Tic, Tac, Tic, Tac, Tic, Tac. J'ai l'air maligne moi, à regarder bêtement les aiguilles de l'horloge tourner au-dessus de mon bureau. Ça fait exactement 2 heures et 47 minutes que je suis assise là, les bras croisés sur celui-ci et ma tête dessus. 2h et 47 putains de minutes que j'ai passé à penser à la discussion de tout à l'heure. Je ne cesse de repasser la scène dans ma tête, au ralentie comme dans ces putains de films d'amour. Et je ne peux pas penser à autre chose. Je ne veux pas. J'ai l'impression d'être encore avec elle dans les bois. Ses yeux si sincères et brillants d'un éclat que je n'avais encore jamais vu. Je pouvais même deviner sa respiration saccadée et sa voix tremblante.
« -Et là, y'a une fille qui te plait ? »
« -Oui il y'a une fille adorable qui me plait bien en ce moment... »
« -Oh...Et c'est qui ? »
« -Une fille que je regardais de bas, dans l'ombre au début. Puis j'ai eu de la chance de pouvoir lui parler et de la connaitre plus et maintenant je ne pourrais pas vivre sans lui parler. »
« -Cette fille a vraiment de la chance d'avoir une fille comme toi Julie. »
« -Cette fille c'est toi Kimia . »
J'aurais dû savoir, j'aurais dû pressentir des signes !
« Comme tu as été naïve Kimia ! »
Si j'avais pu voir ce qu'elle ressentait pour moi, j'aurais pas été aussi conne sur le coup... Je lui ai dis de me laisser un peu de temps pour réfléchir, pour me remettre les idées en place. Et je crois que c'est à ce moment là que ça a été le pire : son sourire. On aurait dit qu'elle était désolée de m'avouer ça. Oui, son sourire était teinté de regrets. Et ce sourire semblait vouloir dire « laisse tomber... ».
De mon côté ? Eh bien, j'essaye d'éclaircir les choses depuis maintenant 2h et 50 minutes, mais les aiguilles de l'horloge vont pas me donner la solution aussi facilement je crois...
Bon, ok. Kimia les choses sont simples en fait. La VRAIE question c'est si tu l'aimes ou pas. Point, basta. Non mais qu'est ce que je dis ! J'ai l'impression d'être un chaudron à émotions là, tout boue. Julie est quelqu'un d'exceptionnel. C'est une personne incroyablement compréhensive et gentille. Bref, Aaron et moi avons déjà parlé de ça récemment. Il est vrai que je pense énormément à elle et que je veux passer du temps avec elle, mais c'est normal entre amies non ? Quand Aaron et moi étions allés chez Franchine, il m'a dit qu'il pensait que je l'aimais plus que bien. Ben ouais c'est vrai, je l'adore...
« Bon Kimia arrête tes conneries, joue pas avec les mots ! » me dit ma conscience.
Mais putain ta gueule j'essaye de remettre les choses dans l'ordre tu m'aides pas !
« Olala mais quelle jeune fille insolente ! »
C'est chaud, je me mets à parler à moi-même maintenant...
« Ecoute si tu veux un conseil, appelle ton ptit Aaron, on verra ce qu'il en pense de la déclaration de Julie ! »
Non mauvaise idée, je l'ai déjà assez soudoyé comme ça... Et puis, je vais encore plus m'embrouiller si je parle avec lui. Non pas qu'il ne va pas m'apporter de l'aide, au contraire, mais je pense que j'ai besoin de me retrouver seule. Bon, revenons à nos moutons. Ce que je dis de Julie reflète pas mal avec ce que je pense d'elle c'est vrai. Et je pense chaque mots quand je dis que c'est un être adorable. Sa déclaration m'a tellement touché, j'ai eu les larmes aux yeux mais je ne pouvais décemment pas pleurer devant elle ! En rentrant chez moi tout à l'heure je me suis écroulée sur mon lit dans un sale état. Complètement désorientée. Putain j'ai laissé Julie en plan on lui disant que j'allais attendre mais je n'ai pas envie qu'elle se fasse de faux espoirs si je dis non. Mais le truc qui me taraude c'est que je n'ai pas envie de dire non. 3h pile. Tout à l'heure, Julie m'a donné jusqu'à demain pour réfléchir. Si j'étais amoureuse d'elle, est-ce que ça aurait été si évident ? Je ne sais pas... En même temps, je n'ai pas eu beaucoup d'expériences amoureuses à part Nathaniel. Pauvre salaud. Quand ça c'est fini, mon cœur c'est tellement brisé que j'ai eu peur qu'il ne se reconstruise jamais. J'ai peut-être eu tort. Allons à l'évidence : Julie me fait ressentir des trucs que je ne pourrais pas ressentir pour une simple amie ! Dans la forêt, la première fois il c'est VRAIMENT passé quelque chose de bizarre. J'ai pas rêvé, je ne saurais dire ce que c'est mais c'est comme si il y avait eu une espèce de ... Tension sensuelle dans l'air. Et ça m'a plu. Je jette ma tête sur mon bureau et commence à donner des petits coups à celle-ci en grognant. Aaaaaarg putain Julie... Julie, Julie, Julie, J-U-L-I-E. Je prends soudainement un crayon et commence à écrire son prénom partout ; sur mes cahiers, sur ma trousse, sur mon bureau-même, sur ma main... Je ne peux pas me sortir cette fille de la tête, c'est comme une obsession. Je suis perdue. Encore. J'en ai marre d'être faible et de ne pas savoir ce que je veux. Les larmes me montent aux yeux soudainement. Armé de mon stylo et une feuille blanche devant moi je commence à la dessiner et oublie les larmes ruisselante sur mes joues. Même si niveau dessin je ne suis pas la championne du monde, je me débrouille. Mes traits ressemblent de plus en plus à quelque chose et apparaissent ses cheveux rouges flamboyant, son éternelle veste en cuir, sa peau blanche immaculée, ses mains délicates, ses yeux magnifiques et enfin sa bouche. Ses lèvres. Pleines et roses. J'arrête mon dessin et le regarde. Ce n'est pas Julie. La Julie du dessin a ce regard triste et ce sourire forcé. La vraie Julie aurait eu un petit sourire en coin et les yeux pétillants. Je regarde de nouveau le dessin et plus particulièrement ses lèvres. Je mords les miennes. Les paroles d'Aaron me reviennent subitement en mémoire :
« - Attends, analysons bien les choses : tu la trouves drôle, gentille, intelligente et je passe sur la centaine d'adjectifs dont tu l'as qualifié ! Depuis ta rencontre avec cette fille, elle occupe toute tes pensées et tu veux être avec elle. Ose me dire que tu n'as pas pensé une fois à lui voler un ptit bisou... »
Aaron, comme toujours tu ne t'étais pas trompé. Sur le coup, j'ai pas été capable de te répondre mais maintenant j'en suis sûre : j'en ai envie. Oui, je crois que j'aimerais l'embrasser. Entre amies ça ne se fait pas ça hein ? « Putain Kimia tu peux vraiment pas répondre à cette question toute seule ? » ricane ma conscience. Je repasse une dernière fois la scène de la déclaration dans ma tête et les mots de Julie résonnent :
« -Une fille que je regardais de bas, dans l'ombre au début. Puis j'ai eu de la chance de pouvoir lui parler et de la connaitre plus et maintenant je ne pourrais pas vivre sans lui parler. »
Le sang commence tout doucement à me monter aux joues. C'est vrai que c'est pareil pour moi, il n'y a pas un jour qui passe sans que j'ai envie de lui parler... Oui Aaron, je me pose décidément trop de questions. Même si je ne suis pas lesbienne, et que je ne pensais pas l'être, je ne peux plus prétendre que je ne ressens rien pour elle. Je pense qu'il est temps d'avoir une autre discussion avec Julie. Il faut absolument que je lui parle ! Ça ne va peut-être pas être une réussite vu mon AISANCE face à des situations comme celles-là, et je vais certainement bégayer comme une idiote, mais je veux tenter le coup. Pour elle.