Yoongi aime faire le service de nuit dans le grand hôtel où il travaille. La paie est un peu meilleure, les clients moins embêtants, et il reste toujours de quoi grignoter dans les cuisines du restaurant. Quand il rentre chez lui, à deux heures pass...
Yoongi quittait habituellement le travail vers deux heures du matin, quand le métro ne fonctionnait plus depuis un moment. De temps en temps, Jimin le déposait en scooter en bas de son immeuble ; d'autres fois, il devait rentrer à pied, les jambes lourdes après ses longues heures de service.
Travailler de nuit pouvait sembler difficile mais Yoongi s'en accommodait bien — tant qu'on le laissait avoir son compte de sommeil. Avec seulement trois heures au compteur, il passa la nuit à se plaindre, pestant contre M. Han qui commandait toujours une collation juste avant que les cuisines ferment, et contre le lavabo des toilettes du bar qui ne cessait de se boucher.
Quand peu avant la fin de leur service, Jimin vint lui annoncer d'une petite voix qu'une des machines à laver de la blanchisserie ne fonctionnait plus, Yoongi se rendit à l'évidence : ce n'était tout simplement pas son jour. Pour faire bonne mesure, il essaya néanmoins de redémarrer la machine plusieurs fois, puis colla un post-it indiquant « hors service » sur le hublot.
Il était près de trois heures du matin quand il quitta enfin l'Oakwood.
— Tu me ramènes ? demanda-t-il à Jimin qui secoua la tête, l'air désolé.
— Mon scooter est au garage, tu te souviens ?
Yoongi avait oublié. Il poussa un long soupir, puis s'enquit d'une voix lasse :
— Tu rentres à pied, alors ?
— Ben, en fait, j'ai un peu faim, je me disais qu'on pouvait aller manger et attendre le premier métro...
Jimin, une moue sur les lèvres, semblait s'attendre à un refus. Il eut l'air surpris quand Yoongi accepta. Yoongi avait sommeil mais il devait avouer que la perspective d'un bon repas l'enchantait plus qu'une heure de marche dans le froid pour rentrer chez lui. D'un commun accord, ils quittèrent Gangnam pour trouver un petit restaurant ouvert 24 h/24 où ils mangèrent du jajangmyeon entourés de fêtards rentrant de soirée.
À cinq heures et demie du matin, Yoongi, épuisé mais le ventre bien rempli, embarqua dans le premier métro de la journée. Il n'y avait presque personne à cette heure-ci dans la rame, seulement un jeune homme qu'il avait entraperçu monter dans le wagon suivant à la même station que lui.
Les paupières de Yoongi étaient lourdes mais il n'était pas question qu'il s'endorme et manque son arrêt alors il mit ses écouteurs et lança sa playlist préférée dans l'espoir que cela le tienne éveillé. Bientôt, pourtant, sa tête se mit à dodeliner. Il était sur le point de s'assoupir quand des éclats de voix retentirent. Il ouvrit les yeux un instant, le temps de voir trois autres garçons entrer dans la rame. Le silence retomba avant que les voix ne se fassent entendre de nouveau, plus discrètes. Intrigué, Yoongi se pencha légèrement pour jeter un œil, apercevant le jeune homme d'un peu plus tôt entouré des nouveaux venus. L'un d'eux s'était assis à côté de lui et semblait lui faire la conversation.
Est-ce que Yoongi devait s'inquiéter ? Cette question lui traversa l'esprit avant qu'il ne la repousse urgemment. Il n'avait à s'inquiéter de rien, il n'était même pas concerné.
Yoongi essaya de faire abstraction du petit groupe à quelques mètres de lui, mais de nouveaux éclats de voix le firent couper sa musique. Pour la première fois, il distingua clairement celle du jeune homme qui était monté dans la rame en même temps que lui. Il semblait en colère, Yoongi se concentra pour saisir ce qui se disait ; il pâlit brusquement en comprenant qu'il était en train de se faire racketter.
Yoongi n'osa pas bouger, effrayé et réalisant seulement à cet instant que le groupe d'agresseurs ne l'avait pas remarqué. Il ne savait pas s'il devait intervenir. Après tout, ils allaient peut-être finir par abandonner... Le cœur battant, il attendit, les jambes repliées sous son siège, le haut de son corps enfoncé dans le dossier dans une vaine tentative de se cacher.
Soudain, un bruit sourd se fit entendre. Yoongi risqua un nouveau coup d'œil. Les trois garçons avaient jeté le quatrième au sol. L'un d'eux tenait dans sa main ce qui semblait être le portable de la victime d'où pendaient encore des écouteurs.
Le jeune homme tenta de se relever mais en fut empêché par un coup de pied à l'estomac. Il se tordit de douleur et laissa échapper une plainte étouffée.
— Ton portefeuille, il est où ? lui demanda l'un de ses agresseurs en ouvrant le sac à dos qu'il lui avait arraché.
Restant sans réponse, il décida de fouiller lui-même le sac et un rire étranglé passa la barrière de ses lèvres.
— Tu pars en vacances ou quoi ? se moqua-t-il en sortant deux T-shirts, un caleçon et enfin, un rasoir.
Maintenu au sol par l'un des racketteurs, le garçon marmonna quelque chose que personne ne comprit.
— Quoi ? T'as dit quoi ? le pressa celui qui l'avait frappé à l'estomac.
— J'ai dit : « Ferme-la. »
Yoongi n'eut même pas le temps d'être amusé qu'un pied vint frapper le dos de l'impertinent, suivi rapidement d'un poing qui s'écrasa sur son visage. Il gémit, se recroquevillant sur lui-même pour se protéger sous le déferlement de violence.
Ce fut à cet instant que Yoongi se découvrit l'âme d'un sauveur — une chose dont il n'avait jamais soupçonné l'existence et dont il se serait bien passé.
— Eh ! appela-t-il en se levant difficilement (ses jambes étaient endolories du travail de la nuit).
Il lutta pour ne pas se dégonfler quand toutes les têtes se tournèrent vers lui.
— Qu'est-ce que vous faites ? continua-t-il en lançant un regard furtif au jeune homme qu'il avait voulu aider.
Sa lèvre était coupée et son œil gauche semblait déjà commencer à gonfler.
— Dégage, ça vaut mieux pour toi, l'avertit un des racketteurs en le bousculant.
Sans réfléchir, Yoongi le poussa en retour, regrettant immédiatement son geste. Un coup de poing l'envoya s'écraser contre les sièges de la rame. Il fit doucement jouer sa mâchoire, hésitant à faire le mort et à ne pas se relever.
Une main levée le menaçait de nouveau quand le métro s'arrêta à une nouvelle station (il y en avait bien trois qui étaient passées depuis que le premier coup avait été porté). Sans même se concerter, les trois agresseurs s'enfuirent en courant, abandonnant le sac à dos de leur victime. L'apparition de Yoongi avait dû les déstabiliser.
Avec un sourire douloureux mais sincère, le jeune homme à la lèvre fendue s'assit en tailleur et attrapa son sac presque vide tandis que les portes du métro se refermaient sur eux.
— Merci de m'avoir aidé, dit-t-il.
— J'ai essayé...
Yoongi lui rendit son sourire, s'efforçant tant bien que mal d'ignorer qu'un de ses caleçons traînait toujours par terre.
— Moi, c'est Hoseok, lança le jeune homme qui ne semblait pas s'en soucier. Et toi, l'oiseau de nuit ?
──────── NDA: voilà hoseok qui fait son apparition dans cette histoire! le pauvre, ce n'est pas très joyeux pour l'instant mais au moins il a rencontré yoongi 🥲
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