3. Il sera un grand homme

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Aziz est un homme à l'imposante stature, à la barbe fournie et au regard inquisiteur. Il est dans la pleine force de l'âge et s'il n'est pas beau, il reste séduisant et charmeur, il a de la conversation et l'esprit vif. Toutes ses qualités, il les partage avec son premier fils qui lui ressemble autant physiquement ; la même chevelure ébène un peu hirsute et les même yeux sombres comme l'obscurité d'une grotte.
Cependant, Shéhérazade ne semble pas impressionner et ne se démonte pas. Malgré la fatigue harassante, elle se tient droite et fière. Elle incline la tête en guise de marque de respect et commence :

_ Bonjour Aziz, puissant et grand chef de caravane. Je me nomme Shéhérazade et je suis ton humble servante car je te dois la vie. Le désert me l'aurait prise si tu ne m'avais pas recueillie et je te suis infiniment reconnaissante. Demande moi n'importe quelle faveur et je te l'accorderai dans la mesure de mes moyens.

Amir s'étonne que la jeune femme ne donne pas son titre à son père mais se tait. Elle a peut-être ses raisons et il ne veut pas la trahir. Il sent qu'il peut lui faire confiance.
Aziz, quant à lui, détaille la nouvelle venue et comme son fils, il est subjugué par sa magnificence.

_ Je suis enchanté de faire ta connaissance belle Shéhérazade. Tu me vois honoré de tes paroles et je saurai m'en souvenir. Maintenant dis moi, j'aimerai connaître ton histoire et savoir d'où tu viens ?

_ Je viens de l'Est, chef Aziz. Je l'ai quitté pour découvrir le monde. Alors que j'allais en mon chemin, je me suis égarée et j'ai tout perdu. J'ai erré dans le désert durant des jours avec le peu qui me restait, me repérant grâce aux étoiles, en direction du sud pour aller visiter le pays d'Al Mahara. Malheureusement, je n'ai pas avancé assez vite pour atteindre la prochaine oasis avant d'épuiser mes réserves. Je me suis blessée en route, le jour où j'ai vu ton campement.

Aziz écoute attentivement son histoire, il se doute bien que cette femme de l'Est est savante et intelligente en plus d'être ravissante. Elle est forte et pourrait faire une merveilleuse épouse. Elle serait alors sa sixième.

_ Dis moi encore, étais-tu seule dans ton périple ? N'as-tu pas une famille ou quelqu'un pour veiller sur toi ? Un père, un frère, un mari ?

_ Non, grand Aziz, je suis seule. Je n'ai plus de famille et n'ai jamais été mariée.

_ N'as-tu pas craint pour ta vie en prenant la route ? Une femme n'est pas faite pour être seule.

_ Non, je n'ai pas peur, chef Aziz. Je suis peut-être une femme mais je sais me défendre. Il est vrai que je n'ai pas la force d'un homme mais mon esprit est capable de me protéger de bien des dangers.

_ Tu as l'air forte, belle Shéhérazade. Tu as de la chance, je transporte justement une cargaison de marchandises en direction d'Al Mahara. Moyennant une participation au fonctionnement de la caravane, tu es la bienvenue.

_ Ton offre est généreuse, noble Aziz, tout comme toi. Je l'accepte et te dit merci avec toute ma gratitude. Je sais cuisiner, chanter, danser, jouer de la musique et conter des histoires. Je sais conduire un dromadaire et monter à cheval. J'accepterai toutes les tâches que tu me demanderas d'accomplir pour te remercier de ton accueil et de mon sauvetage.

_ Parfait. Quand tu te sentirais prête, je te présenterai au reste du convoi même si je vois que tu as déjà fait la connaissance de mon fils aîné, Amir. D'ailleurs fils, que fais-tu là ?

Le jeu en garçon tremble un peu. Il a écouté, fasciné, le récit de la princesse qui a tu certains détails de son identité et sûrement de son histoire. Il en à même oublié sa propre présence remarquable notamment aux yeux de son paternel.

_ Je... j'ai... Je voulais savoir comment elle allait...

_ Et tu as cru que pour cela tu étais autorisé à pénétrer dans le quartier des femmes ?, gronde le père l'air sévère.

_ Non, je suis passé par l'extérieur...

_ Il n'empêche que tu n'as rien à faire ici sans autorisation. Pour ta désobéissance, tu seras châtié, Amir.

_ Oui père, souffle l'enfant en baissant les yeux, le regard plein de larmes.

Cependant, Shéhérazade intervient :

_ Chef Aziz, je t'en prie, si tu me permets, ne sois pas trop sévère. Je sais qu'avant que je ne perde connaissance, c'est ton fils qui a accouru le premier à mon secours. Et c'est grâce à lui que je me suis réveillée. Sa présence à rappeler mon esprit vagabond à mon corps. Ton fils ne pensait pas à mal, c'est une bonne personne, gentille et attentionné.

_ Ta clémence t'honore, douce Shéhérazade. Je t'accorde cette faveur, Amir ne sera pas puni cette fois ci. Remercie la mon fils.

_ Merci à toi, gentille et superbe Shéhérazade.

_ Nous allons à présent te laisser te reposer, dit Aziz avec un sourire bienveillant. Tu n'as plus à t'inquiéter de rien, tu bénéficies désormais de ma protection et de celle de la caravane.

_ Je te remercie encore, noble chef Aziz. Tu es un homme bon, comme ton fils. Sache aussi qu'il m'a fait une promesse, celle de me garder en sécurité et de bien me traiter, tout comme toi. Je sais que je n'ai plus rien à craindre grâce à vous. Tu as bien éduqué ton enfant, il sera un grand homme.

Aziz observe son fils et ne peut s'empêcher d'être fier. Finalement, s'il réfléchit bien, il a assez de femme, son fils en aura bientôt besoin d'une pour faire de lui un homme et la jeune Shéhérazade semble tout à faire remplir les conditions de la parfaite première épouse. Amir semble déjà sous le charme et la jeune femme paraît l'affectionner particulièrement pour prendre ainsi sa défense et souligner son honneur et sa noblesse d'âme.

_ Tu as raison, sublime Shéhérazade. Il sera un grand homme. Vient Amir, nous avons à faire et notre amie doit rester au calme pour le reste de la nuit. Nous reprendrons la route dès l'aube.

ShéhérazadeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant