A nouveau le Diamant se posta juste sous la surface de l'eau et hissa son périscope d'attaque. Le commandant, ne voyant plus que les navires de commerce, toujours en formation et continuant de naviguer comme si rien ne s'était passé, ordonna de hisser le périscope de veille, bien plus volumineux, et de prendre des photos.
Fouchet vit le commandant partir. Sans doute allait-il préparer un message à l'attention de Paris afin de relater les récents évènements. Le jeune second-maître leva la tête un instant pour regarder l'écran déporté juste au-dessus de lui. Cet écran affichait la caméra du périscope d'attaque. Ainsi, tous purent voir les cargos rouillés et leur pavillon sortit d'un autre âge.
Alors que l'antenne de communication fut hissée à son tour, Fouchet vit alors un petit tube sortir de l'eau, juste derrière eux. L'idée ne fit qu'un tour dans son esprit et il pointa du doigt en criant.
Le maître Stephane allait lui hurler dessus pour remettre ce jeunot à sa place lorsque son regard se posa sur ce que Fouchet pointait du doigt : un périscope.
Derrière eux, à seulement trois cents mètres, le sous-marin ennemi fit surface. Son flanc avant tribord crevé par un énorme trou béant. En toute logique il aurait dû couler, comment se fait-il qu'il était encore capable de tenir à flot et de naviguer ?
Ils n'eurent pas le temps de le savoir, car, déjà, l'ennemi leur tira dessus. Une torpille explosa directement sur l'hélice du Diamant, détruisant une bonne partie de l'arrière du sous-marin français. Tous ceux qui étaient à l'arrière moururent aussitôt. Puis des obus vinrent exploser contre les flancs du Diamant. Crevant en plusieurs endroits sa coque épaisse.
Des incendies se déclarèrent un peu partout à bord. Une dizaines de marins moururent. Plus encore furent grièvement blessés.
Un obus chanceux traversa la coque épaisse du compartiment des turbo-alternateurs et y détona. Vaporisant les six français qui s'y trouvaient encore. Mais cette explosion, non contente d'avoir déjà tuée, provoqua une fuite de l'eau primaire du réacteur nucléaire.
Cette eau alla se répandre dans les compartiments habités par l'intermédiaire des trous apparus suite aux incendies et explosions. De nombreux hommes en furent aspergés. Aucun n'avait pris la mesure de ce avec quoi ils entraient en contact. Quoi qu'il puisse leur arriver, près d'un tiers de ces hommes était condamné à une mort lente et extrêmement douloureuse.
La panique se répandit comme une traînée de poudre et tua plus de marins.
A chaque seconde passant, la situation se dégradait.
Devant de tels dégâts et une telle anarchie, le pacha n'eut pas d'autre choix et ordonna de larguer les plombs et d'abandonner le navire. Mais hélas, seuls les plombs situés à l'avant du SNA furent largués, ce qui fit que seul la moitié avant du Diamant pu rejoindre la surface. Le reste étant coincé sous l'eau, entraînant lentement, mais inexorablement le sous-marin français vers les ténèbres des abîmes.
Le fier sous-marin nucléaire n'était plus qu'une épave et était extrêmement instable. Il ne faudra pas beaucoup de temps avant qu'il ne disparaisse pour de bon au fond de l'océan.
Fouchet, pris de panique, suivi le reste de l'équipage vers une sortie de cette tombe commune. Le maître Stephane était mort sous ses yeux, une violente secousse l'avait envoyé se fendre le crâne contre un coin. D'autres encore moururent avant d'avoir pu gagner l'air libre et le salut.
Le jeune sous-marinier fut bousculé en tout sens. Il n'y avait plus aucune discipline maintenant. Seulement un concept très limité de survie.
Il en fut pourtant certain qui vinrent tout de même à la rescousse de leurs camarades. Plusieurs le payèrent de leur vie lorsqu'un câble d'huile sous haute pression se rompait et les coupait littéralement en deux, le sauveteur et le "sauvé".
Mais ils furent bien rares.
Des panneaux menant à l'air libre furent ouvert. Et les hommes sautèrent dans les eaux gelées du Grand Nord. Sans combinaisons, ni gilet de sauvetage.
Fouchet alla vers le panneau situé quatre mètres derrière le Central Opération. Un important attroupement attendait déjà là et pressait un chef mécanicien d'ouvrir le panneau. Mais, déformé par une explosion proche, le panneau refusait de s'ouvrir. Fouchet n'attendit pas et repartit dans l'autre sens.
