Shéhérazade

2. Bel ange

Le jeune garçon qui a rejoint le premier l'inconnue ayant dévalé la dune se nomme Amir. C'est le plus âgé des fils du chef de la caravane. Il est ébloui par la beauté de la jeune femme pourtant masquée par la saleté. Le reste des gens qui l'ont suivis arrivent et s'étonnent de trouver une femme seule dans ce milieu hostile. Le père d'Amir, Aziz déclare :

_ Elle est déshydratée et épuisée. Portez la à l'intérieur de la tente des femmes, qu'elle y reçoive des soins. Prévenez moi quand elle se réveillera ou si son état évolu.

Deux de ses compatriotes se saisissent du corps de la jeune femme mais ils ignorent qu'elle est blessée et malgré son inconscience, elle gémit.

_ Faites attention !, s'exclame Amir avec colère.

Les hommes prennent plus de précautions et portent l'inconnue jusqu'au campement. Ils la déposent dans les quartiers des femmes où ces dernières s'agitent en cuisine et aux tâches ménagères mais l'une d'entre elles, Yasmina, se précipite à son secours. Elle l'hydrate et la nourrit doucement et légèrement, puis la lave et lui enfile des vêtements propres. Elle lui masse aussi la cheville, constatant une légère foulure mais rien de grave. Au moment de lui mettre la manche gauche du haut que Yasmina a choisi, elle remarque aussi l'épaule démise et d'un geste précis lui remet en place. La blessée sursaute dans son sommeil mais ne se réveille pas. L'autre finit de l'habiller et la laisse enfin se reposer, cachée derrière des voiles tendus comme des rideaux. Ce que Yasmina n'a pas remarqué, c'est que durant toute son occupation, elle a été épiée par le jeune Amir qui a soulevé un des pans de la tente. Une fois la jeune femme seule, il se glisse à l'intérieur et s'installe à son chevet pour l'admirer. Il est subjugué par sa beauté, le raffinement de ses traits, la couleur de ses cheveux et de sa peau. Il a aussi contemplé son corps nu quand Yasmina la lavait. C'est la première femme nue qu'il voit et il n'a jamais rien vu d'aussi superbe et délicat. Il a eu envie de toucher, de sentir, de goûter. Il n'est presque plus un enfant, il sera bientôt un homme et il pourra choisir une épouse, mais il ne veut qu'elle, cette jeune femme splendide qui à fait naître en lui des sentiments, des ardeurs et des fantasmes nouveaux et inconnus jusqu'alors. Il assouvit une première audace en lui effleurant la peau de sa joue. Elle est si douce et tendre. Il suit la courbe de sa mâchoire, puis la ligne de son cou, descend vers sa gorge mais renonce à aller jusqu'à sa poitrine, lui préférant les épaules et les bras plus accessibles et moins intimes. Il est encore un peu timide et gêné de ses actes. Amir est un être innocent qui découvre un nouveau monde fascinant. Au moment où des doigts atteignent ceux de l'inconsciente, ces derniers se referment sur les siens. Il sursaute et découvre ces iris bruns aux reflets dorés qui le scrutent attentivement, surpris mais aussi attendris. Ses caresses l'ont réveillée.

_ Bonjour, murmure-t-elle d'une voix rauque et enrouée.

Il reste un instant muet, hypnotisé par son regard doux et perçant. Puis Amir finit par répondre :

_ Bonjour bel ange tombé du ciel. Mon nom est Amir, je suis le fils du chef de la caravane qui t'a recueillie. Tu es en sécurité et je te jure sur ma vie que tu seras bien traité ici. Je m'occuperai de toi. Tu es si belle, bel ange. Comment t'appelles-tu ?

_ Merci Amir, brave et beau fils de chef. Je te remercie pour ton accueil et ta protection. Je te remercie aussi pour tes compliments, ils me vont droit au cœur. Je suis Shéhérazade, première princesse de l'Oasis de l'Est.

Amir observe avec de grands yeux la princesse qui se tient devant lui. Il connaît de réputation le lieu d'où elle vient. C'est un des plus beaux endroits au monde, d'où viennent les personnes les plus belles et les plus savantes. Le palais et ses occupants sont respectés pour leurs richesses et leurs sagesses, leurs connaissances et leur magie puissante. Le plus grand des djinns en serait le fondateur et protégerait toujours le royaume de l'Oasis de l'Est.
Le jeune garçon est persuadé d'avoir face à lui la plus belle des femmes du monde et à défaut d'être le cas, Shéhérazade est bien l'une des femmes les plus resplendissante de la terre.

_ Tu dois être reine de beauté, bel ange, impératrice des merveilles, dans ton royaume car je n'ai jamais vu une seule personne capable de rivaliser avec toi en grace et en splendeur. Même les épreuves du désert n'ont pas eu raison de ta grande beauté.

_ Tes mots me touchent, jeune et vigoureux Amir. Ta gentillesse n'a d'égal que ta générosité.

Le jeune garçon rougit d'être l'objet des louanges de la princesse. Mais alors qu'il s'apprête à continuer, Yasmina arrive, attirée par les bruits de leur conversation.

_ Amir ?!, s'étonne-t-elle. Tu... Elle est réveillée ! Je dois prévenir Aziz.

La femme s'en va sans s'attarder à la recherche de l'homme.

_ Bel ange, tu vas rencontrer mon père, dit Amir avec une certaine appréhension.

Car si il sait que son père est quelqu'un de juste, il craint qu'en apprenant l'identité de son hôte, il ne désire la prendre pour épouse ou pire, la ramener son pays. Et puis, il sait qu'il n'aurait jamais dû se trouver là, il pourrait se faire tancer comme un garçonnet.
Amir n'a pas le temps de penser plus ou d'avertir Shéhérazade de se taire qu'Aziz entre, le regard sévère.