Chapitre 4 : Coldness

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Après plus d'une semaine de ce petit jeu auquel je ne pouvais prendre part, de ce supplice que je trouvais malgré moi toujours plus esthétique et duquel elle ne semblait jamais lasse malgré ma passivité, un mardi matin, je ne vis pas ma jolie inconnue. Je restai à ma table plus longtemps que de raison dans l'espoir de la voir apparaitre après un simple contretemps mais mes espoirs furent déçus et je commençai à me questionner intérieurement. Ne venait-elle plus parce qu'elle en avait eu assez de mon apparente indifférence ? Lui était-il arrivé quelque chose ? Avait-elle trouvé un autre homme ? La pensée, bien que logique, me serra le cœur malgré moi.

Ma journée fut différente. Incomplète et je me questionnai sans cesse : qu'était-il arrivé ?

Et lorsque le lendemain, je la vis s'installer à la table qu'elle occupait d'habitude, je me trouvai à la fois soulagé de pouvoir continuer à tisser ce lien chimérique et embarrassé car elle n'était de toute évidence pas le genre de femme à se satisfaire de doux rêves et de conversations imaginaires. À l'inverse de moi. 

Lysandre me faisait face encore une fois ce matin-là, les sourcils froncés, apparemment perdu dans ses pensées, oubliant son café allongé et le laissant refroidir inexorablement.

Le serveur déposa une seconde tasse à côté de la mienne, vide, devant moi. Le jeune homme désigna discrètement, pour la dixième fois, cette femme : ma belle inconnue. Car dans ma tête, elle était déjà mienne. C'était mon inconnue. Nous étions des étrangers et pourtant, nous avions une sorte de relation... Elle m'observait. Je pensais à elle. Elle me manquait quand elle n'était pas là. Je l'imaginais lorsque je travaillais.
Il n'y avait rien et pourtant... Elle existait dans mon petit monde. Saurait-elle jamais qu'elle m'avait inspiré le costume de la Reine des Elfes pour la pièce ?

De soulagement, peut-être, je lui jetai des coups d'œil furtifs en me pinçant les lèvres, par peur d'être surpris. Je me concentrai sur ses vêtements pour éviter soigneusement ses yeux. Cette fois, je notai la marque de son sac mais je ne parvins pas à identifier le modèle, ce qui me perturba. Les sacs à main n'étaient pas mon point fort et j'en avais une fois de plus la preuve évidente. Les chaussures, par contre... 

Mes yeux descendirent le long des bas opaques de la jeune femme, jusqu'à ses chevilles, sauvagement coupées par une paire de bottines en cuir. Comment pouvait-on décemment infliger pareil carnage à l'œil humain ? Comment pouvait-on scier une jambe toute en courbes avec autant de brutalité ? 

J'étais outré. Et étrangement, cette somptueuse demoiselle venait de chuter de son piédestal de perfection à cause de cette seule bottine. 

Je relevai les yeux et rencontrai les siens. Elle me dévisageait avec intensité, de son regard félin. J'en avais du mal à respirer. Je sentis mon rythme cardiaque s'accélérer un peu lorsqu'elle me fit un signe de main vaporeux. 

- Leigh... se risqua Lysandre, me tirant de ma plaisante et douloureuse contemplation. Je ne me mêle jamais de tes affaires, mais tu devrais aller la voir. C'est le dixième jour qu'elle n'attend que ça.
- Mais je ne peux pas ! protestai-je.
- Et pourquoi ?
- Tu as vu son allure ? Elle est... Elle doit être... Une femme influente, avec du pouvoir, quelque chose comme ça... Je suis un demi costumier gauche et fauché et tout ce que je connais des femmes se limite à ma danse avec Elisabeth à Noël.

Moi qui n'étais finalement qu'un petit paysan qui ne faisait que rêver. Comment on abordait une femme assurée, comment on l'invitait à sortir, comment on lui faisait la conversation, je n'en avais aucune idée.

- C'est juste Rosalya, précisa Lysandre. Elle est dans mon groupe d'italien. Et elle peut avoir tous les garçons qu'elle veut, si tu veux mon avis. Pourtant, c'est ici qu'elle vient.

Trophy Boyfriend (Leigh)-(Rosalya)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant