Chapitre 3

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Après l'incident du deuxième jour, tout le monde la dévisage bizarrement. « Espèce de tarée » chuchotent-ils dans son dos. Mais, Vincent reste toujours à ces côtés. Il lui parle, il plaisante. Cela fait une semaine. Une semaine qu'elle est plongée dans la plus grande tourmente. Pourquoi ? L'accès à ses souvenirs est toujours impossible. Mais, le plus difficile à avaler est de ne pas savoir son propre prénom, ce qui fait partie de son identité. Elle se fait à l'idée d'être appelée par un numéro.

Elle se dirige vers l'atelier alors que l'image d'une petite fille étrangement familière surgit. « Par pitié ». Elle a une joue gonflée, rouge. Ses yeux larmoyants la supplient, mais de quoi ? Elle est bousculée par d'autres et reprend son chemin. Vincent l'attend, il a déjà allumé le feu pour le four. Elle jette les outils, déjà transie de froid, et atteint le seau de verre cassé. Il fait un mouvement pour l'aider mais elle est déjà à mi-parcours, le seau sur son épaule droite. Elle gémit quand elle dépose son fardeau, les courbatures de la veille ne disparaissent pas aussi facilement.

Ensuite, ils prennent, à main nue, les morceaux de verre et les jettent dans la marmite. La main de la prisonnière est constellée de coupure plus ou moins profonde. Le froid permet au moins d'arrêter le saignement de manière efficace. Elle passe la langue sur ses lèvres tandis que la marmite se remplit des débris tranchants.

- Comment vas-tu aujourd'hui ?

La question l'a prise par surprise. Elle ajoute un bout de verre avant de répondre :

- Comme d'habitude, la routine... et toi ?

- Bien.

Le silence entre eux prend de nouveau place. Seuls les cliquetis dérangeants du verre et le bruit des autres forçats permettent de ne pas mettre mal à l'aise les deux jeunes gens. Maintenant, elle y pense. Pourquoi était-il ici, lui ? Evidemment, elle n'ose pas demander, c'est trop gênant, trop intime. Mais surtout, elle serait incapable de répondre s'il lui retourne la question.

- Il fait beau aujourd'hui.

Elle lève les yeux au ciel. C'était vrai, pas un nuage. Juste le froid et ce maudit soleil qui ne réchauffe pas. Ludivine apporte la consigne du jour. Vincent la salue et attrape la feuille au passage. La journée s'annonce chargée, ça les tiendra occupé.

Le verre fond une trentaine de minutes plus tard et ils peuvent s'atteler à la tâche. Ils ne s'arrêtent pas, même pour manger. Les commandes sont longues et nombreuses. Plusieurs vases sont sur la table. La jeune femme est en train de souffler le verre avec le peu d'expérience qu'elle a. Après avoir formé le saladier, elle coche sur la liste des commandes la case des saladiers. Ils leurs restent encore cinq tasses, quatre grands vases et dix petits pots qui serviront sûrement de récipients alimentaires.

Alors qu'elle remet d'autres bouts de verre, elle se coupe le doigt. La gouttelette de sang, suivie d'autres, tombe et s'écrase sur le sol froid et stérile. Un flash apparaît aussi furtif que mystérieux :

- Je ne peux pas... ma maman... elle est malade....

- Juste un tout petit bout ? D'accord ? Un tout petit petit bout...

- Non !

Elle ouvre les yeux. Vincent la regarde, interloqué.

- Tu es sûre que tout va bien ?

- Oui. Je... un souvenir je crois... c'est si confus.

Il finit de former le vase et le pose délicatement avant de retourner près d'elle.

Coupable [FINI]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant