Jour 5
Le bruit du verrou me tire brutalement de ma somnolence. Je me redresse dans ce lit qui est désormais le mien, comme si j'étais montée sur ressort. La vague de terreur me submerge lorsque le battant s'ouvre lentement, faisant crisser les charnières.
Comme si ça pouvait me sauver du sort qui m'attend, je recule jusqu'au mur et ramène mes genoux contre ma poitrine. Mon attitude est grotesque ; j'en ai conscience. Je devrais plutôt me mettre debout pour tenter de m'échapper des griffes de mon agresseur, mais si mon cerveau engrange cette information, mon corps n'obéit pas. Il préfère que je sois prostrée dans un coin, comme si ça pouvait m'assurer une subsistance. Mon cœur bat si fort que je le sens taper dans mes tempes.
Une ombre s'étale sur le sol à mesure qu'il avance dans la pièce et à mesure que sa silhouette se dessine, j'ai l'impression que tous mes organes se rétractent. Ma vessie se contracte méchamment et je dois fournir un effort pour la retenir de se vider. La peur est horrible à voir. Je suis sûre qu'elle déforme mon visage, alors que le sien est immuable, arborant le masque de cet être anonyme, défenseur de la liberté. Quelle ironie !
La main sur le battant, tourné vers moi, il m'observe en silence. Ce dernier s'étire, devient oppressant ; il envahit la cellule et prend toute la place. Je ne parviens plus à respirer. Je force mon cerveau à réagir pour combler les défaillances de mon corps inerte. Mes jambes tremblent tellement que j'en ai mal.
J'essaie de me concentrer sur des éléments pragmatiques : étudier la situation. Analyser mon adversaire.
Mon ravisseur est grand. Il doit avoisiner les 1m85. Il porte des cheveux bruns et courts, aux mèches folles. Certaines retombent sur ce masque dont les lèvres de plastique sont perpétuellement étirées en un rictus moqueur, comme si toute cette histoire n'était finalement qu'une vaste plaisanterie.
Il est vêtu d'un jean bleu foncé et d'un t-shirt noir tout simple. Sa masse musculaire semble impressionnante, même si, par ailleurs, il est svelte et fin, à la façon d'un athlète de sports de combat. J'essaie de trouver sur lui un élément qui détonne, qui me donne des indices de son identité ou de ce qu'il désire, n'importe quoi qui m'offre un semblant de piste. Je tente de m'accrocher aux choses concrètes qui m'empêcheront de sombrer dans la peur et la folie. Mais en dehors de son masque, de ses vêtements très sobres et de ses baskets, je n'ai rien à me mettre sous la dent. Il est parfaitement anonyme.
Je l'entends soudain soupirer. Il baisse la tête un bref instant vers le sol, et j'ai la sensation de prendre un coup dans la poitrine. Chacun de ses mouvements me donne une poussée d'adrénaline que mon cœur n'est pas assuré de supporter. Je mords dans mon poing pour ne pas crier et garder mon contrôle.
Des choses pragmatiques.
Mais je n'en trouve plus aucune. Il n'y a rien. Il ne me laisse rien.
Soudain, il lâche le battant de la porte et s'approche du lit. À chacun de ses pas, je me tasse, m'évapore, disparais dans la terreur la plus absolue. Si j'étais un bout de verre, je serais en train de me fissurer de partout, prêt à l'implosion.
Il s'arrête à quelques centimètres des draps. Sous mes yeux, il paraît encore plus grand et plus robuste. Je me concentre sur les oscillations de sa poitrine, ce qui me prouve qu'il est bien humain. De toute façon, qui peut faire du mal à un humain de cette façon si ce n'est un autre humain ?
Il me regarde de haut, avec une certaine froideur, comme s'il cherchait à me cataloguer. Je ne suis sûrement rien de plus qu'un bout de viande pour cet homme. J'essaie de retrouver mes facultés mentales. Ce n'est pas le moment de flancher. Je desserre la pression de mes dents dans ma paume, constate que ma morsure s'y est parfaitement imprimée et que des traces rouges commencent à apparaître. Mon ravisseur pose les yeux sur l'empreinte, mais il ne cille pas.
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The Missing Obsession (paru chez Black Ink Editions)
RomansaQue feriez-vous si vous vous réveilliez un matin dans une cellule, pris au piège d'un détraqué possessif et mystérieux ? Que feriez-vous si vous deviez lutter pour votre survie tout en luttant pour préserver votre esprit ? Captive d'une pièce aux mu...