mes attentes ; il reste une dizaine de minutes avant que les cours ne débutent.

-Vas-y, Vilhem ! s'exclame une voix fluette dans la foule.

L'inconnu se retourne et adresse un sourire à la personne qui l'a apostrophé, avant de reporter son attention sur Nate.

-Alors, pourquoi t'es parti, Nate ? Hein ? Pourquoi t'es bizarre, maintenant ? T'as peur de quoi, là ?

Je ne comprends pas le comportement de ce gars, qui se prétend être son ami. L'humilier au beau milieu des lycéens est sans-doute trop poussé. Mon cerveau me dicte de me désintéresser de la chose, mais malgré moi, je me retrouve à me hisser sur les pointes de mes pieds afin d'avoir une meilleure vue sur la scène, et sur les réactions de Nate.

Mais que se passe-t-il ?

Le garçon châtain a le visage fermé, la mâchoire crispée et les yeux emplis de haine, comme s'il s'apprêtait à sauter sur son prétendu ami. Et le dénommé Vilhem continue de le chambrer, sous les rires de quelques uns de ses camarades.

Je ne sais pas quoi faire. Nate est mal, cela se sent. Il est en mauvaise position, sur les nerfs. Il me suffit de le regarder pour le comprendre. Je ressens moi-même trop souvent ces choses-là, depuis plusieurs mois.

-Alors, tu étais prêt à défendre ce pauvre type, pourquoi ne me frappes-tu pas ?

Il suffit que Vilhem prononce ces mots pour que je devine ce qui s'est passé, juste avant l'altercation. Nate a dû vouloir protéger quelqu'un de l'autre brute, sûrement. Je hais ce genre de personnes. Une bouffée de rage remonte de mon estomac à ma gorge, vibrant dans mon corps entier, mais je me retiens de faire le moindre geste. C'est à eux de régler cela, pas à moi.

Pourquoi suis-je toujours tentée de défendre Nate, à la fin ? Nous ne nous connaissons même pas. Je me sidère moi-même. Cela ne me ressemble pas. Ou peut-être est-ce dû à l'injustice dont il est victime ?

-Alors, t'attends quoi ? Frappe, pour voir !

De là où je me trouve, je vois à peine Nate fermer les paupières en secouant la tête, comme s'il cherchait à se contrôler. L'autre ricane, les bras croisés sur son torse puissant, avant de passer une main dans ses cheveux rasés de près.

Et d'un coup, sans que personne ne s'y attende, le coup part. Crochet droit dans le nez du type. Certaines personnes poussent des cris étonnés, avant de se reculer. L'autre se courbe sous la douleur, mais Nate ne lui laisse pas le temps de répliquer ou de se protéger. Il frappe, dans l'abdomen cette fois, à trois reprises. Les coups sont presque silencieux, le garçon ne dit rien. Plus rien ne brille dans son regard, mis à part de la haine.

Et personne ne fait rien.

Il faut que quelqu'un réagisse, et vite, avant qu'il ne l'amoche trop. Les coups se poursuivent, froids, comme calculés, et je cligne des yeux dès qu'ils entrent en contact avec le corps de l'autre.

HOMELESS (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant