J'entrouvre mes paupières, sans grande détermination. Le souffle chaud de Shadi dans mon cou me stresse.
"Va-t-il être dans le même état qu'hier ?"
Je bouge avec angoisse, de peur de le réveiller. Désormais assise sur mon lit, je constate avec peine l'état de mon visage dans le miroir. Il n'y est pas allé de main morte le con... Un hématome faisant la taille de ma paume se trouve sur toute la partie gauche de mon visage, et une traînée de sang séché s'étale de mon nez jusqu'à ma bouche...Heureusement que ma mère est déjà partie travailler. Je me lève pour m'habiller, quand j'entends bouger derrière moi.
"Mon amour ?"
Je reste droite, sans me retourner. Je refuse qu'il sache ce qu'il m'a fait.
"-Qu'est ce qu'il t'arrive ? Viens là.
-Non Shadi.
-J'ai fait quelque chose de mal?"
Oh et puis merde. Je m'approche de lui doucement, et la tête qu'il fait en découvrant la mienne est assez comique.
"-Bordel mais c'est quoi ça!
-C'est toi, hier.
-Tu te fous de ma gueule ?"
Je lui racontes tout sans oublier le moindre détail, et je ne m'attendais pas à ce qu'il réagisse comme ça.
"Je rêve ou il est en train de pleurer ?"
La tête entre ses mains, ses sanglots étouffés me font de la peine malgré le fait que je lui en veuille. Je m'assieds à côté de lui et l'enlace tendrement. Je sais bien ce que produit l'alcool et je ne peux pas lui en vouloir plus longtemps.
"-Ne m'approche pas, putain je suis un monstre. Jamais je n'aurais dû venir hier, jamais je n'aurais dû boire et encore moins....
-Bébé, ça ne fait rien. Certes ça m'a quelque peu choquée mais je m'en remettrais. Le fait que tu t'en veuilles autant me fait...plaisir. Mais maintenant j'exige des réponses, qu'est ce que tu branlais hier soir ?"
Il me regarde alors, les yeux gonflés. Puis ses mains, son état, et se remet à pleurer.
"-Je ne vaut rien bordel, rien de plus qu'un tas de merde. Alia je m'en veut tellement si tu savais, je m'en veut putain je m'en veut !
-Calme toi, c'est terminé.
-J'ai fait une connerie... Tu sais Gabi ? Le gars à qui je tope tout le temps. Et bien il me devait des sous, beaucoup même, je ne sais plus pourquoi. C'est parti en vrille, j'étais complètement bourré et on a commencé à se battre... En voyant que je prenais le dessus il a lâché son enfoiré de chien, d'où mes vêtements déchirés tu vois. J'ai éclaté le clebard je ne sais pas comment, puis j'ai ramassé une bouteille de bière que j'ai brisée contre un mur et que j'ai enfoncé dans le ventre de Gabi... Il s'est écroulé, putain je ne sais même pas s'il est vivant à l'heure qu'il est ! Il pissait le sang, je me suis barré et je suis venu ici... Je suis un gros connard Alia, et dangereux avec ça."
Je connais Shadi. Dans son état normal, il n'aurait jamais fait de mal à personne. Ça se voit dans son regard qu'il est totalement perdu, et qu'il a peur. Pourtant je ne peux m'empêcher de l'engueuler, je m'imagine les pires choses d'un coup.
"Et si Gabi était mort ?"
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J'emmène Shadi prendre une douche pour qu'il se calme, et lui tend des affaires qu'il avait préalablement oublié chez moi. Je ferme la porte doucement pour ne pas réveiller Juliette, mais les petits pas feutrés que j'entends dans l'escalier me laissent constater que c'est déjà le cas.
"Merde."
Sa petite tête à peine réveillée est craquante, et la seule chose qu'elle me demande c'est si je peux lui faire à manger. Je la guide dans la cuisine et commence à préparer des œufs brouillés, assez pour trois personnes même.
"-Pourquoi Shadi est à la maison ?
-C'est rien ma puce, il s'est fâché avec ses parents et il n'avait nulle part d'autre où aller.
-Alors il est triste ?
-Un peu, mais ça va s'arranger...tout fini par s'arranger."
J'ai moi même senti le manque de conviction dans ces dernières paroles.
"-Et qu'est ce qu'il t'es arrivé au visage ? Tu t'es battue ?
-Je suis tombée dans les escaliers hier alors que j'étais allée chercher à manger...
-Pff, je te l'ai déjà dis, un jour tu mourras parce que tu manges trop."
Qu'est ce que je ferais sans elle... Son petit air innocent me fera toujours craquer.
"-Tu veux que je t'accompagne au magasin de bonbons tout à l'heure ? J'ai envie de te faire plaisir."
L'illumination de son visage me suffit comme réponse. Je monte prévenir Shadi de notre courte absence, me couvre d'un simple manteau de laine et sort, la main de Juliette dans la mienne. Il fait plutôt froid dehors, et le village n'est pas tant rempli que ça. La petite s'amuse à sauter partout, tandis que j'avance avec prudence en étant sur mon téléphone. À l'angle de la rue de la Vieille Eglise, mon cœur se fige. Mes lèvres tremblent, et ma main se crispe sur celle de ma sœur.
"Oh bordel..."
