CHAPITRE 3

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Avoir passé le week-end avec Shadi m'a fait du bien, c'est sûr, mais seulement histoire de quelque temps. Le manque de Kader me rattrape à une vitesse impressionnante, j'en deviens malade et mauvaise. Ma mère tiens à ce que j'aille régulièrement me recueillir sur sa tombe, pour "ne pas oublier qu'il est toujours là". Mais quelle idiote... Agir ainsi ne fait que ressurgir tous les souvenirs, tout l'amour que je lui portais qui est maintenant réduit à néant. Avez-vous déjà pensé à quoi peuvent servir les tombes ? Je suis persuadée qu'une fois morte, je n'en aurais rien à faire qu'on ai décoré une belle pierre tombale à mon nom, ou juste balancé mes cendres à la mer. C'est vrai, la mort n'est-elle pas la fin de tout ? Mon âme est sensée monter aux cieux selon quelques livres religieux, mais je suis d'avis qu'une fois trépassée, il ne restera rien de moi. Terminée, totalement. Les gens sont persuadés que le défunt à besoin des plus beaux apparats pour l'accompagner au ciel, mais quels cons ! Une fois mort, tu es mort. Un tas de chair dénudé de vie qui se fera bouffer par les vers à l'intérieur de son cercueil. C'est la triste vérité, selon moi, ma vérité. Les édifices élevés à leur image ne servent qu'à faire souffrir leurs proches en laissant une trace de leur passage sur cette terre, à leurs côtés. Ils se ressassent encore et encore leurs meilleurs souvenirs et pleurent en réalisant le manque qui les ronge.
Alors pour moi, aller au cimetière est un supplice. Ma mère ne comprend toujours pas, comme elle ne comprend jamais rien d'ailleurs. Sur sa tombe je dépose une rose, je lâche trois larmes et puis je repars, le laissant derrière moi. Il m'arrive parfois de penser qu'il est toujours présent, de sentir sa main sur mon épaule comme pour me dire que quoiqu'il arrive il sera toujours là. Pourtant je refuse obstinément cette idée, ce serait contradictoire à ma façon de penser. Il faut que je me fasse une raison; il est définitivement parti.
Bordel, si c'est le cas alors pourquoi est-ce que je continue de souffrir ?
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Juliette est sur le canapé et ma mère affairée dans la cuisine.
"Encore en train de regarder des conneries.."
Je m'assieds à côté d'elle en espérant qu'elle ait envie de me parler, chose qui lui arrive très rarement. Elle me considère comme une personne ennuyeuse, qui ne parle pas assez de ses histoires de récréations ou tout autres stupidités qui passent à la télévision.
Mais elle ne bouge pas d'un cil. Intriguée, je commence à lui demander ce qu'il ne va pas.
"Tu deviens trop triste à regarder."
Je la regarde, interdite. Comment peut-elle dire une chose pareille alors que je mets tout en œuvre pour qu'elle ne remarque pas l'état dans lequel je suis ?
"Tous les soirs je t'entend parler seule dans la salle de bains. Tu dis des gros-mots, et puis parfois tu t'écroules en pleurant. Tu ne manges plus, tu ne chantes plus sous la douche comme à ton habitude. Tu ne viens même plus me voir à la gym. Tu me fais peur."
Sous le choc de toutes ses vérités que cette gamine de dix ans me sort comme si c'était la chose la plus évidente qui soit, je sent les larmes me monter aux yeux.
" Suis-je si atteinte que ça ? "
Je monte dans ma chambre et ferme la porte à clé. Le grand miroir qui se trouve en face de moi, laisse apparaître une Alia que je ne reconnaît pas. Des cernes énormes se dessinent sous mes yeux et je suis habillée de la même façon depuis trois jours au moins. En temps normal j'aurais opté pour la solution de me ressaisir, mais étrangement, je m'en sens incapable.
Je regarde mon téléphone.
"Onze appels manqués de Shadi ?"
Je le rappelle, avec inquiétude.
"-Alia, il faut que tu m'aides. Je t'en prie ne pose pas de questions, il suffit juste que tu me fasses dormir chez toi ce soir.
-Mais...Jamais ma mère ne sera d'accord !
-Allons-bon. Tu vas me faire croire que tu lui obéis maintenant ?
-Non...
-Dépêche toi de me faire rentrer, je suis juste en dessous de ta fenêtre. Je peux facilement grimper, c'est bon."
Je fais donc rentrer mon copain, en faisant le moins de bruit possible.
Il n'est pas dans son état normal. Ses yeux sont révulsés et sa respiration est rapide. Un simple coup d'œil me permet de voir qu'il a du sang sur les mains et que ses vêtements ont l'air tout droit sortis du sac d'un clochard.
"Ne pas poser de questions, ne pas poser de questions, ne pas..."
Je n'eut même pas le temps d'en poser qu'il m'embrassait comme si l'on ne s'était pas vus depuis trois mois. Son haleine sent l'alcool et ses mains gelées qui parcourent mon corps me font bizarrement peur. Visiblement déterminé à satisfaire ses envies, il se hâte d'enlever mon pyjama.
"-Oh, Shadi, tu fous quoi là?
-Quoi?
-Tu débarques chez moi en pleine soirée, tu as du putain de sang sur les mains et tu veux quoi ? Baiser !
-Ta gueule Alia, laisse-toi faire et je t'ai déjà dis de ne pas poser de questions.
-Non."
Ma réponse ne lui a apparement pas plu, puisque dans la minute même il s'empresse de me foutre une droite. Je me débat, et essaie tant bien que mal de le repousser, en vain.
C'est la première fois qu'il me frappe, et le choc, aussi bien physique que psychologique me tétanise. Il en profite donc pour terminer ce qu'il avait commencé... Ses mouvements de va-et-vient à l'intérieur de moi, d'habitude si plaisants, me dégoûtent. Je ne le reconnais plus, je ne vois plus la lueur qu'il possède normalement quand il pose son regard sur mon corps. Où est passé mon copain, et surtout où est passé l'amour qu'il est sensé me porter ?
Il pousse un gémissement de plaisir lorsque il a enfin terminé, et s'étale lourdement à mes côtés. En quelques instants il s'est endormi, et je ne trouve même pas la force de faire quoi que ce soit. Je regarde le plafond, comme s'il allait faire quelque chose pour me sortir de cette mauvaise blague.
"Est-ce que je viens de me faire abuser par mon propre copain?"

BA106Where stories live. Discover now