Vieux Jo

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Me souvenir, toujours, de tout... un défaut ? Je n'en sait rien. Mais surement pas une qualité. La seule chose, le seul souvenir qui me manquais était la tête de l'homme qui m'avait appelé ce soir là. C'étais le seul. J'avais le malheur de tout retenir, avec une mémoire auditive comme visuelle, je me souvenais de tout, tous les détails, toutes les fautes des livres que j'avais lu, tous les paysages que mes yeux avaient pu voir et tous les détails de tous les malheur et rares bonheurs de ma vie. Cette faculté, ce malheur de tout retenir, était là depuis toujours, telle une malédiction ne servant à rien à part à me propulser sans effort à la première place de tous les élèves de mon lycée, à la place de l'intello parfaite dont personne ne veut entendre parler.

Je finis par me lever, le canapé dans lequel je me posais chaque soir depuis la fin du procès me parait à présent comme une addiction. Cela faisait un mois entier que je n'étais pas sorti de la maison sauf pour aller au lycée, mais mes ailes de rêveuse commencent à me démanger et les nuits sur les toits me manquent. De plus, il fallait que je sorte, pour prouver au monde que d'avoir tuer un homme et d'avoir perdu la totalité de ma famille ne m'avait pas affecté. C'étais la seule vérité, je n'avait rien senti après avoir tué cet homme et cela m'a toujours laissée indifférente que ce soit le meurtre de mes parents ou le fait que les autres membres de ma famille m'aient renié, rien, je m'en fichais éperdument, comme si on m'annonçait que à partir de demain je devrais faire attention aux fourmis amazoniennes. Je souris en pensant aux fourmis, un peuple entier d'êtres vivants, au moins cent fois mieux organisé que la société humaine.

Veste, casque, téléphone, couteau. Je prend la clé de la maison, à peine 22 heures, le soleil déjà entièrement couché, mon couteau dansant entre mes doigts, je ferme par habitude toute la maison puis me dirige vers le centre de la ville. Un toit, une seconde, une gouttière solide, je suis en haut. Je me couche sur les tuiles et regarde le ciel, comme avant le soir du meurtre, comptant les constellations que j'arrive à reconnaître. Rien n'a jamais changé, tout reste normal. Les tuiles sont encore chaude du soleil de la journée, et cette chaleur est réconfortante, même si le froid nocturne m'importe peu, elle reste comme un souvenir de tous les moments, comme un rappel de toutes les nuits, passées à rêver allongés sur des toits, libres de s'envoler. J'entend un bruit de pas se rapprocher de moi, brisant le semi-sommeil qui étais en train de m'attraper.

-Hey, une revenante ! 

Il s'assied à coté de moi. Vyn a toujours été un bon ami, bien qu'amoureux de ce qu'il voit en moi, il respecte le fait que je ne supporte pas les contacts physiques, et même si je passe ma vie à lui expliquer qu'il ne connais même pas mon nom, il continue a me répondre qu'il connais l'ombre, et que cela lui suffit étant donné que je ne connais que Vyn. Nous sommes qui nous voulons, les lois restent des bouts de papier que nous avons brûlés, personne n'a de nom nous avons seulement celui que la rue nous donne. Je ne répond pas. Je n'ai pas dit un mot depuis plus d'un mois.

-Dit moi l'ombre a perdu sa voix ? Ce serait dommage, le Vieux Jo demande à te voir depuis le soir du meurtre de ta famille, il à précisé "dès qu'elle vivra de nouveau" le connaissant ça veut juste dire que tu es revenue. 

Le vieux Jo ? Serais-ce l'homme dont je ne peux me souvenir ?  oui ce serait fort probable, je me souvient de tous ceux qui étaient présent ce soir là il y avait Vyn, Jack, l'homme dont j'ai oublié le nom et le visage, lyloo, et fitz... mais peut importe, j'aimerais savoir pourquoi cet homme veut me voir, je fais signe à Vyn , restant muette, de me montrer le chemin. Nous nous levons, descendons du toi et arpentons quelques rues sombres et abandonnées que je connais depuis longtemps par cœur, il parle sans pause, comme pour rattraper toute les nuits ou il ne m'a pas vu. Je l'écoute d'une oreille, mon couteau, naturellement, dansant toujours entre mes doigts. Il me raconte les soirées auxquelles je n'ai pas assisté, celles qui ont mal fini, il me parle d'un nouveau, un muet apparemment, qui joue bien de l'harmonica. Il répète que ma voix leur à manquée pour les soirées à jouer de la musique, et que le monde est fait d'ombre, une petite phrase en l'air pour me rappeler qu'il m'aime. Même si il sait que je ne l'aime pas, et que je suis trop libre pour aimer qui que se soit. 

Nous arrivons dans un bar, une petite rue en dessous d'un escalier, il me fait signe d'entrer, L'odeur d'alcool se mêle rapidement à celle du vomi des étudiants ayants déjà trop bu et pour la première fois. Malgré mon jeune âge, je détestais la société humaine, et en particularité la nouvelles jeunesse, soit la grande majorité des gens en dessous de 25 ans. Ignorant les collégiens alcooliques et les vieux dépressifs, nous passons dans la pièce du fond ou se trouvent déjà lyloo, une jeune sans abris d'environ 30 ans, Fitz, un gamin de 14 ans jeté dehors par sa mère, le mari n'étant pas le père, et un homme, assez vieux, la cinquantaine, les cheveux grisonnant et des rides juste ce qu'il faut pour paraître son âge sans en être fripé. Jack manquait à l'appel mais je ne faisait aucune remarque. J'avais appris en entendant une conversation que les flics l'avaient pris parce qu'il dormais dehors. Ce sont des choses qui arrivent, nous ne le verrons plus. L'homme que je supposait être le vieux Jo pris la parole, son visage me semblais familier et le sourire qui s'y lisait étais chaleureux.

-L'ombre est de retour, elle déploiera bientôt ses ailes

Je me souvenait à présent, le vieux Jo étais un homme qui parlait depuis qu'il étais arrivé, par énigme. Il m'avait appelé l'ombre avant même que je porte ce nom, mais il est resté, plaisant à tout le monde. Je devait énormément de chose à cet homme, ma vie, d'une histoire que je n'étalerais jamais, et mon nom, définissant ma personnalité. Nous ne savions pas qui il était, mais depuis sa venue, il parlais de moi comme si il m'avait connu, comme si je devais faire quelque chose.

-Pourquoi "bientôt" ? 

J'avais parlé sans réfléchir, d'une voix étouffée, comme si j'avais oublié que je savais parler. Le vieux Jo attendais quelque chose, et ce depuis qu'il était arrivé et qu'il nous avait dit en me pointant du doigt "l'ombre, un jour déploiera ses ailes", et nous allions bientôt savoir ce qu'il voulait dire. Nous allions avoir la solution à l'énigme.

OmbreWhere stories live. Discover now