Je m'asseyais sur le sol froid du trottoir, mes mains sur ma tête. Je me sentais vider de toutes mes forces, j'ai mal, je me sens seule. Des larmes se mirent à couler sur mes joues. Tout s'est passé si vite. Bordel ! Je criais de toute mon âme. Je me sentais seule, trahit, rejetée. J'essuyais mes larmes d'un revers de main, je prenais mes affaires et je marchais dans la rue froide et sans pitié de Port-au-Prince. J'ai des envies meurtrières, l'envie d'en finir avec ma vie, elle reflète l'abandon, je m'arrêtais un moment, mais rien ne m'empêche de finir avec la mienne ? Un rire sadique sortait de ma bouche, Ah ! Ce soir je vais mettre fin à mes jours, je sautais de joie. J'arrivais chez moi, je montais par la fenêtre, je n'avais aucune envie que ma grand-mère me gronde. Je déposais mes affaires par terre, j'enlevais mes habits, et entrais sous la douche. Je laissais l'eau couler sur mon corps. Je prenais tout le temps du monde. Après cette longue douche, je mettais un pyjama et descendis pour mettre quelque chose dans mon ventre qui gargouille. Je m'asseyais sur la table, mon petit frère jouait avec sa nourriture, je soupirai, s'il salit la nappe, mon beau-père se chargera de lui. En parlant du loup, il entra dans le salon, puant l'alcool. Il regardait mon petit frère :
"petit merdeux, tu as sali la putain de nappe"
Sans lui laisser le temps de réagir, il reçut une gifle en plein visage, je ne bougeais pas, je ne regardais pas ou sinon, je serai punie moi aussi. Mes mains tremblaient. Il avançait vers moi, un sourire démoniaque déformait son visage. Se passant la langue sur les lèvres, il avançait dangereusement vers moi :
" tu as finalement retenue ta leçon ?"
Je ne disais rien, je ne dois montrer aucun signe d'émotions, respire, expire.
"Ta putain de mère a voulu me quitter, maintenant tu vois, elle est morte cette trainée"
Il me crachait au visage, je respirais, j'essayais de garder mon calme, les larmes coulaient sur mes joues, je pris le couteau qui était sur la table et sauta sur lui, il attrapa mon poignet et le serra, me forçant à relâcher le couteau et une gifle frappa de plein fouet ma joue droite. Ma grand-mère ne pouvant rien faire, pleurait, et restait dans son coin à nous regarder chaque soir, nous faire battre par cet énergumène et implorait je ne sais qui. J'allais me relever quand mon petit frère se plaçait devant moi,
"s'il te plait, papa, ne bats pas Anny, elle n'a rien fait, elle n'a pas sali la table !"
Je restais sans voix, il pleurait, lui aussi avait peur. Mon beau père le regarda, puis l'assena d'un coup de pied, sa tête alla se cogner à l'une des chaises, puis, il ne bougea plus. J'avais l'impression que le temps s'est arrêté, je courais vers mon petit frère, je pleurai, je touchais sa tête, vérifiant s'il respirait, juste un petit souffle. Mais rien, rien ! Je poussais un cri, non s'il vous plait, n'importe qui que vous soyez, ne le laisser pas mourir je vous en prie, il est tout ce qui me reste, je vous en prie, il ne peut pas mourir, je vous en conjure ! En repassant ma main tremblante de peur, je ressentis un faible souffle. Un soupir de soulagement sortait de ma bouche. Je le pris doucement, tout en protégeant sa tête, je me relevais quand mon beau père avançait vers nous avec son fouet à la main :
"Où comptes-tu aller ? Tu ne m'as pas donné des ''services'' depuis 3 semaines"
J'avais envie de vomir, je me retenais .
"Quoi, ça ne te plait plus ?"
Je ramassais mon courage et lui dit
"Je veux tout simplement prendre soin de mon petit frère"
Il n'aimait pas ma réponse, il prit son ceinturon, me tira par les cheveux, et me frappa, encore, encore et encore. Puis à la fin, il défit sa ceinture et me pissa dessus. Je me levais, pris mon petit frère, et montait l'escalier, en titubant, j'avais assez de force juste pour l'apporter. Je le plaçais sur mon lit, je déchirais le bas de ma robe et l'amarrais autour de sa petite tête, j'ai peur, je me suis mise une nouvelle fois à pleurer, à maudire tout le monde en commençant par mon beau père. Je le hais, je souhaite vivement qu'il meure, qu'on le tue, qu'il soit mangé par les chiens comme de la merde, oui sa mort et je maudis ma grand-mère, elle n'a jamais rien fait pour empêcher à cet homme de nous battre, je maudis ma mère qui a ramené ce démon à la maison, je vous maudis ! Je vous maudis ! Mes larmes ne veulent pas s'arrêter, j'ai la tête qui tourne. Je n'arrête pas de penser à David, oh oui, David. Tu étais mon tout, ma lumière dans cet enfer. Tu m'avais promis de toujours rester à mes côtés, malgré notre écart d'âge, on s'aimait. Tout le monde détestait notre relation, notre union interdite, notre différence de couleur, tu m'as enlevé à jamais le voile de mon innocence, je t'appartenais, j'aimais quand je passais mes journées avec toi, on faisait les fous, on dansait, on faisait l'amour. Le jour de mon anniversaire, tu t'en souviens, tu m'as emmené à la plage, on a vu la mer, et ce coucher de soleil si magnifique, j'avais l'impression d'être sur un nuage, tu m'avais offert un collier avec nos initiales dessus, tu disais qu'un jour je serai ta femme, l'âge ne comptait pas pour nous, tu as menti à tes parents, tu as refusé de te marier avec une femme de ton âge juste pour être avec moi, j'ignore si tu peux m'entendre là où tu es mais tu me manques. Et ce jour où je ne pouvais me rendre à l'école, parce que mon petit frère avait une forte fièvre et que mon connard de beau-père s'en foutait complètement, tu as quitté ton travail, tu es venu avec des antibiotiques rien que pour lui, tu es resté à son chevet, tu m'as aidé à veiller sur lui, jusqu'à son réveil. Mon petit frère t'admirait tellement, tu détestais le fait que je vivais dans cette maison en piteux état. Tu te demandais pourquoi je ne vivais pas dans une maison comme la tienne, je t'ai répondu que j'ai eu une enfance difficile, j'avais envie de pleurer ce jour-là, mais tu m'as retenu, tu m'as donné la force de continuer, tu m'as promis que tu ne me laisseras pas périr ici. Et le soir ou je me suis refugiée chez toi après que mon oncle m'ait battu, tu étais en colère, en voyant toute mes blessures que j'essayais de te cacher depuis le début, ce soir-là, pour la première fois je t'ai vu partir en sanglots, et tu me demandais pardon. Pardon de ne pas pouvoir partir avec moi, pardon d'être faible dans de telles circonstances. Je t'ai pris dans mes bras et je t'ai dit que je t'aimais et que tu étais ma force, tu me permettais de vivre. Combien de fois que le soir j'essayais de me tuer, de disparaitre à jamais mais tu es toujours là, dans mon cœur, toi et mon petit frère, vous êtes tout ce qui me reste. Mais le monde est injuste, mon beau père nous a surpris. Ce jour-là, il m'a forcé à te regarder mourir, tu te battais pour moi, il t'a tué, puis m'a violé... Je pleurais, tout le monde salissait mon nom en disant que je suis comme ma mère, une putain et que je t'ai tué, mais ce n'est pas vrai ! Je me meurs David, ou es-tu ? Mon chéri, tu me manques le soir, tes caresses, nos fous rires, quand tu me faisais sienne, un long frisson me parcourait le dos. Je t'aime David. J'ignore combien de temps me reste-t-il à vivre mais je me battrai. Je ne veux plus me suicider, je sortirai de ce trou à rat, moi et mon petit frère. Je lui offrirai une nouvelle vie, un nouveau souffle. Je refuse d'abandonner, ceci est une promesse...
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A l'ombre d'une Pergola
Short StoryEntre racine et branche, il y a surement un cheminement. On a appris à repousser nos limites, à nous surpasser et à chercher même dans les confins les plus reculés. Nous sommes un mythe qui chante la réalité sous la couleur d'une bannière qui émet c...