2 ~ Lesson 2/3

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Lucian

Bon eh bien je vais y aller alors, bonne soirée et révise bien ! » lançai-je, en souriant et en poussant la porte, la laissant seule dans le couloir.

La quitter aussi brutalement ne me ressemblait pas, mais j'adorais le dessin. Et pour rien au monde je ne manquerais une seule seconde du cours que Monsieur Artifex avait prévu pour moi.

— Bonjour, entonnai-je joyeusement, dès que j'aperçus le vieux maître au fond de la salle

— Bonjour Lucian, encore en train de faire le joli cœur auprès des filles ? commenta-t-il

— En quelques sorte, répondis-je, entrant dans son jeu

— Bourreau des cœurs ! plaisanta-t-il, installe-toi, ajouta-t-il en désignant la place à côté de lui

J'obéis et sortis toutes mes affaires de dessin de mon sac à dos. Monsieur Artifex en imposait tant par son savoir que par son aura. M'expliquant qu'il allait me montrer des astuces pour être efficace et travailler rapidement, il justifiait ses paroles et les exprimait sur une de mes feuilles.

J'étais heureux d'être là. Le dessin était tout pour moi. Quand j'allais mal, je laissais mon crayon parcourir les grains de la feuille, dessinant ma souffrance, exprimant la douleur qui me brûlait le cœur. Souvent, le dessin ressemblait à un personnage étrange, flou, reflet de tous mes sentiments.

À mon grand regret, mon cours s'arrêta au bout d'une heure.

— Voilà. C'est tout ce que j'avais encore à te montrer avant le concours.

— Pas plus ? fis-je, surpris

— Non, répondit-il, simplement. Tu en sais assez pour réussir.

— Hum... D'accord, acquiesçai-je, interloqué

— Tu peux t'en aller. C'est au tour de Céleste, maintenant.

J'opinai de la tête, rangeai mes affaires et mis ma veste, toujours abasourdi.

— Au revoir, le saluai-je, avant de quitter la pièce.

D'habitude, il ne nous congédiait pas de cette manière-là.

Je sortis du bâtiment aux murs verts, mon sac sur mon épaule et balançant au bas de mon dos. Il me restait une demi-heure avant que je ne prenne mon bus. Comme à mon habitude, je décidai d'aller m'asseoir un moment dans le parc avoisinant. Les mains dans les poches, je frissonnai. Le vent était glacé. Je jetai un coup d'œil au parc : son aspect semblait triste, morne et presque mort. Non, jamais je n'aimerais l'hiver.

— T'es encore là ? m'étonnai-je, en voyant Louise assise sur un banc, bloc et crayons à la main, ses écouteurs posés à côté d'elle

— Tu as l'air content de me voir, constata-t-elle, sarcastiquement, en refermant son bloc

— Très. Je peux m'asseoir ? questionnai-je en désignant la place vide à côté d'elle

— Non, tu vas rester debout comme un con, rétorqua-t-elle ironiquement ; bien-sûr que tu peux t'asseoir.

Je m'esclaffai et m'assit à côté d'elle.

— Tu dessinais quoi ? demandai-je, alors qu'elle rangeait son bloc fermé dans son sac à dos

— Quelque chose.

— Je peux voir ?

— Non, dit-elle, un peu précipitamment

— S'il te plaît, implorai-je

Elle fit non de la tête et je n'insistai pas.

— Toi aussi, monsieur Artifex t'a fait comprendre brutalement que tu devais t'en aller ? interrogeai-je, avec curiosité

Elle hocha la tête.

Je penchai la mienne de côté et l'observai à la dérobée.

— Tu n'es pas très prolixe, lui fis-je remarquer, toujours en la détaillant

— En effet, répondit-elle, en tournant son regard vers le mien, qu'elle détourna dès qu'elle croisa mes yeux

Le vent soulevait ses cheveux bruns, répandant un doux parfum sucré qui venait caresser mes narines. Le nez enfoui dans son écharpe de laine beige, elle baissait ostensiblement la tête, les yeux rivés sur ses bottines noires. Dommage qu'elle ne levait que rarement les yeux vers moi. Ils étaient d'une jolie teinte.

Depuis le début de l'année, elle n'était jamais venue me voir, contrairement à Céleste qui était venue me parler dès le départ. Je crois que Louise n'a pas le contact facile. Elle est à côté de moi, à peine à quelques centimètres, et pourtant j'ai l'impression qu'elle est à des galaxies de moi. Discrète, réservée, distante. C'est comme ça que je la qualifierais.

Elle aimait dessiner. Mais elle ne montrait jamais ses dessins. Ils étaient accrochés sur les murs de son coeur, et elle refusait de les en détacher pour ouvrir son coeur.

Observer les gens me permettait de les comprendre et de cerner leur âme réelle, de voir quelle jeune fille se cachait sous ce masque de timidité, de mal-être et sentiments refoulés.

Quand la fièvre me prenait et que je commençais à dessiner fébrilement, c'étaient le reflet de ses traits qui apparaissait sur la feuille. C'étaient ses beaux yeux qui me fixaient tristement qui s'esquissaient. C'étaient ses prunelles dénuées de joie qui m'observaient à la dérobée pendant les cours de dessin, pensant que je ne le remarquais pas.

Un jour, je me souviens qu'elle avait oublié sa pochette de dessin sur sa table. Je la lui avais prise et la lui avait rendue la semaine suivante. Je n'avais pu résister à la tentation de regarder chacun des dessins qu'elle contenait. Car, je savais que Louise était talentueuse. Mais, j'avais l'impression qu'elle se bridait inconsciemment l'esprit en pensant automatiquement qu'elle raterait tout. J'y avais trouvé des tas de dessins merveilleux, beaucoup plus beaux que tous ceux qu'elle réalisait en cours. Dès lors, j'ai compris qu'elle n'avait absolument aucune confiance en elle et qu'elle se sentait mal et inférieure à nous. Alors qu'elle, sa personnalité était peinte en plusieurs couches superposées, toutes plus sublimes les unes que les autres, tandis que moi, j'étais aussi vide qu'un précipice. Je n'avais aucune profondeur.

Et, sincèrement, qu'est-ce qui, chez moi, la mettait aussi mal à l'aise ?

J'étais un garçon on ne peut plus normal, tout ce qu'il y a de plus commun. Excepté le fait qu'il m'arrivait d'être insomniaque à cause d'une idée, et de ne pas dormir avant de l'avoir exprimée à coup de crayon.

Pas si commun, tout compte fait.

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~ Bonne année à tous ! Je vous souhaite le meilleur pour 2017 !

Prenez soin de vous !

À la semaine prochaine !

Honey.

Little ArtistOù les histoires vivent. Découvrez maintenant