OS TERRAINK / J'avais un ami.

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Je voyais les feuilles mortes par terre et cette neige qui fondait lamentablement sur le trottoir. Je voyais les voitures qui ralentissaient afin d'éviter le moindre accident. Je voyais cet homme qui promenait un vieu chien, je voyais une jeune joggeuse qui prenait une pause et ce joli chat gris qui, comme moi, observait les alentours d'un air patient et curieux.

J'entendais les voitures et les pas des gens, les aboiements du chien face au chat qui restait de marbre. J'entendais le bruit du vent qui soufflait dans mes oreilles.

Je remontais mon écharpe rouge pour mieux protéger mon nez et ma bouche du froid mordant de début novembre. Il n'était pas très tard, pourtant il faisait déjà sombre. Un orage se préparait sans doutes, au vu des nuages presque noirs qui couvraient le ciel.

J'aurai pu partir seul, marcher vers je ne sais où, me perdre dans de nouveau paysage, profiter de cette liberté nouvelle qu'était la mienne en m'enfuyant... mais à quoi bon ? À quoi bon repartir dans une solitude noire que j'avais eu tant de difficultés à quitter ? Une année s'était écoulée, une année de combats perdus, de réussites et d'essais. Est-ce que j'aurai continué à essayer si j'avais été réellement seul ? Non. Bien sûr que non. Je faisais bien malheureusement partie de ces gens qui avaient toujours un besoin viscéral d'être accompagné, d'être aimé. Je savais me débrouiller seul, mais j'étais incapable de vivre seul.

Je vis une dame sur banc, elle regardait le chat gris qui commençait à se diriger vers elle d'une façon tout à fait détendue. Mes jambes étaient fatiguées de me porter, alors je me décidais à aller m'asseoir à côté d'elle. Je ne risquais rien de toute façon. Je la saluais poliment en m'installant, et elle sembla s'étonner du fait que quelqu'un lui porte de l'attention.

-Oh ! Bonjour jeune homme ! C'est une bien belle écharpe que vous avez là !

D'un geste presque inconscient, je touchais le bout de laine entourant mon cou.

-Merci, dis-je en souriant. C'est un cadeau qu'on m'a fait récemment.

-C'est le genre de cadeau que je fais à mes petits enfants chaque année, mais plus ils grandissent, moins ils apprécient...

-C'est dommage, moi j'aime beaucoup les écharpes !

Ça la fit rire un peu :

-Vous êtes un bon petit...

Un court silence se fit, et je compris que le sujet était déjà clos. Pourtant, je voulais lui parler encore un peu.

-Qu'est-ce que vous faites ici par un temps pareil ?

-Mon mari est à l'hôpital, il ne peut pas beaucoup sortir, mais il aimait venir ici, alors je viens à sa place.

Je trouvais le geste vraiment adorable et beau. En y réfléchissant, j'aurai sans doutes fait la même chose à sa place.

-Et vous, vous faites quoi ici mon p'tit ?

-J'attends quelqu'un, il est en retard, il devait venir me chercher dès ma sortie de l'hôpital, mais... et bien je suis toujours ici.

-Qui est-ce ? Un ami ?

Son ton curieux me fit rire.

-A une époque, il l'était. Et puis je suppose que les choses ont pris une autre tournure.

-Vous avez l'air bien heureux...

-Oui, je le suis. Notre amitié avait bien moins de sens se ce que nous avons maintenant.

-Qu'avez vous donc ?

Je vis les phares d'une voiture s'éteindre à une vingtaine de mètres et une silhouette bien familière sortit du véhicule. Je me levais avant de répondre :

-Et bien, nous sommes bien parti pour avoir la même chose que vous et votre mari.

Son sourire me rassura, et elle vit que quelqu'un arrivait vers nous.

-À une prochaine mon p'tit...

-Au revoir madame.

Je filais juste après ça. Le voir arriver signifiait la fin de ma bataille contre la dépression, il signifiait ma liberté. Je me jetais sans hésiter dans ses bras, inspirant profondément par le nez pour me délecter de son odeur enivrante.

-Désolé du retard Thomas, une inondation bloquait pas mal de routes et j'ai du faire un énorme détour donc...

-Damien, l'interrompis-je. Tait toi un peu tu veux ?

Je me reculais un peu pour le regarder.

-T'as une sale gueule Terracid, commentai-je avant d'exploser de rire.

Il se mit à rire, non sans m'insulter au passage. Je me mis sur la pointe des pieds afin d'être à son niveau, puis je lui murmurais à l'oreille :

-Je rigole hein, mais c'est juste que ça serait vraiment trop guimauve de te dire que t'es beau et que je t'aime de toute mes forces...

Il se recula pour l'observer de la tête au pieds, puis se rapprocha à nouveau pour poser ses mains dans mon cou et m'embrasser délicatement.

Cet échange passionné et plein de douceur dura un instant, et quelques millimètres seulement nous séparaient quand il me dit :

-Toi aussi t'as une sale gueule Laink.

Le bordel de Pat - PATWhere stories live. Discover now