Golden Jail

Chapitre 1 : Youna

Je suis assise, je ne vois rien.

Ce matin des gardes sont venus me chercher dans ma cellule pendant que je dormais. Ils m'ont menottée et caché les yeux à l'aide d'un bandeau après m'avoir demandé d'être coopérative. Je n'ai pas cherché à résister, j'ai appris avec le temps que j'ai passé dans cette prison à Lille qu'essayer de me rebeller ne fait qu'empirer les choses.
Malgré ma bonne volonté, j'ai trébuché face à certains obstacles que mes escorteurs n'ont pas jugé nécessaire de me signaler. Privée de ma vue, je sens leurs bras autour de moi qui m'aident à me relever comme ils le peuvent pour reprendre la route.
Ils m'ont guidé jusqu'à un véhicule, je pense que c'était une camionnette mais je ne peux être sûre. On m'a attachée sur un siège puis nous avons pris la route.

Depuis combien de temps ? Vers où ? Je l'ignore toujours pour le moment... Je me résigne enfin à prendre la parole, afin de briser le silence et ces interrogations qui tournent dans ma tête. J'inspire un grand coup.

"-Est-ce que je peux savoir ce qu'il se passe ?"

Aucune réponse. Je retente.

"-Je suis transférée dans une autre prison ? Je passe au tribunal aujourd'hui ?
-Plus ou moins."

Je sursaute en entendant la réponse. Non pas que celle-ci ne m'effraie particulièrement, mais parce que je m'attendais au silence comme seule compagnie.

"-C'est à dire plus ou moins ?
-Je n'ai pas le droit de te donner plus d'informations."

Je décide de rester silencieuse. Malgré tout ce que les gens peuvent penser des prisons, elles ne sont pas uniquement remplies avec des rebels assoiffés de sang et de revanches. Il y a également des personnes comme moi, qui préfèrent être dociles dans le but d'obtenir une libération conditionnelle.
Il suffit d'un peu de bon sens pour comprendre qu'enfreindre le règlement régulièrement n'attire jamais rien de bon. Mais certains prisonniers n'avaient pas ce bon sens. Je m'amuse à les appeler les "Brainless" (qui signifie en anglais "sans cervelle"). L'une de mes anciennes co-détenues en était une. Condamnée à l'origine à 5 ans de prison pour consommation de produits illicites, ses nombreux écarts de conduite (qui ne lui apportaient pas grand chose mis à part la satisfaction d'être en confrontation avec les forces de l'ordre) ont entraîné un ajout de 20 ans à sa peine initiale, ajouté à beaucoup de punitions corporelles.

Non, je ne suis pas ce genre de fille. Moi, Youna je suis une fille réfléchie. Une fille en prison à 24 ans, certes, mais réfléchie tout de même. Je n'ai plus qu'une année à tenir et je pourrais revoir ma famille, Vivien, mon petit frère de 15 ans. Il vient souvent lors des visites, pratiquement tous les mercredis. Il me manque terriblement... Je n'ai jamais vraiment su ce que pensent mes parents de moi depuis que je suis enfermée. J'ai toujours été la fille exemplaire qui a toujours fait ce qu'on lui demande. Mais le jour de leur départ, tout a changé. Les jeux étaient redistribué et il me fallait trouver un moyen de gagner de l'argent, de trouver un logement, de survivre. C'est ça qui m'a mené en prison. Alors j'espère qu'il sont conscients de mon sacrifice, qu'ils m'observent de la haut.

Je sens les virages plus fréquents et le véhicule ralentir progressivement, j'imagine que nous avons bientôt atteint notre destination. La voix du garde me surprend alors à nouveau :

"-Nous sommes arrivés. J'ai quelques recommandations à te faire avant de sortir, si tu m'entends hoche la tête."

Je m'exécute.

"-Parfait, comme tu as été plutôt sympa avec nous lors de ton transport je vais essayer de te donner les règles gentillement : quelqu'un devant toi te guidera, tu le suis sans histoire. Sinon, sache que je serai derrière toi avec un taser à la main."

À la fin de ses recommandations, il décide de me faire sortir. À ma grande surprise, je n'ai pas senti de vent sur ma peau : nous étions donc à l'intérieur d'un bâtiment. Je n'entends rien, excepté le bruit de nos pas, lents. Je ne sais toujours pas où est-ce que je me rends...