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Je ne devrais pas faire cela. Je ne devais pas, mais je ne pouvais me retenir.

Après avoir récupéré mon téléphone posé en évidence sur la table de chevet, je composai mon propre numéro. Quelques sonneries résonnèrent, puis ne pouvant répondre à mon appel, je tombai sur ma messagerie.

"Bonjour, ou bonsoir peu importe, vous êtes bien sur la messagerie de Kim Nam... Yoongi ! Lâche-moi, tu me... Aaaah ! Tu me chatouilles !

- Laisse tomber ce message de merde et embrasse-moi plutôt.

- Vous pouvez laisser un message après le bip sonore. Si vous souhaitez le..."

Mon cœur se retourna au son de sa voix, se contorsionna, ravivant la douleur d'une plaie qui refusait de se fermer.

Depuis trois jours, si ce n'est plus, je n'avais pas déplacé mon être hors de cette chambre. Les volets demeuraient clos et la nourriture que m'apportaient mes amis s'accumulait au pied de mon lit, malgré eux.

Suga me manquait tant.

Pour la première fois de ma vie, je ressentais ce vide. Tel un creux, un trou, un gouffre dans ma poitrine. Qui me tuait à petit feu.

Il avait quitté l'appartement et s'était évanoui dans la nature, sous les regards impuissants de nos managers qui n'étaient pas parvenu à le retenir. Juste avant de s'enfuir, car il fallait bien avouer que c'est ce qu'il avait fait, nous avions parlé. Je pense pas que l'on puisse appeler cela une conversation. Plutôt une dispute. Et ce terme n'exprime encore pas suffisamment la violence froide et impassible dont il a fait preuve face à mes larmes. Ses derniers mots, ses dernières attaques, m'ont percutées avec une puissance insoutenable, me lacérant le cœur, mon fragile organe.

"Je ne suis pas un putain de gay, comme toi. Je ne suis pas une aberration de l'humanité. Les gens comme toi ne devraient pas exister."

Son ton était resté glacial, et c'est peut-être, voir certainement, l'élément qui m'avait le plus choqué. La conviction que ses paroles portaient. J'avais beau tenter de me persuader que la peur du regard des autres s'exprimait à sa place, je ne réussissais à déceler autre chose que de la haine dans le regard qu'il avait lancé par dessus son épaule, avant de claquer la porte. Un forme d'égoïsme s'était alors emparé de ma raison, de mon cerveau hanté par sa présence, toutefois je préférerais interpréter cette sensation comme une protection. Il m'avait tant blessé. Je lui avais offert la voie royale jusqu'à mes entrailles et il avait précautionneusement piétiné les fleurs qui germaient le long du chemin. Le bonheur que sa tendresse m'avait laissé entrevoir, s'était vu réduire à néant si brusquement. Et aujourd'hui, je m'enveloppais dans mes draps et mon indifférence. Car la seule solution que j'avais trouvé pour camoufler ma souffrance était ce masque n'affichant qu'une troublante insensibilité.

Je ne pouvais plus me laisser aller de la sorte. Je devais prendre sur moi et affronter les mines compatissantes de mes camarades. Alors, je me relevai, puis après avoir enfilé un jogging et un tee-shirt, ouvris la porte de mon antre. La lumière m'éblouit; j'attendis quelques secondes pour permettre à mes pupilles de s'adapter à ce rapide changement de luminosité. Tandis que je m'apprêtais à rejoindre les cinq idiots dans notre salon, j'arrêtais tout mouvement. Tendant l'oreille, je pus entendre leurs voix.

- Ouais, je l'ai eu hier.

- Il est où ?

- Je n'en sais rien, il n'a pas voulu me le dire.

- Pourquoi il s'est cassé comme ça, au fait ? s'enquit Taehyung.

- Tu as rien suivi, toi !

- Je ne fourre pas mon nez dans les affaires des autres au moins !

Lost In Busan - Suga & NamjoonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant