2 ~ Lesson 3/3

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Louise

Le visage à moitié recouvert par mon épaisse écharpe, je songeais à mon cours de dessin. Il avait duré bien plus longtemps que celui de Lucian. C'était encore un signe de ma nullité par rapport aux autres. Ou de mon manque de talent, tout simplement. J'en avais assez de me sentir si basse, si faible, si mal. Je me disais que c'était moi le problème, que c'était à moi de décider d'être heureuse et que mon coeur refusait peut-être de baigner dans le bonheur. Vouloir être perpétuellement triste, c'était stupide et totalement illogique. D'habitude, les gens font tout pour être heureux. Mais moi pas. Non, moi je préfèrais rester malheureuse, pour la simple et bonne raison que je ne connaissais pas le bonheur, le vrai. Bien-sûr, au lycée, je ne le montrais pas. Et puis, là-bas, les cours n'ont rien à voir avec le dessin, alors je n'y pense pas et je l'enfouis au plus profond de moi.

   Mais, une fois seule, tout refait surface. J'aimerais bien pouvoir contrôler ça. J'aimerais bien être comme Céleste, qui a déjà un avenir tout tracé devant elle, ou comme Lucian, pour qui le futur ne laisse aucun doute. C'était trop demander d'être normale ?

  Et pendant que je pensais et réfléchissais, Lucian m'observait. Enfin, je crois. Je n'osais pas le regarder dans les yeux, parce que j'avais peur qu'il puisse y lire tous les sentiments qui m'agitaient. Et aussi parce que son regard me déroutait. Il était vif, contrairement au mien qui était sans doute éteint.

  Parfois, je laissais mes yeux dériver jusqu'aux siens, mais jamais bien longtemps.

On était assis l'un à côté de l'autre, bêtement, sans rien dire. C'était stupide et intimidant. Aucun de nous deux ne parlait.

Je me creusais à essayer de trouver quelque chose à dire, mais rien ne venait. On se bornait à se regarder dans le blanc des yeux de temps à autre.

Ce n'était pas ennuyant. J'aimais sa présence et le savoir près de moi. Mais, je restais persuadée que nous avions l'air de deux idiots...

*

Céleste

  Je poussai la porte du bâtiment, essoufflée. J'avais traversé la ville en courant, étant partie tard de chez moi. Je jetai un coup d'œil à ma montre : j'avais presque dix minutes de retard. Monsieur Artifex n'allait pas apprécier. Plus timidement qu'à l'accoutumée, je frappai à la porte avant de l'ouvrir et de me faufiler à l'intérieur. Monsieur Artifex, assis au fond de la classe, me dévisageait d'un air singulièrement agacé.

  Aïe.

Je bredouillai quelques excuses et m'assis à côté de lui, un peu mal à l'aise.

Il soupira et commença à m'expliquer quelques petites nouveautés, qui étaient en fait des détails.

Moins d'une trentaine de minutes plus tard, Monsieur Artifex me congédiait, et je rentrai chez moi presque aussi vite que j'en étais partie. Mon cours avait vraiment été bref. Je n'aurai pas grand chose à revoir pour le concours le mois suivant.

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