Lost In Busan - Suga & Namjoon

III

Le ciel était superbe aujourd'hui.

Les nuages formaient de délicates volutes s'enroulant autour des quelques immeubles du centre-ville, tandis que la brise les déplaçait lentement. L'atmosphère demeurait fraiche sans que cela devienne dérangeant. Au contraire, l'air s'infiltrait sous nos vêtements pour nous maintenir à une température idéale.

Mes doigts pendant mollement le long de mon corps commençaient à s'engourdir. Je fourrai mes mains dans les poches de mon blouson de cuir noir, les yeux fixés sur le bitume. À la limite de mon champ de vision se trouvaient les semelles de Yoongi, que je suivais à défaut de savoir où le conduire.

Il avait pris l'initiative de m'emmener dans le lieu de son choix et l'occasion était trop belle pour que je ne la saisisse pas.

Nous marchions depuis à peine cinq minutes dans un silence absolu.

Subitement, Suga s'arrêta. Alors qu'il restait planté, droit comme un piquet, au milieu du trottoir, j'osai relever le regard.

Devant nous, l'océan écartait ses longs bras aqueux comme une mer accueillerait ses enfants. L'eau que j'imaginais glaciale était recouverte d'un manteau brumeux, qui ajoutait une dimension mystique supplémentaire au lieu, déjà poétique à mes yeux.

- Je sais que tu adores la mer et vu que tu as fait le déplacement jusqu'à Busan, autant que tu puisses en profiter.
- C'est gentil d'avoir pensé à moi.
- Oh tu sais, j'aime bien aussi, alors c'est pas vraiment pour toi...

Sa maigre justification m'arracha un sourire amusé et, dans un geste irréfléchi, j'attrapai sa main afin de le tracter jusque sur le sable. Les minuscules grains s'insinuèrent dans nos chaussures peu à peu. Cette sensation, désagréable à l'origine, accentua la moue joueuse qui décorait mon visage. Le sable glissant, irritant ma voûte plantaire me rappelait mon enfance et l'insouciance qui s'y rattache. Et la présence de Yoongi à mes côtés, sa paume contre la mienne, fit croître encore un peu plus l'euphorie naissant dans mon bas-ventre.

- Retire tes chaussures.

Le brun, dont les pupilles pétillaient à nouveau, me regardait pendant qu'il délaçait ses baskets consciencieusement. Avec des fossettes de plus en plus marquées, je reproduis son action avant de balancer sur la plage mes chaussures.

Puis, Yoongi me prit au dépourvu : son emprise sur ma main se rafermit et il galopa vers l'eau. Nos pieds heurtèrent la surface dans un bruit englobé dans le phénomènal boucan des vagues. L'écume nous chatouilla les orteils, se déposa sur nos épidermes et se retira en une fraction de seconde.

Un éclat de rire s'échappa des lèvres de mon partenaire.

Aussitôt, toute mon attention se focalisa sur lui. Son coprs, sa voix, ses mains, ses doigts, ses yeux, ses lèvres. Lèvres qui ne demandaient qu'à être langoureusement embrassées. Je secouai la tête d'un mouvement suffisamment vif pour chasser ses idées déviantes de mon esprit.

- Ça fait longtemps qu'on est pas allé à la mer seuls.
- Faut dire qu'on a pas beaucoup de temps libre.
- Eh bien, maintenant si !
- On nous l'aurait jamais accordé si tu ne t'étais pas barré comme ça.

Son visage détendu se referma brusquement et je me rendis compte que mes mots n'auraient pas dû franchir la barrière de mes dents.

- Excuse-moi, ce n'est pas ce que je voulais dire.

Il haussa les épaules, un rictus peiné sur ses traits si doux, et s'accroupit pour effleurer l'eau du bout de ses doigts.

- Yoongi... Pardon.
- Arrête de t'excuser. Tu n'y es pour rien.
- Je... Je suis perdu. Mes mots ne sont pas à l'image de ce que je ressens et je ne veux pas te blesser avec ma maladresse.
- C'est adorable de ta part, lâcha-t-il sarcastiquement, en plongeant son regard obscur dans le mien. Mais de nous deux, je pense que je remporte la palme de la maladresse haut la main.