Nos passés

Jeu de regards

Mme.Wright toque, ce qui coupe court à mes pensées. Je détourne le regard et prends une profonde inspiration. Mon nouveau professeur se tourne vers la porte et lève les sourcils, l'air de dire "Ah, enfin!". Il est assez jeune, il doit avoir environ 30 ans. Ses cheveux sont courts et bruns foncés. Il a une barbe de quelques jours voir(e) plus, et ses yeux sont de couleurs brunes, comme des amandes. Il porte un t-shirt tout noir, avec un jean.
Il doit mourir de chaud !
Je suis en train d'y penser lorsqu'il tourne la poignée et crée ainsi un courant d'air dans la classe, dont les fenêtres ont été grandes ouvertes par ce jour d'été.

-Bonjour ! commence-t-il d'un air enjoué.

Heureusement, il n'a pas l'air méchant. Ca me soulage un peu, pourtant j'ai toujours du mal à respirer.

-Salut Jérémy ! Voici ta nouvelle élève, répond Mme.Wright.

"Jérémy" se tourne vers moi. Il me regarde droit dans les yeux avant de deviner :

-Tu dois être Eva ! Bienvenue !

-Euh, merci, monsieur...

Je ne connais même pas son nom. La honte.

-Righa. Monsieur Righa, finit-il, à l'aise avec cette situation.

Il se pousse alors de la porte afin de me laisse entrer. Il ne me fait pas de remarque pour mon retard, et je le remercie intérieurement pour ça. Ca n'aurait fait que resserrer mon noeud logé bien au chaud dans mon estomac, comme à son habitude.
J'entre dans ma nouvelle et dernière classe. J'aperçois une de mes meilleures amie, Camille. Je lui souris.
Quelques camarades chuchotent durant mon passage. L'un d'eux - qui est dans la même classe que moi depuis bien longtemps et qui était mon ancien voisin de table - me lance, lorsque je dépasse sa table :

-En retard dès le jour de la rentrée ? Ça commence bien !

Son rire léger témoigne que ce n'est qu'une blague, pourtant je sens le noeud se serrer davantage.

Je commence alors à chercher une place. Je m'aperçois qu'il en reste deux. Une à côté d'une fille que je côtoie aux soirées pyjamas et qui croit qu'on est amie, et l'autre à côté du nouveau garçon. Ce dernier est plongé dans son carnet, et je n'arrive pas à voir ce qu'il fait. La tête baissée, il ne s'aperçoit pas que je l'observe.
Ma camarade, Alina, me souffle, me ramenant sur terre :

-Hey, Eva, tu viens t'asseoir à côté de moi?

Je me tourne vers elle et lui fais un signe de tête, me forçant à sourire. Je me réjouis déjà de changer de place. Cette fille est une vraie pipelette - ce qui compense avec moi, certes - mais ce qui, surtout, me dérange dans mon apprentissage.
Je m'assois sur la chaise et pose mon sac contre le pied de la table. Notre professeur revient après avoir discuté un moment avec Mme.Wright, qui s'en va. Je me rends compte trop tard que je n'ai pas pu la remercier.

-Donc, pour poursuivre ce que je disais avant d'être interrompu (il me lance un regard amusé, et je tente de sourire malgré moi, gênée), cette année je suis votre professeur principal. Je vous enseignerai le français, l'histoire et l'italien, pour ceux qui ont pris cette option, lance m.Righa.
Je réalise que notre professeure d'italien est partie à la retraite, et voici que je fais la connaissance son remplaçant. J'espère donc qu'il sera aussi gentil qu'il paraît.

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8:50. DRIIIIING. Je sors mon plan de mes périodes de mon sac. Voyons donc... Lundi matin ; Français, Géographie, Musique, Anglais. PAUSE DE MIDI. Allemand, Sciences, Sciences.

Je reste donc en classe. J'allonge mes jambes et me détends. Alina s'en va vers sa meilleure amie, je me retrouve donc seule à ma place. Je cherche des yeux Camille, ma seule amie dans cette classe, et lui souris quand elle m'aperçoit pour l'inviter à me rejoindre. Mais, Eric, son petit copain, la rejoint et commence à lui parler. Je laisse donc tomber l'idée de retrouvailles pour l'instant.
Je me retourne pour chercher du regard quelqu'un qui m'est familier et j'aperçois, tout au fond de la classe, le nouveau garçon. Il m'observe. Je tressaille, surprise, mais lui ne bouge pas. Il continue de me dévisager sans rien faire d'autre.
Je baisse le regard, toussote, mais rien à faire, il veut m'observer. Très bien. Je m'installe le plus confortablement sur ma chaise et commence moi aussi à le scruter.

Il a des cheveux noirs, bouclés, aussi foncés qu'un corbeau, qui contraste avec sa peau claire.
Ses sourcils sont épais, et une barbe naissante apparaît sur sa mâchoire bien formée.
Ses yeux, gris, ont l'air de refléter son âme. Je bloque un instant dessus, tellement ses yeux m'impressionnent .
Je finis par cligner des yeux afin de lâcher les siens du regard et je continue de me le décrire.
Son nez est ce que je qualifierais de normal, et sa bouche est... attirante. Il a un piercing en bas à droite de sa lèvre.
J'ai toujours voulu avoir des piercings, mais mes parents, à chaque fois que je l'évoquais, me répondaient par leur phrase préférée ; "Tu feras ce que tu veux quand tu auras 18 ans. Mais pour l'instant, tu es sous notre garde et c'est hors de question."
Le pire, c'est que cette phrase, ils la placent partout. Dès que je veux sortir la semaine, dès que je veux organiser une soirée... Bref, vous avez compris, mes parents sont très... protecteurs. Trop, même. J'ai quand même 17 ans !

Mais revenons à nos moutons.

Il porte un t-shirt noir et blanc, avec AC DC inscrit en son milieu. Donc apparement il aime le rock, ce qui veut dire qu'il a de bons goûts.

Lorsque je replonge mes yeux dans les siens, je remarque qu'ils ont bougé. Très peu, juste un léger détournement, pourtant je le distingue. Et c'est à ce moment-là que je me rends compte qu'il ne m'observait pas jusqu'à maintenant. Il regardait par dessus mon épaule, car deux garçons, Dylan et Sébastien (d'après les cris) avaient commencé à se battre, jusqu'à ce que Mme.Hemmy entre dans la salle. J'ignore depuis combien de temps il a aperçu que je le contemplais, ni depuis combien de temps il a commencé lui aussi à me fixer. Tout ce que je sais, c'est que cette situation est honteuse et gênante pour moi. Je sens mon mon coeur battre plus rapidement et le sang monter à ma tête. Je suis certainement rouge comme une tomate. Je détourne les yeux et me lève rapidement pour aller saluer la professeure, encore boulversée de ce qui vient de se passer.

Lorsque je reviens à ma place, il me regarde encore. Je descends mon crop-top pour cacher un maximum de peau, soudain gênée d'être si peu habillée, et je m'assois rapidement.
Pendant de longues minutes, Mme.Hemmy nous parle de cette derrière année, très importante puisque décisive, et de son programme.
Je ne l'écoute même plus. Je tente de regarder derrière moi, à gauche, discrètement. Je n'arrive pas à l'entrevoir, et je n'ose pas tourner la tête d'un centimètre de plus.
Mais alors que je vais me détourner pour me concentrer sur le cours, il tousse et ma tête se tourne sans ma permission vers lui. Il oriente son regard vers moi, me regarde, puis sourit.

Oh. Mon. Dieu.

Je n'ai jamais vu un si beau sourire.