Et maintenant, qu'est-ce qu'on fait?...

Chapitre III

Naël émergea difficilement. Il avait mal à la tête, et surtout sa bouche était atrocement sèche. Il roula sur le côté pour attraper la bouteille d'eau au pied de son lit. Après avoir bu, il se recoucha, et se mit à observer d'un air pensif son ami qui dormait toujours à côté de lui. Il soupira. Il se rappelait parfaitement de ce qui s'était passé la veille ; restait à savoir si Arthur s'en souvenait aussi... Est-ce que ça allait changer quelque chose entre eux ? En tout cas, ça lui avait plu... Est-ce qu'il voulait recommencer ? Peut-être... Est-ce qu'il voulait sortir avec Arthur ? Non.

Son ami lui plaisait, c'était indéniable, mais il n'avait surtout pas envie d'être en couple avec lui. Sûrement que leur relation allait être un peu modifiée, mais pour l'instant, il n'avait pas envie de se prendre la tête. Aujourd'hui, ils avaient prévu d'aller prendre des photos dans des hangars transformés en skate-park ; Arthur avait emmené sa planche, et Naël prendrait son appareil photo. Il avait juste envie de passer la journée avec son meilleur ami.

Il se frotta les yeux, et attrapa son téléphone : 11h13, et un nouveau message de Marine qui lui souhaitait bonne nuit, qu'il n'avait pas vu la veille. Il était temps de réveiller Arthur, prendre une douche, préparer quelque chose à manger en route et partir.

Aux alentours d'une heure de l'après-midi, les deux garçons étaient assis sur des bidons cabossés, sous le toit percé de toutes parts d'un des vieux entrepôts de l'ancienne gare. Ils engloutissaient des sandwichs confectionnés à base de pain un peu dur et de restes de rosette de Lyon. C'était délicieux.

-Tu te souviens de ce qui s'est passé hier ?... demanda soudain Arthur, et Naël se rendit soudain compte qu'il attendait depuis un bout de temps le bon moment pour en parler.

Il haussa les épaules :

-Bien sûr.

Arthur retira quelques miettes de ses lèvres d'un geste nerveux.

-Et qu'est-ce que tu en pense ?

Naël sentit que son ami perdait patience.

-J'en pense qu'on est toujours amis. C'était cool, j'ai bien aimé ; je sais pas si on ira plus loin un jour, mais ça me dérangerait pas. Je veux dire, si on fait plus, c'est cool, mais si on en reste là, je serai content aussi.

Arthur se pinça l'arrête du nez d'un air contrarié.

-Donc en fait, tu t'en fous. Ca veut rien dire, pour toi. Je...

Naël le coupa :

-Ca veut dire qu'on se plaît, qu'on en avait envie sur le moment. Ca veut pas dire qu'on doit se mettre ensembles et se promettre monts et merveilles, ou même qu'on est obligés de continuer sur la lancée. Ca veut juste dire qu'il y a moyen de quelque chose, que c'était un moment sympa, et c'est tout...

Il y eut un silence.

-T'as toujours réponse à tout, hein... fit Arthur. C'est un truc bien avec toi ; t'as toujours une réponse intelligente à donner. T'as sûrement raison, je veux dire, c'est évident. On verra ce qu'on fait.

Il se frotta les yeux :

-Sauf que moi je suis paumé, là-dedans. Je sais plus qui je suis, je sais plus qui j'aime, et... et j'ai besoin d'un peu de temps... Moi ça me perturbe, tu vois ? Donc pour toi c'est peut-être simple, mais ça l'est pas autant pour moi. Tout le monde peut pas être aussi libéré et détaché de toi.

Naël resta silencieux, puis mordit dans son sandwich. Ca l'attristait. Pour lui, les choses étaient simples, claires, limpides. Mais pas pour Arthur. Il voyait bien le trouble de son ami. Il était fébrile, tremblait un peu, et il semblait au bord des larmes.

Il fit couler sa grosse bouchée de sandwich avec un peu de la bière achetée sur la route. Puis il passa un bras autours de la taille d'Arthur. Ce dernier posa une main hésitante sur sa cuisse.

Et ils restèrent immobiles, dévorant des yeux les murs de tôle en face d'eux. Le plafond de ferraille du hangar laissait passer de larges taches de soleil qui se reflétaient sur les tessons de bouteille au sol. Les plantes s'infiltraient par toutes les ouvertures, un peu de vert vif dans la lumière d'été.

C'était magnifique.