Recroquevillée dans un des nombreux placards de la maison, l'angoisse me tords l'estomac.
Ils arrivent.
Je plaque une main sur ma bouche pour ne pas qu'ils m'entendent respirer, et je ferme les yeux, espérant que tout cela ne soit qu'un cauchemars.
Ils arrivent.
Je perçois alors des bruits de bottes.
Ils arrivent.
Des coups à la porte, et les bottes, de nouveau, résonnant sur le carrelage comme des tambours de guerre.
Ils arrivent.
La lumière m'inonde alors.
Ils sont là.
Les deux Kholos se saisissent de moi et me tirent vers l'extérieur. Je rue, je mords, je frappe. C'est peine perdue, je le sais, et pourtant... Et pourtant je tente, de toutes mes forces, de leur échapper. Je ne suis même plus consciente de ce que je fais. Je ne suis plus que pleurs, colère, désespoir. Je ne suis plus qu'une bête sauvage. Et alors qu'ils me jettent au fond d'une cage sordide, cette énergie animale, ce désespoir sauvage, me quittent, et alors je ne peux que pleurer, recroquevillée au fond de ma cage. Je ne suis plus qu'un animal effrayé.
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Je reprends doucement conscience lorsque le chariot fut secoué par une profonde ornière. Je me relève doucement, le sang battant contre mes tempes, les yeux douloureux d'avoir laisser échapper trop de larmes. Et alors qu'à travers les barreaux de ma cage j'observe le paysage monotone, je me sens misérables. Misérable d'avoir cédé à la peur. Moi qui me disais si forte ! Qui disais ne pas avoir peur des terribles Kholos ! Moi qui riais de leurs masques, que je disais ridicules ! Qui riais de leur pas saccadé, que je disais comique !
C'est moi qui ai été ridicule ; ridicule de me cacher, ridicule d'avoir voulu leur échapper. Ridicule d'avoir espérée.
Espéré...
Et alors les larmes dévalent à nouveaux mes joues.Ce voyage est long, douloureux et humiliant. À chaque village dans lequel nous passons, je ne peux empêcher la douleur et la tristesse de me submerger, me souvenant alors douloureusement de ma propre vie qui allait être changée à jamais. En songeant aux projets fous que que je construisais avec Aulei. Ces rêves irréalisables, quitter le pays, renverser le maître, faire rêver nos parents. Ces histoires qu'on se racontaient, à propos des masques lisses des Kholos, sans aucuns traits. On les disaient maudits. On les disaient faits en cuir humains, on les disaient cirés avec de la graisse de porc, de mouton, de canard.
Ces histoires, ces projets, ces rêves qu'on se racontait juste pour être sûres de ne pas être devenues comme eux, comme toutes les grandes personnes. Pour être sûres de ne pas être devenues comme Telmid, Miys, ou encore Shol.. Qui nous ont laissées, Aulei et moi, seules enfants. Qui ont quittés, les uns après les autres, notre cabane.
Et c'est à mon tour. Cette fois ci, c'étais moi qui abandonnait Aulei, seule enfant parmis tous ces adultes insensibles.
Je ne sais plus depuis combien de jour nous voyageons. Des semaines, sûrement, des mois peut être. Chaque jours, nous nous arrêtons durant un court moment pour que je puisse marcher un peu et me soulager. Les Kholos me nourrissent régulièrement, et je n'ai pas à souffrir de la faim. Leurs masques unis ne m'effraient plus. Je m'y suis habituée. Comme je me suis habituée aux regards des enfants. Comme je me suis habituée aux barreaux de ma cage, à la paille qui en tapisse le fond, à la solitude, à la crasse.Comme je me suis habituée à ne plus espérer.
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Il pleut.
Les gouttes de pluies martèlent mon visage et brouillent ma vue. J'ai froid. Je me blottis en frissonnant au fond de ma cage, mais cela ne suffit pas. J'ai toujours froid, de plus en plus froid. Les Kholos ont dû le remarquer puisque l'un d'entre eux fouille dans un sac, en sort une cape qu'il me tends, ainsi qu'un grand drap dont il recouvre ma prison. Ainsi plongée dans le noir, je me mets alors à réfléchir, comme je l'ai fait durant tout ce voyage. Lorsque je suis partie, l'été touchait à sa fin. Cela doit donc faire trois semaines environ que nous sommes partis. J'espère qu'Aulei continue à sauter dans les flaques d'eau, et que maman ne la grondera pas trop fort. Il faut qu'elle profite de son enfance. Qu'elle joue avec les feuilles mortes, qu'elle vole des pommes dans le verger du voisin, et qu'elle partage celles ci avec Meys en riant de son escapade.
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Les âmes-plumes
FantasyIci, les gens n'ont plus de rêves, plus d'espoirs, plus d'envies. C'est le moyen le plus sûr qu'à trouvé le maître pour tous les soumettre. Mais des oubliés du système décident de se battre. Se battre pour ceux qui n'en n'ont plus l'envie.