Alium Diem [Terminé]

Cinquième page

Tout ce que j’avais trouvé à faire avait été de fuir son regard. Quel aurait-été le but d’affronter une fois de plus la morosité de ses pupilles si ce n’est me rendre encore plus taciturne ? J’étais là pour profiter des gens que j’aimais, non pas pour me replier sur moi-même à cause de cette douleur qui commençait déjà à me lancer dans le coeur. 

J’avais pris absolument tout le monde dans mes bras tout en prenant soin de l’éviter au maximum. Jungkook semblait encore avoir grandi et il ne loupa pas cette occasion pour une fois de plus faire des remarques sur ma taille, auxquelles je répondis par un coup derrière sa tête. Étonnamment j’avais toujours été le seul à être victime de son humour agaçant alors que Yoongi n’était plus grand que moi que d’un seul et unique centimètre. Je devais sans doute être trop gentil avec lui. Seokjin le reprit suite à sa blague comme s’il était outré de la mauvaise éducation de son cadet quand bien même il n’avait rien avoir avec celle-ci. 

Le moment fatidique où je me retrouva devant Yoongi sans savoir quoi faire arriva enfin, et je me contenta de m’abaisser un peu en signe de salutation sans tenter de m’approcher plus que cela. En vérité je cherchais à le fuir plus qu’autre chose même si je savais qu’au bout d’un moment il allait falloir que l’on parle lui et moi. 

Les deux heures suivant nos retrouvailles avaient été dédiées à des rires et des révélations. Beaucoup de choses s’étaient passés dans la vie de chacun entre temps, et j’étais absorbé par leur récit au point que le temps ne fut plus qu’une plume dans un tourbillon.

De là j’appris que Namjoon avait une copine et qu’il pensait sérieusement à emménager avec elle, que Seokjin avait surpris Jungkook en plein ébat avec sa première petite-amie en allant chez lui sans le prévenir un jour où l’un de ses cours avait été annulé - anecdote à laquelle Taehyung n’avait d’ailleurs pas vraiment rigolé - et que justement, Jungkook venait de rompre il y a seulement quelques semaines en se rendant compte qu’il ne l’aimait pas vraiment mais qu’il avait juste beaucoup d’affection pour elle. De son côté, Hoseok ne cessait de nous parler du chien qu’il venait d’adopter avec Yoongi et de montrer des photos qu’il avait prise de lui. Je ne pus m’empêcher de rire lorsqu’une photo de Yoongi affalé dans un canapé avec le chien presque posé sur sa tête apparut à l’écran. Ils étaient si mignons. Dire que c’était comme ça que j’imaginais ma future vie lorsque nous étions au lycée : avec un Yoongi grognon qui se serait occupé d’un adorable chiot et que j’aurais retrouvé dans cette position en rentrant de l’université. 

Après un rapide repas au fast-food en face de l’établissement, on décida enfin d’y entrer en voyant de plus en plus de gens pénétrer à l’intérieur. En soit nous n’avions rien à y faire puisque notre remise des diplômes s’étaient faites l’année dernière - je n’y étais d’ailleurs pas présent sachant que je passais mon temps enfermé chez moi à pleurer - donc pour passer inaperçu il était préférable de nous dissimuler dans la foule. 

Une fois au chaud, un petit buffet se présenta à nous ainsi que quelques tables et une légère musique comme bruit de fond. Notre lycée n’avait pas un budget exceptionnel mais ils avaient fait leur possible pour rendre l’endroit convivial et que tout le monde puisse passer un bon moment. 

Je m’éloigna un peu du groupe lorsque je vis mon ancien professeur d’anglais, un gobelet en plastique à la main, parler avec des étudiantes qui venaient apparemment de recevoir leur diplôme. Je n’étais pas très friand des relations professeur-élève et c’est pour cela que je n’avais d’affinités avec aucun d’entre eux et que je ne cherchais pas spécialement à me faire bien voir en général. Ils faisaient leur job, je faisais le mien. Cependant il était l’exception. En seconde Yoongi et moi étions dans la même classe et je dois avouer que l’on était parfois très peu discret dans nos regards ou nos sourires, mais il était le seul professeur à s’être interessé à nous et à nous avoir prévenu sur les dangers que pouvait représenter une relation entre deux garçons dans le système scolaire. Loin de lui l’idée de nous séparer - je crois même qu’il avait énormément de mal à dissimuler son affection pour nous puisqu’il avait déjà eu le droit à des remarques concernant le favoritisme qu’il pouvait parfois faire - c’était juste le seul à avoir pris le temps de nous mettre en garde face à la fermeture d’esprit de certains de ses collègues tout en nous souhaitant beaucoup de bonheur. Contrairement à mon petit-ami de l’époque, j’avais eu la chance de l’avoir pendant mes trois années d’études ici. À l’approche de l’examen final j’étais au plus mal en voyant que Yoongi commençait déjà à s’éloigner de moi et qu’il refusait de me parler de ce qui n’allait pas, et une fois encore il m’avait fait rester à la fin d’un de ses cours en remarquant la chute libre de mes notes et mon attitude qui avait changé. Il était peut-être un peu trop impliqué dans ma vie personnel pour que ce soit correct mais c’était selon moi ce qui caractérisait un bon enseignant : être pédagogue et s’intéresser individuellement à chacun de ses élèves pour s’investir dans leur réussite scolaire. Je lui avais alors parlé de tout. Du fait que je me sentais plus seul que jamais dans mon couple, que j’avais appris il y a plusieurs semaines que Yoongi n’avait pas toujours été tout blanc en allant à certaines soirées mais que je lui avais pardonné, que j’avais envie de le quitter mais que je l’aimais tellement que je me sentais incapable de le faire et que je me sentais tiraillé. Il m’avait écouté tout du long sans jamais m’interrompre même lorsque je m’étais mis à pleurer. À l'heure actuelle j’avais toujours le paquet de mouchoir qu’il m’avait donné ce jour là comme souvenir de ce professeur marquant qui m’avait grandement aidé psychologiquement, bien que ses conseils n’avaient pas abouti et que j’avais mis du temps à m’en relever.