Il prit l'échappée qui menait en haut du massif. Il croisa le cadavre d'un des élaborateurs, il reconnut le quartier-maître Piochet. Il y a une semaine, il venait d'apprendre qu'il était papa pour la première fois.
Fouchet grimpa quatre-à-quatre l'échappée et sortit du sous-marin. Il sauta aussitôt à l'eau et alla rejoindre un petit groupe de rescapés.
Le jeune second-maître faisait parti des quelques chanceux qui purent évacuer le Diamant. Regardant tout autour de lui il compta combien avaient déjà réussir à sortir : vingt-sept.
Vingt-sept seulement avaient pu s'échapper. D'autres allaient forcément suivre.
Fouchet se rendit compte d'un autre petit truc : l'ennemi avait cessé de tirer. Peut être qu'ils allaient venir à leur rescousse, selon les anciennes lois de la guerre sur mer.
Les désillusions ne mirent pas longtemps à arriver. En effet, le sous-marin rouillé s'approcha et lança une nouvelle torpille, en plein dans le travers bâbord du français. Soulevant des gerbes d'eau. Des morceaux de métal fusant dans toutes les directions. Ainsi que des morceaux des corps.
Le marin à côté de Fouchet eut le crâne enfoncé par un morceau de sous-marin gros comme un poing. Un homme en feu, éjecté de l'intérieur du sous-marin par la force de l'explosion, atterrit dans l'eau. Les survivants nagèrent, aussitôt après avoir repris leurs esprits à l'opposé du sous-marin en train de couler.
Fouchet nagea le plus vite qu'il pouvait, tout autant pour échapper à un destin funeste que pour se réchauffer. Il sentait déjà la morsure du froid s'insinuer en lui.
Après une nage éperdue et frénétique, un grand grincement métallique le fit se retourner, ainsi que les autres survivants. Le Diamant, dont on ne voyait plus que le nez, s'était soulevé à la perpendiculaire et s'enfonçait rapidement dans l'eau. Bientôt, il ne resta plus rien. S'il s'était encore trouvé des hommes à l'intérieur, ils étaient maintenant tous morts.
La mort dans l'âme, Fouchet ne savait plus quoi faire. C'était une partie de lui-même qui venait de disparaître avec le sous-marin et les corps de ceux qui furent comme une famille pour lui.
Fouchet se tourna vers le sous-marin ennemi. Celui-ci était toujours en surface et s'approchait inexorablement d'eux. Finalement il venait quand même les secourir.
Un staccato soudain mit fin aux espoirs des survivants. C'était le bruit caractéristique d'une mitrailleuse. L'arme fauchait tous ceux qu'elle croisait. Plusieurs se mirent à nager frénétiquement, dans l'espoir de lui échapper, mais, leurs mouvements les révélaient parmi tous les débris et les corps et ils étaient impitoyablement abattus.
Fouchet se glissa près d'un cadavre et s'en servi autant comme bouée que comme bouclier. Le sang ayant donné une teinte rouge à l'eau tout autour. Le jeune second-maître fit alors le mort, dans l'espoir de passer inaperçu.
Comme le sous-marin passait à côté de lui, Fouchet ne put s'empêcher de regarder les hommes qui s'y tenaient. Certains en haut de la passerelle, d'autres tout le long de la plage avant.
Tous portaient des uniformes allemands de la seconde guerre mondiale. Certains étaient armés de pistolet-mitrailleur, d'autres de revolver. Pourtant, ni ça, ni le silence de mort régnant sur le bord de ce sous-marin ne choquèrent le jeune français.
Non, ce qui le choqua c'est ce sur quoi reposaient tous ces uniformes : des squelettes.
Les sous-mariniers français s'étaient battus contre l'équipage réduit à l'état de squelettes d'un sous-marin allemand vieux de plus soixante-dix ans ! Ce convoi avait dû disparaître en mer à la fin de la seconde guerre mondiale et pourtant, même mort, ils continuaient de naviguer !
Sa découverte arracha à Fouchet un hoquet de surprise et le squelette tenant la mitrailleuse se tourna aussitôt dans sa direction et ouvrit le feu. Cinq balles perforèrent le jeune français. Il ne mourut pas sur le coup.Il eut le temps de voir les derniers survivants être abattus à leur tour avant que ses yeux ne se ferment et leur assassin à tous s'éloigner un peu du lieu de son crime avant de plonger dans les eaux silencieuses du Grand Nord.
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Fantômes sous mer
TerrorUn sous-marin nucléaire français, alors en patrouille dans les mers glacée du grand Nord, capte des sons étranges à son sonar. Mais, le plus étrange, c'est au périscope qu'ils le verront...