Lizzy faisait de son mieux pour garder un visage enjoué alors que ce Lord Thorn la conduisait tout droit dans la fosse aux lions. Elle se demanda pour la énième fois pourquoi elle avait choisi de se mêler des affaires que son fiancé prenait habituellement en charge. La peur lui tenaillait le ventre. Un vent froid et purement fictif lui glaçait les os tandis que ses mains tremblaient, bien cachées derrière son dos. Subitement, après qu'ils aient marché silencieusement depuis quelques minutes, Lord Thorn se retourna vers elle et lui adressa un fin sourire qu'elle lui rendit timidement.
- Je suis sûre que mon atelier sera à votre goût. Comme vous êtes d'une beauté aussi délicate que les roses du jardin royal, vous y serez autant à votre aise que dans ces charmants salons pour dames.
Bien. C'était désormais le bon moment pour lui dire la banalité de convenance: " Vous me flattez messire." Puis, elle devrait papillonner des yeux avant de les baisser avec humilité. Ensuite, elle devrait les relever en les plongeant droit dans les siens avec un petit sourire apeuré qui "fleurirait" sur sa bouche en bouton de rose. Elle pouvait au moins faire cela pour correspondre au rôle qu'elle avait choisi d'endosser. Ce rôle habituel qui lui collait à la peau depuis sa plus tendre enfance, depuis le jour où elle s'était jurée d'être la femme belle et pure, douce et fragile de son bien-aimé.
- Vraiment ? Quel flatteur vous faîtes, dit-elle avec un sourire artificiel et parfaitement adorable.
Sa voix sonna comme un merle facétieux. Candide. Elle joignit même les mains, comme une petite demoiselle naïve.
Lord Thorn se mit alors à rire, une réaction tout à fait conventionnelle. Lizzy aurait néanmoins juré avoir entendu au même moment un autre son, plus léger. On aurait pu le prendre par le son du vent dans les arbres tellement il était infime mais Lizzy l'avait entendu si souvent. Il s'agissait du ricanement fort peu conventionnel de Mina Sweet sous sa forme animale. Du coin de l'oeil, la jeune fille la chercha du regard. N'y avait-il pas une ombre suspecte au coin du plafond?- Les dorures du plafond vont plaisent- elles donc à ce point jeune lady?
Lizzy baissa immédiatement la tête en rougissant violemment.
- Veuillez m'excuser Lord Thorn. J'étais perdue dans mes pensées, dit-elle en rougissant encore plus fort.
- Et quelles sont-elles cher ange? S'enquit-il avec une expression bienveillante sur le visage.
Elle ouvrit la bouche avant de la refermer, stupéfaite. Venait-il bien de l'appeler "cher ange"? Un frisson la parcourut. Un frisson désagréable, comme si une bestiole visqueuse rampait sur sa peau.
- Je me demandais comment un noble pouvait aussi bien comprendre les peines de la classe ouvrière. Certains jugeraient vos goûts fort enfantins et pourtant, tout le monde admire vos oeuvres et y voient un sens caché. Vous êtes quelqu'un de surprenant messire Thorn, finit-elle par lui répondre en souriant.
Ses yeux, qu'il avait bleus, pétillèrent.
- Vous aussi, il me semble.
Ils continuèrent leur chemin d'un pas plus léger. Lizzy avait repris contenance et continua de maintenir l'allure d'une ingénue jouvencelle.
Elle observa tout autour d'elle et n'eut pas à faire semblant de s'extasier sur le décor somptueux et champêtre qui les entourait. Si seulement cette beauté simple et pure n'était pas le fruit d'un monstrueux mécanisme. Si seulement l'esprit de son hôte n'était pas empli d'idées plus tordues les unes que les autres.Tout à coup, en apercevant une peinture à l'huile représentant une fillette blonde aux ailes roses, Lizzie sentit son anxiété s'apaiser. Petit à petit, son coeur retrouva sa résolution inébranlable. Elle devait l'empêcher de perpétrer ses méfaits coûte que coûte. Comment un tel talent pouvait se permettre de telles atrocités? Il n'y avait pas de doute qu'il soit l'instigateur de toute cette folie, personne d'autre ne pouvait tirer les ficelles de cet odieux complot. N'est-ce pas? Sans qu'elle le désire, Lizzy était touchée par le masque doux et rêveur qu'il revêtait devant ses yeux.
- Ma Lady ?
- Oui?
- Nous sommes arrivés, dit-il simplement.
En effet, une large porte aux battants d'ivoire et d'or leur faisait face.
- Une bien luxueuse entrée pour un atelier, lui fit-elle remarquer.
- J'aime travailler avec du matériel de qualité, se contenta-t-il de lui répondre.
Il ouvrit la porte d'un air théâtral et d'un élégant mouvement du poignet, lui indiqua d'entrer. Elle obéit sans un mot. Le jeu allait se terminer pour elle, devait-il se dire. Dans ce cas-là, il faisait erreur car elle n'avait même pas commencé à jouer. Elle pénétra à l'intérieur de la pièce et ne put s'empêcher de laisser s'échapper un soupir d'admiration devant ce qui s'étalait sous ses yeux. Cet atelier faisait bien, à juste titre, la fierté de Lord Thorn. Les murs étaient tapissés de gravures joliment colorées dans des tons pastel. Des candélabres étaient accrochés à ceux-ci tandis qu'une table immense occupait un large coin de la pièce. Ladite table était en acajou et surchargée de feuilles, vélins, plumes et pinceaux, perles et bijoux, encriers et outils. À côté se trouvait un chevalet avec une bâche rabattue dessus. Sa nouvelle oeuvre encore inachevée devina Lizzy. Elle espéra fortement que le modèle n'était pas l'une de ses connaissances.
Un sofa à l'air confortable trônait près du chevalet tandis que des costumes en tout genre étaient suspendus à des tringles sur un portant. Un guéridon d'où s'épanouissaient des fleurs jaunes du plus belle effet s'y à proximité. Il y avait également une seconde table, en ivoire cette fois-ci. De somptueuses poupées y étaient installées avec précaution. Dans les plus beaux matériaux qui soient: or, ébène, argent, cristal. Sans compter les adorables accessoires miniatures disposés auprès d'elles. Cependant, Lizzy eut un mauvais pressentiment en fixant leurs yeux de verre. Sur un podium se trouvait une reproduction parfaite de la ville londonienne et ses environs. Les yeux de Lizzy se mirent alors à briller de convoitise. Lord Thorn se rengorgea devant un émerveillement si flagrant.
- Voudriez-vous vous asseoir jeune lady? Lui demanda-t-il gentiment.
Lizzy sortit alors soudainement de sa rêverie.
- Merci Lord Thorn.
Elle s'assit alors, les mains croisées sur les genoux, sur le sofa qu'il désignait élégamment de la main. Ils se mirent alors à discuter gaiement. Pendant ce temps, Sweet, qui était blottie contre les battants d'ivoire, observait avec inquiétude Lizzy qui semblait avoir tout oublié du machiavélisme de l'individu assis à côté d'elle. Soudain, un domestique pénétra dans l'atelier avec des flûtes de champagne et Lord Thorn tendit à la jeune fille, après encore quelques échanges de banalités, l'une d'elles.
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Lizzy: médiatrice du Surnaturel
FanfictionJe suis Elisabeth Ethel Cordelia Midford, fille du chef de la chevalerie britannique: Alexis Leon de Midford et de sa femme Frances Midford. Je suis aussi la fiancée du chien de garde de la Reine: Ciel Phantomhive. J'appartiens à la noblesse, j'app...