Chapitre 5: Les affaires

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Dans une pièce dont la superficie et la disposition des fauteuils et des meubles n'a rien à envier à un luxueux théâtre, des acheteurs anonymes chuchotent avec excitation. La vente aux enchères va bientôt se terminer et le dernier lot est toujours le meilleur. Chacun se demande, dans l'obscurité à peine percée par les candélabres, quel sera le prochain article.

- Ladies and Gentlemen, voici notre dernière marchandise. Le meilleur pour la fin. Certifiée pure. Ses cheveux sont plus brillants que l'or, ses yeux entre le gris perle et le foncé orageux, sa taille aussi fine qu'un roseau et son grain de peau aussi délicat et frais que la rose qui vient d'éclore. Sa souplesse et la tendresse de sa chair peuvent également être attestées. Alors? Qui voudrez l'essayer? Demande le présentateur.

Il s'agit d'une des rares ventes aux enchères d'un généreux bienfaiteur. On le surnomme Obéron et personne n'a encore jamais vu son visage. La seule chose qu'on sait de lui est qu'il a un fort penchant pour la pureté, les fées, le raffinement enchanté, l'art noble des Anciens romains et grecs.

Comme en témoigne la délicieuse créature qui se languissait sous leurs yeux, allongée sur un lit en forme de lys ouvert en argent. La belle jeune fille est vêtue d'une robe blanche plissée et très longue, fendue très haut jusqu'aux cuisses avec une merveille de ceinture tressée en cuir où des pierres précieuses y sont entrelacées avec art. Pieds nus, elle est couchée sur le côté, face au public. Ses longues jambes fines et immaculées sont entrelacées entre elles, sa tête repose sur un de ses bras qui est replié tandis que l'autre est placée en une courbe gracieuse vers eux. Ses beaux cheveux blonds sont étendus en corolle autour de son visage paisible. Elle est profondément endormie, une vision éthérée, aérienne. Un large collier d'argent orne son cou délicat. Elle est superbe, faiblement éclairée par la lumière unique et argentée qui part du haut de la scène, féerique. Une ravissante fée de la nuit. Un silence s'est fait dans la pièce lorsque le drap léger et neigeux en dentelle a été soulevé, dévoilant son corps parfait. Puis, des pétales de rose blanche sont tombées sur son corps immobile, plongeant les acheteurs potentiels dans une extase sans nom. Quelqu'un joue une délicieuse musique à la harpe tandis qu'un parfum de roses, d'iris et de lys se libère dans la salle. Un brouhaha se fait soudain entendre, brisant le silence presque religieux du charmant tableau qui s'offre à leurs yeux. Le pourpre des rideaux de la scène souligne le caractère érotique de la scène. Si la pauvre fille avait été consciente, elle aurait sans doute pensé qu'ils étaient teintés de sang.

50...60...80...1000...15 000...20 000...

Les prix ne cessent de monter au ravissement de celui qui attise leur fébrilité. Il porte un fin masque blanc et un uniforme couleur violine, rebrodé d'or. Debout près de la belle endormie, il tend un bras et désigne chaque partie de son corps pour leur faire valoir sa qualité. Sa voix est séduisante, il arrive à captiver le public et à faire battre le coeur des dames voilées dans le public. Les hommes masqués aussi sont charmés par un tel charisme d'orateur. Cependant, il ne la touche pas. Sinon, il briserait le charme. Celui qui la touchera sera son maître et fera ce qu'il voudra d'elle. Cette jeune fille continue de dormir profondément, on lui a bien administré sa drogue journalière pour qu'elle se tienne tranquille, qu'elle ne s'enfuit pas, qu'elle n'abîme pas son joli visage par ses pleurs, que son corps reste immaculé de toutes marques de fer, de coups. Elle reste immobile comme une statue.

50 000. C'est la dernière proposition. La vente aux enchères est close.

Le présentateur fait un signe de la main à ses subalternes. Un homme masqué et tout vêtu de noir et d'or remet délicatement le voile sur le corps endormi. Il la prend dans ses bras et après avoir parcouru les longs couloirs, des passages secrets mal éclairés entretenus pour l'occasion, il rejoint ses camarades dans une autre pièce secrète. Ils sont trois. Habillés tout comme lui. Il y a une longue table bien lisse et vernie, en  acajou. Il dépose son fragile fardeau et, soulevant une dernière fois le voile, il caresse tendrement du pouce le visage de la jeune fille.

Lizzy: médiatrice du SurnaturelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant