Chapitre I

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Chapitre 1 : I miss us.

- ... que l'on mesure par l'échelle MSK. Qui peut me rappeler le sens de cette abréviation ? Vous le faites depuis le collège !

Et c'est l'heure de faire mon show. Toute la classe se retourne vers moi, préparant déjà leurs fous rires tandis que je levais la main. C'est lassant à la longue, je sors une connerie, les gens rigolent, le prof me fait sortir, puis je m'excuse faussement, je rentre et c'est fini. La routine de chaque jour qui passe en tant que le « gogo » de cette fac de débiles. Le professeur roula des yeux, puis soupira comme s'il s'attendait déjà à ce que je sorte une de mes blagues pourries, avant de me donner la parole d'un coup de tête.

- Pour un nouveau service de Marie-Suce-Kékette, envoyez MSK au 6969 , plaisantai-je.

Tout le monde s'esclaffa pour je ne sais quelle raison, sauf comme toujours Louis, qui se contenta se soupirer en tournant la tête vers la fenêtre. Ce pauvre con a redoublé deux fois sa dernière année de fac, au point qu'à 21 ans il se retrouve dans la même classe que moi. Pour une fois, habitué à mon bordel, le prof ne me fit pas sortir. Je me rassis, ennuyé, tandis que les autres élèves pouffaient encore. Pathétique.

Je fermai les yeux et posai ma tête sur mes bras croisés. Je m'isolai de tout et plongeai dans mes pensées. Dix-neuf ans. Déjà ? Je décidai de ne pas m'aventurer trop loin dans mes pensées. J'ai relevé la tête et posé mon regard sur l'horloge, qui affichait 11h59. L'aiguille des secondes s'approcha de plus en plus du douze, et je me bouchai les oreilles quand elle s'apprêta enfin à y passer. Je pus entendre l'assourdissante sonnerie résonner malgré mes oreilles que je pressais de toutes mes forces. Une fois le tintement réduit au silence, je me suis levé et j'ai ramassé mes affaires que j'ai glissées en désordre dans mon sac. J'examinai la classe, tout le monde était sorti, sauf Louis. Je m'avançai nerveusement vers lui, sentant mon cœur s'arrêter. Je souris timidement, posant une main sur son épaule.

- Salut , dis-je.

Mes pas se cloîtrèrent lorsqu'il posa ses orbes sur moi. Il ne daigna même pas me rendre mon sourire, retirant sèchement ma paume de son épaule. Il me frigorifia de son regard mitraillant et froid, me laissant plus paralysé que jamais.

- Hilarante ta blague de tout à l'heure, Styles. Si tu continues t'es bon pour le rattrapage.

- Je n'ai pas de conseils à recevoir d'un gars qui a redoublé deux fois , répliquai-je.

- Ok.

Il s'en alla sur sa réponse sèche, m'abandonnant debout tel un pestiféré, seul à regarder dans le vide. Bordel, au lieu de renouer les liens entre nous je ne fais que tout foirer. Je ferais mieux d'aller vite à la cantine, sinon je risque de ne pas trouver de place. Ouais, je vais faire ça.

La cantine était bondée. Des gens çà et là, gueulant et se bousculant pour être servis les premiers. Comme toujours, les gars du rugby tabassaient l'une des innombrables tapettes. Je n'apercevais pas le visage de la victime, mais je m'en foutais. Il me sembla qu'il me regardait pendant un moment, mais je me suis contenté de l'ignorer, ne voulant pas être mêlé à ça. J'allai m'assoir comme toujours seul, à la table près des toilettes. J'entendis mon nom résonner au moins cinq fois à travers la cantine. J'y étais habitué maintenant. « Styles trop drôle », « Styles et ses blagues », « Styles le clown », « Styles ceci, Styles cela ». Je n'y prêtais plus attention. Ce n'est que quand une voix qui m'était familière hurla mon prénom que je relevai la tête.

- HARRY !!

J'examinai la provenance de la voix, qui était au centre du groupe de brutes. Je regardai en bas et reconnus le jean retroussé que je connaissais si bien, révélant de fragiles chevilles. Louis.

Je me relevai en manquant de renverser ma table, et je courus vers l'attroupement. Je bousculai de toutes mes forces les gars de la bande, les obligeant à reculer. Je me suis faufilé entre les imposantes carrures, m'interposant entre elles et Louis, qui était couvert de bleus et d'ecchymoses. Sa lèvre pissait le sang, et son visage avait été roué de coups. J'ai écarté les bras, empêchant les autres salops de s'acharner sur lui plus que ça. L'un d'entre eux me regarda avec dégoût, j'avais l'impression qu'il allait me cracher dessus à tout moment.

- Bouge de là, le môme. Laisse-nous nous occuper de ce pédé , grogna-t-il.

- Si tu veux mon avis vous en avez déjà assez fait comme ça.

- Au pire on les cogne tous les deux , suggéra une autre brute.

Une main tira sur mon T-shirt. Je me suis retourné, regardant le visage déformé de Louis me fixant avec insistance. Son expression portait une sorte de message télépathique. « Va-t-en », disaient ses yeux. Je me remémorai notre enfance, quand nous communiquions par le simple biais du regard. Je lui fis non de la tête, décidé à le protéger. Je portai à nouveau mon attention sur les grands joueurs, qui nous observaient avec impatience. Me retournant, je m'accroupis, couvrant Louis de mes bras.

- Parfait. Acharnez-vous sur moi si vous voulez , décidai-je.

Ils semblèrent satisfaits, souriant de leurs dents tellement jaunes qu'on aurait dit des clochards. Je grimaçai tandis qu'ils m'assénaient le premier coup, puis le deuxième, puis une ruée d'interminables poings s'écrasant violemment sur mon dos, manquant à chaque fois de me briser les côtes ou la colonne. Je laissai une larme échapper, que Louis recueillit du bout de ses doigts fins. Il m'offrit un regard suppliant, comme pour me dire de les laisser le tabasser à ma place. Je lui fis non de la tête, arborant un sourire forcé par la même occasion. Enfin, la sonnerie me brisa les tympans. Pour une fois j'étais follement heureux de l'entendre. Je restai un moment sans bouger tandis que les brutes s'en allaient en ricanant, ne voulant pas me détacher de Louis tant qu'ils ne seront pas loin devant. Je finis par m'écrouler, crispé de douleur. Il posa ma tête sur ses cuisses, caressant mes boucles chaleureusement.

- Tu ne peux pas aller en cours dans cet état, séchons pour cet aprèm , proposa-t-il.

Je fis un effort surhumain pour me redresser, puis je tendis une main à Louis, qu'il accepta. Je tirai sur son bras pour l'aider à se lever, quand je remarquai sa petite taille malgré son âge plus développé que le mien. Un sourire involontaire se dessina sur mon visage en repensant au nombre de fois que je l'ai sermonné à propos de sa taille, me moquant de lui à maintes reprises.

- Pitié ne me dis pas que tu repenses encore à ma taille ? , devina-t-il.

- Bingo.

- Bordel tu changeras jamais toi , rit-il.

Je lui souris tendrement, mais il ne me rendit pas mon sourire. Il se contenta de baisser la tête, me devançant pour sortir de la cantine. Par bonheur, le surveillant ne rôdait pas dans les couloirs comme à son habitude, nous pûmes nous faufiler ni vus ni connus à travers la sortie, sans le moindre problème. Tandis que je le suivais, sans faire attention à notre destination, j'ai longtemps fixé sa main avant d'avoir le courage d'y glisser la mienne. Il arracha aussitôt notre contact, ce qui me rendit complètement stupide. Je baissai la tête, embarrassé, puis murmurai d'une voix tremblante.

- Désolé.

Aucune réponse. De toute façon, ce n'est pas comme si je m'attendais à ce qu'il réponde. Je sentis mes joues s'enflammer. Pendant un moment j'avais oublié que notre enfance avait été écrasée. Je n'avais plus le droit de réchauffer ma main dans la sienne comme autrefois. Je mis la tête entre mes mains, noyé dans ma gêne, quand tout à coup quelque chose heurta mon crâne et je tombai raide. Qu'était-ce ? Un coup ? Une voiture ? Une balle ? Vais-je mourir ? Je savais bien que je n'aurais jamais dû essayer de lui prendre la main, maintenant j'ai été puni et je vais... Ah, non. Un réverbère. Je me suis pris un réverbère. Quel con.

- Hé ! Hé, Styles ça va ? , paniqua une voix que je connaissais mieux que quiconque.

Je me perdis dans mes pensées. C'était comme si j'avais été drogué. Tout ce que je pensais à ce moment là, s'échappa involontairement d'entre mes lèvres.

- Ils me manquent... , soufflai-je.

- « Ils » ? Qui... Qui te manque ? Styles, t'es sûr que ça va ? , s'enquit-il.

- Le « nous » d'autrefois.

Dare or not? - Larry StylinsonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant