Échec au roi (sous contrat d'édition)

Chapitre 2

La semaine avait été longue, mais Emma ne l'avait pas vue passer. Entre les cours et son nouvel emploi du temps qui lui tombaient dessus comme une massue, son boulot au bar et ses deux meilleurs amis, elle avait de quoi faire.

Cependant, ce vendredi soir, elle le réservait à une tout autre personne tout aussi importante que les jumeaux et son frère. Sa mère, Nathalie.

Cette dernière habitait dans un loft au deuxième étage d'un bel immeuble dont la porte d'entrée en bas se fermait à clé. Pour s'annoncer, il fallait sonner à un interphone, ce qui rassurait Emma depuis que sa mère avait pris son indépendance.

Certes, ses parents étaient divorcés depuis un an à présent, mais Emma craignait toujours que Gaël revienne et la frappe à nouveau. Il avait tout tenté pour qu'Emma vive avec lui, bien qu'il ne puisse pas l'y obliger. Elle allait seulement avoir ses dix-huit ans à ce moment-là. Elle s'était battue avec Shaun et Nathalie ; ensemble, ils avaient dressé un mur contre Gaël. Cependant, ça n'avait pas été sans conséquence. Lorsqu'un homme suscitait la peur chez autrui, ça laissait des traces indélébiles et, plus d'une fois, seule dans sa chambre, Emma s'était repliée sur elle-même, les paupières fermées, repoussant le plus possible les mauvais souvenirs et les émotions que son père faisait naître en elle. Elle savait aussi que sa mère n'avait pas vécu ces durs mois mieux qu'elle. Finalement, ils avaient gagné et il avait disparu de leur vie. Mais jusqu'à quand ? Emma ne préféra pas y penser.

Nathalie lui ouvrit la porte avec un doux sourire, qu'Emma lui rendit, et l'invita à entrer. Ce soir, Shaun n'était pas avec eux, ce n'était qu'un moment entre filles ; Emma n'avait pas vu sa mère depuis trois semaines environ, ayant beaucoup de choses à faire avec la rentrée.

— Ma chérie !

— Bonjour, maman.

Elles s'étreignirent et Nathalie emmena la demoiselle au salon où patientaient déjà un plateau de grignotage et une cruche de limonade. Elles s'installèrent en face l'une de l'autre et, en observant sa mère, les yeux d'Emma se froncèrent.

— Tout va bien, maman ?

— Oui, pourquoi cette question ? demanda-t-elle en lui servant un verre.

— Tu sembles fatiguée...

Et c'était peu dire ! Ses traits étaient tirés et elle avait de grandes poches sous les yeux. Emma la détailla davantage et trouva qu'elle avait maigri.

— J'ai seulement un peu trop forcé sur le footing ces derniers jours.

— Tu manges comme il faut ?

— Mais oui. Arrête un peu de t'en faire pour moi et raconte-moi plutôt cette rentrée.

Emma lui sourit, chassant son inquiétude temporairement dans un coin de sa tête et lui retraça sa semaine, les cours, les jumeaux qui se plaisaient en chambre universitaire... Elle parla de tout, sauf de ce que sa mère attendait vraiment. Et la question tomba au bout d'un moment.

— Tu les as revus ? Et... lui ?

Emma prit une grande inspiration. Elle savait qui elle mentionnait. Ce n'était pas étonnant, elle était revenue dans cette ville où, à coup sûr, elle irait dans la même université qu'eux.

— Seulement Lucy, mais on ne s'adresse pas la parole. J'ignore si elle m'a aperçue. On a certains cours obligatoires en commun.

— Et tu ne veux pas renouer avec elle ?

— Non.

Nathalie n'était pas au courant de grand-chose de ce qui s'était passé deux ans plus tôt. Et Emma ne s'était pas non plus dévoilée. Beaucoup de choses avaient changé à cette époque-là ; la séparation d'Emma et son copain, les coups de trop que Nathalie avait reçus par Gaël, sa vie en danger, leur fuite, à Emma et Nathalie pour un centre de femmes battues pour leur protection, d'où le fait qu'elles avaient quitté la ville précipitamment et Shaun qui s'était démené à leur trouver un endroit sein pour vivre.