Chapitre I

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Exactement cinq mois étaient passés et nous étions maintenant en décembre. La lune venait de céder sa place au soleil et les étoiles ne se laissaient plus voir.
Le brun était affalé contre un lampadaire en face de son lycée. Il ne prêtait pas vraiment attention aux nombreuses personnes qui se retrouvaient pour une nouvelle semaine. Il les fixait avec son regard brumeux, sans les regarder. Il aimait rester seul. Ce jour-là, il n'avait pas vraiment fait attention à son accoutrement, préférant penser. Il sortit une cigarette de la poche de sa veste en jean, l'alluma à l'aide d'un briquet et la planta dans sa bouche.
Du coin de l'œil, il vit une blonde qui marchait vers lui. C'était sa meilleure amie, à une époque pas si lointaine. Elle se planta devant lui, et lui fit un sourire, auquel il ne répondit pas.
« -Il faudrait rentrer, les cours vont commencer.
-Ouais, faudrait. Vas y, je te rejoins. »
Elle secoua la tête négativement, mais le laissa quand même.
La sonnerie retentit quelques minutes plus tard, il soupira mais rejoignit sa classe avec grande peine, en marchant le plus lentement possible.

A la pause déjeuner, il se contenta de s'assoir sur un banc. Il n'avait pas faim, encore moins que les autres jours. Fermant doucement les yeux, il ne vit pas son unique amie s'assoir à ses côtés.
« -Kellian, tu sais, ce n'est pas de ta faute.
-Ouais, je sais. J'y peux rien, ne me fait pas un immense discours que ma psy m'a déjà fait.
-D'accord, si tu ne le veux pas, je ne le ferai pas. »
Un silence pesant s'installa, l'adolescent venait d'ouvrir les yeux et s'apprêtait à quitter le banc quand Alex', sa meilleure amie, recommença à parler.
« -Ca fait exactement cinq mois... Qu'elle est plus là. » Compléta-t-elle, comme s'il ne savait pas de quoi elle parlait.
Il avait de nouveau fermé ses yeux. Ceux qui ne le connaissaient pas ne se seraient même pas aperçu de sa mâchoire qui s'était contractée, trahissant son émotion. 
« -Tout ce que tu as vu, c'est devenu notre perte, Ke'.
-Peut-être. »
Il la fixait à présent, elle détourna les yeux sous l'intensité de son regard. Il reprit quelques instants plus tard.
« -Peut-être que c'est mieux comme ça.
-Arrête, ne dis pas ça ! On se connaît depuis des années...
-Ne parle pas de ce putain de temps ! Le temps n'est rien. Il fait rien. C'est un incapable ! Un putain de gros incapable ! Il se contente de passer, mais ne répare rien. Il ne fait pas oublier, même ça il n'y arrive pas !
-Oui, mais...  » 
Il partit, la laissant seule avec ses tristes souvenirs.
« -Il y a d'autres gens qui souffrent aussi, en dehors de toi, espèce d'égoïste de merde ! »
Elle ne sut pas s'il avait entendu ou pas ce qu'elle avait crié, mais il ne se retourna pas une seule fois.

gravité (2017)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant