Chapitre 2

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C'est drôle la vitesse à laquelle votre vie peut basculer. En une fraction de seconde, tous vos repères sont chamboulés, la vie vous oblige à changer et devenir un personne encore étrangère. Rien n'est plus proche que la vie et la mort, le bonheur et la tristesse. Personne ne peut interférer, le Destin frappe sans distinction. Qu'on soit riche ou pauvre, blanc ou noir, célèbre ou inconnu, les règles du jeu sont les mêmes: l'Homme n'est qu'un misérable pantin soumis à des forces qui lui échappent.
C est idiot. Je comprend ça seulement maintenant. Mais c'est trop tard pour moi.
J'entrouvre les yeux. Je ne distingue qu'un nuage de poussière blanchâtre qui m enveloppe. Le silence m entoure et m oppresse. Alors c est cela la mort ? Suis-je au paradis ? En enfer ? Ou n y a t il que du vide ? Je n'ai pas mal: je ne sens plus rien. Je ne peux pas bouger. Je suis allongée à plat ventre sur le sol, la poussière rentre dans ma bouche et se dépose dans mes poumons. Je n arrive pas à tousser. Mais je respire. Les morts ne respirent pas. Si ? Ou alors je suis encore en vie. Ébranlée par cette nouvelle hypothèse, j'ouvre un peu plus les yeux. Et je vois une main. Une main atrocement enfantine.

Mes paupières se lèvent brutalement. À côté de moi, la petite fille qui jouait avec son ballon est allongée sur le dos. Ses yeux sont clos et elle est coincée sous un amas de débris. À quelques mètres, sa mère est étendue, ses membres formant des angles anormaux. Ses yeux sont grand ouverts, son visage figé dans une expression de terreur. Mais son regard est affreusement vide. Je tends lentement la main vers la petite fille. Mes doigts effleurent les siens, elle ouvre les yeux d'un coup. Terrifiée, elle tente de pousser un cri mais je mets mon index contre mes lèvres, l'incitant à se taire. Elle me regarde, terrorisée, mais garde le silence à mon plus grand soulagement. Je lui souffle:
"Ne bouge pas, ne fais pas de bruit"
Elle acquiesce d'un mouvement de texte presque imperceptible.
Les larmes me montent aux yeux. C'est à ce moment là que je reprend vraiment conscience que je suis vivante. Je sens le sang qui coule dans mes veine, l'air qui descend dans mes poumons, le contact du sol sur mon ventre. Une odeur âcre me donne la nausée. J'ai mal partout, mais la douleur qui explose dans mon épaule à chaque mouvement est presque insoutenable. Elle me submerge sans pitié, m'empêchant de réfléchir correctement. Je parviens tout de même à la dominer quelques secondes et à examiner le paysage de guerre qui m'entoure.
Soufflée par l explosion, j ai été projetée contre les rayons. Des morceaux de plafond se sont effondrés, les étagères se sont écroulées comme des dominos. Un filet de sang dégouline sur mon visage. Son goût métallique emplie ma bouche. Le silence est oppressant. Puis il y a le bruit. Un grincement à peine perceptible, résonnant comme un coup de tonnerre dans le silence. Un bruit de pas. Qui vient vers moi.

42 kilomètres pour survivre Où les histoires vivent. Découvrez maintenant