Chapitre 6: Le Roi de pique

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Mon pas était nerveux. Il faisait nuit noire et le fond de l'air glacial s'incrustait dans mes os, je ne savais pas du tout à quoi m'attendre et ça me foutait sérieusement les jetons. Je me doutais toutefois de la tournure que pouvait prendre les événements si Alphonso faisait le con et ça, j'aimais pas du tout.

Elle m'attendait de l'autre bord de la rue, en face du restaurant. Adossée à un lampadaire, un nuage de fumé entourait son visage et flottait autour d'elle, la lumière jaune jetant des ombres sur ses traits tout en lui conférant un air sibyllin. Ses yeux fixaient l'enseigne brillante du diner d'Alphonso et continuèrent de le faire tandis que je m'approchais d'elle. Elle prit lentement une dernière bouffée de sa cigarette avant de la jeter dans le caniveau et se tourna vers moi.
-Prêt? me demanda-t-elle d'un ton morne, presque ennuyé.
-Mouais, prêt, répondis-je d'un ton résolu, sachant pertinemment que je ne l'étais pas.
-C'est toi qui le dis. Allez, amène-toi, fit-elle en s'allumant une autre clope.
-Tu poses pas de question sur ce que je veux qu'Alfonso me dise?
Elle se tourna vivement vers moi, plongeant son regard sombre dans le mien et gardant le silence quelques secondes.
-Rien à foutre de ce que ce bâtard a à te dire, je sais bien pourquoi tu fais ça, c'est pour une fille. Tu n'aurais jamais rappelé si tôt si c'était pour quoi que ce soit d'autre. Maintenant, on va entrer et tu vas fermer tous les stores aux fenêtres.
Je la coupai avant qu'elle puisse continuer :
-Qu'est-ce qui te dit qu'Alfonso est là?
-Deux gars qui travaillent pour Falcone viennent de sortir, il est forcément là. Maintenant, ferme ta putain de gueule et suis-moi.
Nous traversâmes la rue d'un pas rapide. Je jetai un regard aux alentours : personne, pas même un clochard ou un ivrogne en vue. Nous étions seuls, ce qui, je ne savais pas si devait me rassurer ou m'inquiéter.

Arrivés face à la porte, la fille tenta de l'ouvrir. Verrouillée. Elle soupira puis sortit nonchalamment un assez gros marteau d'une des poches de sa redingote. D'un coup incroyablement fort qui me fit sursauter, elle frappa la vitre qui se cassa bruyamment et, pas du tout inquiète d'avoir alerté qui que ce soit, fit passer son bras dans l'ouverture. Elle tâtonna le cadre de porte puis fit tourner le loquet avec un air satisfait. Le bruit avait attiré l'attention d'Alphonso qui, en jurant comme un sale bûcheron, sortit de son bureau pour voir ce qui se passait. Tandis qu'elle ouvrait la porte en grand, son regard tomba sur le gros plein de soupe enragé qui se tenait devant elle, ce qui la fit éclater de rire.
-Ouhou, il est pas content le petit monsieur! Ferme les stores, Jack! On va rire un coup.
-Qu'est-ce qui se passe ici, bordel de merde? Jack, qu'est-ce que t'as foutu à ma porte? Et c'est qui cette sale garce...
Il fut coupé par le poids du marteau que la fille lui lança au visage à une vitesse prodigieuse, l'atteignant au menton.
-Putain de conne! T'es débile ou quoi? C'est quoi ton sale problème, espèce d'arriéré? Je connais des gens, moi! De sales gars qui n'attendent que ça, de donner des leçons à des petites putes comme toi!
N'ayant que faire des menaces du gros lard, elle sortit élégamment son révolver et dans un geste des plus gracieux, le pointa vers le genou d'Alphonso avant de tirer. Ce dernier éclata dans une explosion d'hémoglobine et de cartilage, Alphonso s'écroulant sur le sol dans un cri de douleur.

Je me figeai d'horreur et fixai l'homme se tenant le genou, un masque grotesque collé à son visage. Il se tordait dans tous les sens et convulsait tellement la douleur semblait grande. Il me lança un regard d'incompréhension, un regard qui appelait à la pitié. Je savais qu'il n'en aurait pas eu pour moi, ce qui me rasséréna. Sortant de ma torpeur, je ne fis que secouer ma tête, dégoûté. Il l'avait cherché, ce sale con. Je me précipitai aux fenêtres, observant les alentours pour voir si on avait alerté quelqu'un. Aucun mouvement dans la rue. Tant mieux. Je fermai les stores prestement. Alors que je retournais auprès du blessé, la fille fumait tranquillement sa cigarette, un sourire au coin des lèvres alors qu'elle s'amusait à appuyer son pied contre la plaie béante d'Alphonso, qui ne retenait pas ses cris de souffrance. Voyant que j'étais revenu auprès d'elle, elle sortit un couteau à cran d'arrêt de ses poches et se pencha sur sa victime. D'un coup, la lame sortit du manche et elle la posa sur la gorge du sale porc.
-Mon copain ici a quelques questions à te poser, si ça ne te dérange pas trop bien sûr.
-Allez vous faire foutre, enfoirés de merde! Vous allez payer pour ça!
-Bon, monsieur ne semble pas trop comprendre quand on lui parle... Peut-être que ça va lui rappeler comment.
Elle leva la main et d'un coup leste, taillada la pommette du vieil italien crasseux, lui arrachant un grognement de douleur. Le sang coula lentement, son doux flot carmin glissant lentement dans l'œil droit de son propriétaire, qui ne pouvait relever la tête, plaqué au sol par une psychopathe.
-Bon, on va répondre aux questions maintenant?
Il lui cracha au visage comme seule réponse.

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⏰ Dernière mise à jour : Oct 14, 2016 ⏰

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La blague du bourreau s'est perdue dans les rires du plaisantinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant