Chapitre 4

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Cela faisait quelques minutes déjà que l'huissier qui se tenait devant Nathan blablatait sur des trucs administratifs dont Nathan ne comprenait pas un mot. Il entendait les mots de "prélèvement", "situation délicate", et parfois même le mot "navré". Nathan ne comprenait pas pourquoi l'homme se sentait contraint de dévoiler tout son discours alors que la fin était simple et efficace : il allait se retrouver à la rue. Il regarda l'horloge, qui indiquait 8h14. Il bailla soudainement devant le regard interloqué de l'homme, qui se contraria légèrement. Il reprit ensuite son discours interminable et plein de conviction. Nathan le laissa parler. Il regarda sa bouche s'agiter au rythme des mots qui en sortaient. Il remarqua qu'il avait de belles dents blanches et parfaitement alignées.

Le genre de personne à qui on servait du caviar broyé dans son biberon, se moqua Nathan intérieurement.

"Bon, vous avez compris le but de ma démarche ?" demanda l'huissier à Nathan.

"Euh... oui. Je pense. En quelque sorte, je me retrouverai à la rue d'ici quelques jours pour des raisons financières mais également administratives auxquelles je ne comprends strictement rien ?"

L'homme parut soudainement gêné de la situation. Il acquiesça tristement et n'osa pas regarder Nathan dans les yeux. Il semblait déstabilisé d'être ici. Nathan était-il si étrange que ça ?

Lorsque l'homme fut parti, Nathan le regarda monter dans sa voiture. Il fixa longuement ses mouvements. Il était incroyable de constater avec quel mécanisme il agissait. Un rôle constant dans une pièce de théâtre qu'est notre société. Il se devait de donner une image digne de lui, ou de la personne qu'il doit sembler être.

Nathan en fut désolé quelques instants, mais bien d'autres choses le tracassaient désormais. Il serait d'ici quelques temps à la rue. Il se devait de préparer ses affaires. Cela pouvait à n'importe quel moment arriver.

Il trouvait ça triste que quelques hommes aient à ce point une influence sur l'avenir d'un homme. A quel point la pression et l'autorité de certains empiétaient sur la liberté d'autres.

Il retourna à son ordinateur et y retrouva la liste commencée avant que son invité -à compté que l'on puisse l'appeler ainsi- n'arrive :

"Choses à faire pour aller mieux :

-cuisiner

-voyager"

Il posa son regard sur sa feuille et y porta une attention particulière. Il se souvint de son professeur de primaire, M.Lorin. Il avait eu droit aux cours de ce professeur à moitié dictateur du CP au CM2. Quelle joie avait-il eu lorsqu'il s'était agit d'entrer au collège !

Il s'assit à son bureau et ralluma son ordinateur qui s'était mis en veille. Il regarda la page d'après.

"Se faire des amis".

Nathan bloqua quelques instants sur cette phrase. Il est vrai qu'il n'avait plus songé à se reconstruire un cercle d'amis. Ces personnes sur qui nous pouvons compter à chaque instant de notre vie. Ceux qui donnent sans attendre en retour, ceux qui, lorsqu'il te demande si tu vas bien, se soucient vraiment de la réponse.

Il est vrai qu'un "ça va ?" est très vite lancé, analysé et répondu. Jamais personne ne te dira dans une conversation aussi anodine qu'une rencontre au supermarché "Non, ça ne va pas. Je ne vais pas bien, plus rien ne va.". Non, on se contentera de dire un futile "oui et toi", auquel notre interlocuteur répondra bêtement "oui".

Nathan se demanda alors jusqu'à quel point la communication existait encore à l'heure d'aujourd'hui entre les gens. Existait-il encore des gens qui seraient prêts à être emplis de joie lorsqu'il s'agit d'un bonheur dont il n'est nullement concerné ?

Nathan se résigna finalement à écrire sur sa petite liste du bonheur cette nouvelle idée.

"Choses à faire pour aller mieux :

-cuisiner

-voyager

-se faire des amis"

Il se demanda alors s'il accomplirait un jour ces diverses tâches. Cuisiner ne lui était pas difficile, c'était vrai. Et si son ambition d'aller de l'avant commençait ici ? En mettant quelques herbes dans une viande fraîchement cuisinée, accompagnée de légumes grillés et de féculents amoureusement préparés ? Il rit nerveusement à cette idée et décida qu'un jour, il y arriverait. Un jour, il cuisinerait pendant des heures, à s'en brûler les mains. Qu'un jour, il se ferait de nouveaux amis à qui il ne demanderait pas s'ils vont bien en les croisant au supermarché, mais des amis qu'il inviterait à manger ses bons plats cuisinés.

Et il se promit qu'un jour, il voyagerait dans un pays étrangé, même s'il doit le faire seul. Et il se promit qu'un jour, à travers ce voyage, il offrirait à sa femme et sa fille la plus belle expérience qu'il soit.

Doux désespoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant