Naël porta le verre à sa bouche et ingurgita une gorgée d'alcool. Le cocktail lui chauffa la gorge et l'œsophage ; il frissonna. Il n'avait pas l'habitude de boire. Pas parce qu'il était prude ; il n'aimait simplement pas l'alcool.
Sauf que ce soir, il avait envie de se bourrer la gueule. Il vida son verre ; malgré le jus d'orange et le sirop, il sentait bien l'alcool fort de son Tequila Sunrise. Il grimaça, puis décolla son dos du mur, posa son verre sur une table et marcha jusqu'aux toilettes.
Oulàh. Ça bougeait un peu. Une sorte de brouillard cotonneux l'envahissait ; il n'avait pas senti l'alcool monter. Une fois barricadé dans les toilettes, il fit ce qu'il avait à faire, puis alla se rincer les mains.
Le miroir au-dessus du lavabo lui renvoyait l'image d'un garçon brun, petit et frêle, avec des yeux marrons cernés de bleu, ourlés de cils noirs trop longs, trop féminins à sont goût, tout comme le reste de son corps. Naël faisait partie de ces gens qui se sentaient comme piégés dans leur corps. Né fille, il détestait cette identité qui ne lui correspondait pas, et faisait tout pour avoir l'air d'un garçon. S'il arrivait à peu près à cacher sa poitrine et ses hanches, sa voix restait beaucoup trop aigue à son goût, et il avait du mal à se faire voir comme un mec.
Il passa sa main dans ses cheveux rasés qui repoussaient, se frotta les yeux et sortit des toilettes.
Il se dirigea vers le bar pour re-remplir son verre ; il dût jouer des coudes pour se faufiler entre les gens. Il était habité par la sensation étrange d'être seul, alors qu'une vingtaine de personnes plus ou moins alcoolisées ou défoncées s'agitaient autours de lui. Parmi les invités, il repéra Arthur.
Il retourna dans son coin et s'assit avec son verre. Arthur était assis avec quelques personnes autours d'une table, faisant passer un joint tandis que la discussion allait bon train.
Naël but sa vodka-orange à grandes gorgées. Arthur était son meilleur ami depuis maintenant un an. En temps normal, il serait en train de s'amuser avec lui, mais pas ce soir. Il n'était pas d'humeur.
Et plus il voyait Arthur rire avec les autres, plus son cœur se serrait, et plus l'envie de pleurer lui étreignait la gorge. Pourquoi est-ce que son meilleur ami ne voyait pas qu'il n'était pas bien ? Pourquoi est-ce qu'il n'était pas là pour lui ? Il renifla. Merde, pas question de craquer maintenant... Il but trois autres grandes gorgées de vodka-orange.
Il sortit son portable pour se donner une contenance. Merde, déjà 1h36 du matin !
Il termina son verre d'un coup ; urgh... C'était pas une bonne idée... Sa gorge le brûlait, le monde autours de lui s'embruma un peu plus. Il se dirigea vers Arthur, qui riait avec une fille au nez percé d'un anneau.
-Arthur, appela-t-il d'une voix beaucoup plus haut perchée qu'il n'aurait voulu.
Ce dernier leva la tête, et sourit en voyant son ami.
-On va rentrer ; si on est pas chez moi à 2h, ma mère va nous détruire...
Arthur vérifia l'heure, leva les yeux au ciel et déclara :
-Puisque tel est son souhait... Salut les gars, c'était cool de vous rencontrer ! fit-il en se levant pour rassembler ses affaires.
Après avoir dit au revoir à tout le monde, les deux garçons sortirent dans la nuit chaude du début de juillet.
-Alors, demanda Arthur en rajustant la bretelle de son sac à dos, t'en as pensé quoi de la soirée ?
-Bof... Je me suis fait un peu chier...
-Pourquoi t'es pas venu avec moi ? Y'avais plein de gens cool ! Tu vois la meuf avec le piercing dans le nez ? Elle s'appelle Anissa, elle est géniale !
Naël haussa les épaules en cherchant du feu dans ses poches. Sa gorge se serrait à nouveau ; il se mordit l'intérieur des joues. Évidemment, son ami s'était bien amusé ; sans lui. Sans remarquer son malaise, Arthur sourit et lui tendit un briquet. Sans lever les yeux, Naël alluma sa cigarette et le lui rendit.
Le trajet jusque chez Naël se déroula dans le mutisme complet de ce dernier, qui se bornait à quelques approbations lâchées au hasard lorsqu'Arthur interrompait son joyeux babillage pour reprendre sa respiration. Il sentait que s'il s'exprimait autrement que par monosyllabes, il serait fichu de fondre en larmes comme un abruti et il ne voulait pas en parler avec son ami. En plus, l'alcool se faisait sentir, et il devait se concentrer pour marcher à peu près droit.
Une fois arrivés, les deux garçons montèrent directement dans la chambre. Arthur s'écroula sur le grand lit de son meilleur ami.
-Grosse merde, marmonna Naël, clignait des yeux dans une tentative infructueuse de chasser le brouillard qui envahissait sa vision.
-Regarde plutôt dans mon sac, répliqua Arthur, la vois étouffée par l'oreiller.
Naël obtempéra, et sortit du Eastpak noir une bouteille de Poliakoff à moitié pleine.
-Mec ! s'exclama-t-il. Tu l'as péta à la soirée ?!
-Ouais, fit Arthur en se relevant avec un grand sourire. On en a pas fini !
Naël sourit aussi et rejoignit son ami sur le lit. Son sourire était sincère ; c'était exactement ce dont il avait besoin.
-A toi l'honneur ! s'exclama joyeusement Arthur.
Naël ne se fit pas prier, et but un peu de la vodka.
-Pas plus ? s'étonna Arthur.
-Mec, je suis déjà bourré, je veux pas être un déchet demain.
Arthur haussa les épaules, et but à son tour à grandes gorgées.
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Et maintenant, qu'est-ce qu'on fait?...
Ficção AdolescenteNaël et Arthur sont amis. Meilleurs amis; ils se comprennent, rient, s'entraident et se connaissent par coeur. Et puis quelque chose dérape. Il suffisait de trois fois rien, vraiment...