Golden Jail

Chapitre 6 : Axel

C'est l'heure.
Mon tour.
Je me lève en essayant d'avoir une assurance optimale.
Il faut que les gens ici me craignent.
Car je suis capable de gagner. Je peux gagner.

Je m'en vais vers le SAS l'air déterminé et je décide d'afficher mon plus grand sourire.
Les gens ici pensent que je suis le plus fragile, j'en suis certain. Mais je vais leur montrer moi. Ils vont me craindre. Mais pour l'instant je me concentre. Avoir l'air naturel. Avoir l'air naturel.

Je rentre dans le sas, et il me conduit vers une autre pièce entierement fermée.
Souris. Lève la tête. Compte jusqu'à trois.
J'obéis à ma petite voix intérieure et rentre d'un pas déterminé dans la pièce. La porte se ferme une fois que je suis passé.

"Bonjour Axel ! Nous sommes ravis de faire ta connaissance. Nous avons une série de 20 questions à te poser pour comprendre qui tu es. Tu penses être prêt ?"

J'entends les acclamations du public derrière la voix de l'animateur portée par un micro. Je dois donner une réponse rapidement.

"C'est parti !"
À ces mots, un jingle retentit et la première question s'affiche : Comment t'es-tu retrouvé en prison ?
Ça paraissait évident, cette émission tourne autour du thème de l'incarcération. Je suis tellement perdu dans mes pensées que je ne remarque pas de suite le chrono en haut à droite de l'écran qui m'indique qu'il ne me reste plus que vingt secondes pour répondre.

Je me suis fait incarcéré pour vol et violation de propriétés privées.

J'entends le jingle avec pour l'accompagner un jeu de lumière.

La question disparaît pour laisser sa place à une autre : Pour combien d'années as-tu été condamné ?

3 ans

Jingle, jeu de lumière.

Les questions défilent dans un rythme infernale. Toujours entrecoupées de ce jingle et de ce jeu de lumière qui deviennent agaçant. Elles sont de plus en plus personnelles : Pourquoi as-tu été poussé à commettre ceci ?
Je mets quelques instant avant de répondre. Nous sommes déjà à la septième question et j'ai l'impression que je vais avoir de plus en plus de mal à tenir.

J'étais sans domicile fixe et je n'avais aucun autre moyen pour survivre.

Jingle, jeu de lumière.

Ne pouvez-tu pas aller chez tes parents ?

Non.

Jingle, jeu de lumière.

Je ne sais pas quoi répondre d'autre, j'ai l'impression qu'ils savent déjà beaucoup de choses sur moi.

Pourquoi ça ?

Je sens mes poings se serrer, mon visage se durcir. Ils ont découvert d'une façon ou d'une autre que c'était un sujet sensible. Ils savent que ça me fait pleurer. Les larmes coulent déjà. Plus que 30 secondes. Je m'essuie le visage avec ma manche pour me debarasser des gouttes de tristesse. Plus que 5 secondes.

Ils ne veulent plus de moi.

Jingle, jeu de lumière.
Je trouve qu'ils connaissent un peu trop de choses sur moi... J'espère qu'ils n'approfondiront pas le sujet. Ils ne doivent pas. J'ai peur qu'ils le fassent. Bordel putain de merde. Laissez-moi sortir.

Comment expliques-tu que tes parents ne veuillent plus entendre parler de toi ?

Je m'effondre. Non seulement ce sujet me transperce le coeur mais de plus, le public risque de ne plus apprécier ma présence, ce qui signifie la fin du jeu, soit la mort. Alors je décide de développer cette réponse.

Ils n'ont pas accepté ce qu'ils pensent être un choix, d'après eux je déshonore notre famille parce que je suis comme je suis. Mais surtout parce que je ne contrôle pas mes sentiments. Je suis tombé amoureux d'un garçon.

Jingle, jeu de lumière.
Aurais-je dût garder cela pour moi ?

.............................

Je rentre de cette interview interminable. J'ai l'impression d'avoir totalement foiré. Je ne sais pas si le public me soutiendra sachant que je suis gay. Car il pourrait me tuer sans problème. Il suffirait qu'il ne me sauve pas.

De retour dans le salon, assis sur un canapé avec les autres prisonniers, je me repasse en boucle la scène qui vient de se produire. Comme du replay. Exactement comme du replay.

Je dois toucher le public. Je dois leur prouver que je suis comme eux. Mais comment faire ? Réfléchis Axel. Tu es capable de trouver.

Bingo ! J'ai trouvé. Je dois trouver un allié. Juste un. Ce serait suffisant pour faire de moi une personne importante de l'émission. Si j'ai quelqu'un qui tient à moi dans cette prison, les téléspectateurs auront plus tendance à vouloir me sauver. Plus qu'à trouver qui sera mon allié. Il faut bien choisir.

Ce jeune homme la... celui la.
Ce sera lui.

Bienvenue dans ma partie. Tu deviens le joueur deux, Raphaël.