Chapitre 25

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Mes jambes s'étendent sur le banc situé de l'autre côté de la table de pique-nique afin que je puisse m'étirer paresseusement. Les rayons du soleil du début de l'après-midi me réchauffent les joues, et je presse les paupières en rejetant la tête en arrière, savourant leur caresse. On pourrait presque se croire au printemps, si l'on excluait la température négative de l'hiver suédois.

Les deux bancs sur lesquels j'ai élu domicile s'affaissent légèrement, signe que mes amis sont revenus. Deux mains s'emparent de mes pieds afin de les poser sur le sol sans ménagement. Je n'ai pas besoin d'ouvrir les yeux afin de deviner que Nate vient de me pousser sans aucun scrupule. Et l'odeur de nourriture qui commence à émaner juste sous mon nez m'indique qu'ils viennent de recevoir nos commandes.

-Ton repas est là, princesse Ivy, lance sarcastiquement Bruce, me forçant à arrêter de prélasser.

Je lève les yeux au ciel et enlève mes lunettes de soleil. Avec un temps pareil, un ciel si bleu et aucun nuage à l'horizon, cela aurait été bête de ne pas les prendre, après tout, alors autant s'en servir. D'autant plus qu'elle aident à cacher les cernes bleus qui ornent mon visage depuis un moment, déjà. Heureusement que les vacances sont aujourd'hui...

Le temps que je m'assois correctement, mes amis ont tous déballé leur sandwich et les croquent à pleines dents, tandis que mon ventre gargouille toujours. Je m'empare du mien, fermant les paupières lorsque les premiers aliments remplissent mon estomac vide.

-Alors, Bruce, tu as des nouvelles ? interroge Gemma, une pointe d'espoir – presque imperceptible – perlant dans la voix.

Le regard de Nate croise le mien, et nous nous retenons de pouffer. Gemma se croit subtile, à quémander des informations à Bruce sur sa « mystérieuse inconnue » comme nous aimons la nommer, mais c'est tout le contraire : elle est dingue de cette fille, depuis le jour où elle l'a croisée à cette soirée. Dès qu'elle croise le garçon brun, elle ne peut s'empêcher de lui demander s'il l'a vue, s'il sait quelque chose de plus sur elle. Elle paraît si désespérée que c'en devient drôle – à mourir de rire, même.

-Non, Gemma, soupire Bruce, un sourire aux coins de la bouche.

-Tu es nul, comme informateur.

-Tu n'as qu'à aller la voir toi-même, au lieu de rester plantée là ! réplique l'étudiant.

Il m'adresse un regard lourd de sous-entendus, et je dois me mordre la joue afin de ne pas éclater de rire. Tout ce qu'il a pu récolter, comme informations, depuis ces quelques semaines où notre amie a flashé sur cette fille, ce sont son nom et sa classe : Clarissa, étudiante en deuxième année d'éducation. Cela aurait pu suffire, s'il n'était pas question de Gemma ; elle veut absolument savoir si cette Clarissa est en couple ou si elle est potentiellement intéressée par les filles.

Je coule un regard vers mon amie, qui broie du noir. Ces derniers jours, elle ne fait que cela, râler ou se taire.

-Sincèrement, la relance Nate, tu devrais aller la voir. Ce n'est pas la fin du monde, si elle te repousse. Tu lui proposes d'aller boire un café, ou d'aller au cinéma, un truc simple.

Le regard que Gemma lui renvoie suffit à le faire taire.

-Tant que je ne serai pas sûre qu'elle n'est pas au moins bi, je n'irai pas, déclare-t-elle d'un ton sans appel.

-Mais pourquoi ? m'exaspère-je.

C'est lorsqu'elle se mue dans le silence que je comprends que quelque chose ne va pas. Elle assume totalement son homosexualité, et pourtant, elle semble être pétrifiée à l'idée de demander à une fille de sortir avec elle. Tout compte fait, maintenant que j'y pense, elle n'a jamais été aborder quelqu'un, depuis que je la connais.

HOMELESS (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant