Chapitre VII

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Ses lèvres étaient entrouvertes, son nez rougi et ses yeux embués. Il regardait le ciel, puis l'eau, sous le pont. Il y cherchait quelque chose. Les passants le bousculaient, en lançant des injures. Perdu dans ses pensées à contempler ces étendus bleus, il n'y faisait pas vraiment attention. Il ne s'offusquait pas. Il s'en fichait, tout simplement. Il se fichait de beaucoup de choses. Le regard des gens, les cours, son avenir... Tout ça n'avait aucune putain d'importance à ses yeux. Comprenez-le bien, le coeur en miettes et la vie en vrac, que pouvait-il encore perdre ? Il avait déjà tout perdu. Parce qu'il foutait toujours tout en l'air. C'était comme ça. Kellian était comme ça. Un grunge un peu barjot avec des idées folles, voilà comment le voyaient les gens. Ces gens qu'il appréciait si peu. Il s'était forcé à se montrer plus sociable pendant une période, mais cela n'était pas pour lui. Il n'avait besoin de personne, ou alors il souhaitait s'en convaincre. Ouais, parce qu'en arrivant cette fille, elle l'avait encore plus foutu en l'air. Parce qu'elle aimait sûrement un peu trop la mort et avait peut-être trop souffert. Puis, il avait voulu lui ôter ce poids des épaules et prendre sa douleur en l'aimant. Aimer, parfois c'est beau, parfois c'est moche. Mais ce qui est sûr, c'est que ça fait mal. Ça détruit. On y croit, puis quand notre unique amour part, ne laissant que des souvenirs pour seule présence, on souffre. On a le coeur en miettes et les idées un peu noires. Mais on s'en remet. Parce qu'il faut se relever et arrêter de souffrir. Parce qu'on a qu'une putain d'existence et que vaut mieux mourrir en ayant une vie folle parsemée d'embûches que mourrir avec des fantômes et des regrets. Parce que y'a encore des gens qui sont là. Des gens qui l'aiment. Lui et ses idées un peu folles. Lui et son alcoolisme un peu trop présent. Parce que ces gens-là ne méritent pas d'être oubliés pour un amour de jeunesse perdu. Parce que y'a encore une longue vie qui l'attend. Sûrement des emmerdes, mais aussi beaucoup de bonheur.

C'est ça qui l'a fait changer d'avis. Toutes ces pensées un peu en vrac qu'il s'est dit dans sa tête. Toutes ces conneries remplis d'espoir, ça l'a décidé à pas sauter de ce foutu pont. Ça l'a décidé à pas baisser les bras, à pas abandonner, à continuer à se battre pour redevenir quelqu'un de bien. Peut-être il le redeviendra, en tout cas, il est parti. Il s'est cassé à grandes enjambées. Et c'est comme ça que son histoire se finie.

gravité (2017)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant