Chapitre 3

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Il était 3h du matin quand Nathan ouvra brusquement les yeux. Il mit quelques instants à se rappeler où il était. Il s'était endormi sur son canapé la veille. Il se leva doucement et se dirigea vers sa fenêtre. Celle-ci laissait apparaître un magnifique paysage que Nathan ne se lasserait jamais d'admirer. Paris la nuit. Paris l'hiver. Paris une nuit d'hiver.

Il resta ainsi, à contempler le peu de gens qui passaient, durant quelques minutes. Il aimait ça, regarder les gens. Essayer de découvrir et de deviner ce qui se cachait derrière leurs visages. Est-ce que eux aussi étaient seuls ? Il espérait intérieurement qu'il ne soit pas le seul, mais ne pouvait souhaiter à quelqu'un de vivre sa situation.

Nathan avait toujours été quelqu'un d'optimiste, c'est pourquoi il n'avait jamais eu les idées noires malgré tout. Il essayait toujours de voir le bons côtés des choses, et dans le cas présent, il n'en avait pas trouvé. Cependant, il ne pouvait se résoudre à se morfondre et attendait que le temps fasse son affaire et atténue tout ses problèmes.

Mais il savait qu'il ne pouvait pas que compter sur le hasard de la vie. Il fallait qu'il se reprenne, et vite. Il sauta sur son ordinateur et tapa bêtement : "comment aller mieux ?"

Plusieurs réponses apparurent. Se divertir. Pouvait-il vraiment trouver une occupation, hors mis la musique, qui pourrait le détacher, ne serait-ce que quelques instants, de cette vie qu'il menait depuis ce fameux jeudi ?

Il passa ensuite à la page d'après : cuisiner. C'est vrai qu'il n'avait plus cuisiné depuis l'accident. Il pris note sur une feuille qui traînait par là :

"Choses à faire pour aller mieux :

-cuisiner"

Il passa à la troisième page : voyager. Il trouva cela d'abord absurde. Quelle idée de voyager seul ? Quel intérêt ? Puis il se laissa convaincre. Il n'était plus apte à faire preuve d'une objectivité suffisante pour juger si cette proposition était, ou pas, une bonne idée. Alors il nota. "Voyager."

Il passa à la quatrième page, quand on toqua à la porte. Il sursauta. Quelle heure était-il ? Il n'avait pas vu le temps passer. Qui cela pouvait-il être ? Personne ne s'était soucié de son état, ni même de ce qu'il devenait depuis ces 8 dernières semaines. Il se leva silencieusement de sa chaise et se dirigea vers sa porte d'entrée. Il n'avait plus l'habitude des contacts humains. Il répéta dans sa tête : "Bonjour, j'peux vous aider ?"

Non. Ça n'allait pas.

"Bonjour, puis-je œuvrer à satisfaire votre besoin ?"

Il rit nerveusement. Ça n'allait pas non plus. Il décida de se lancer, prit une grande inspiration et ouvrit la porte.

Un homme grand et costaud. En costard. Sa moustache soyeuse laissait entrevoir une bouche aux fines lèvres. Il avait de grands yeux noirs, durs. Sa coupe de cheveux était on ne peut plus sophistiquée, et il se tenait droit comme un piquet.

Nathan était impressionné et ne savait que dire. Il attendit simplement que l'homme, qui feuilletait désormais dans divers papiers, lui adresse la parole. Au bout de quelques secondes, celui-ci leva la tête, les traits durs, comme s'il venait de réaliser la présence de Nathan devant lui.

"Bonjour." commença-t-il simplement.

Nathan tenta un sourire en guise de réponse mais n'y parvint pas. L'homme le dévisagea puis continua.

"Je suis M.Rester, l'huissier qui vous a contacté au téléphone il y a quelques jours." se présenta-t-il.

Ça y est, il était là. Nathan savait que ce moment finirait par arriver, mais il ne parvenait pas à se faire à l'idée qu'après lui avoir volé sa femme et sa fille, on lui volerait maintenant le peu qu'il lui restait.

Mais il devait désormais se faire une raison, le moment était venu de dire adieu à son appartement, à tous ses biens et même... à son piano.

Il acquiesça dignement et invita l'homme à entrer pour discuter.

"Asseyez-vous, je vous en prie." invita Nathan.

Il ne savait pas d'où cette politesse lui venait. Peut-être la joie inconsciente d'avoir enfin un contact humain hors médical. Pourtant, cet homme devant lui allait tout lui prendre, il le savait. Il savait beaucoup de choses Nathan, mais n'avait plus de mots à mettre dessus. Il aurait aimé que tout se passe autrement. Il aurait voulu voir grandir sa fille. Il aurait aimé ne pas avoir à ouvrir à cet homme, ni avoir à se forcer à lui sourire.


Doux désespoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant