Wattpad Originale
Il reste 3 chapitres gratuits

Chapitre 3 - Reason to Believe

19.8K 2.4K 497
                                    

Toute la journée je n'ai entendu que son nom. Toute la journée, le monde n'a tourné qu'autour de lui. Il est devenu ce que l'on pourrait appeler une « attraction ». Mais tandis qu'il gagnait en intérêt chez les jeunes demoiselles, moi je gagnais en invisibilité, et ça m'allait bien. Caleb est devenu le centre du monde et moi, une nouvelle étoile lointaine. Parfait.

Une fois les cours terminés, comme chaque jour, j'attends que tout le monde parte. Certains flânent encore dans les couloirs en attendant le copain de la classe d'à côté. D'autres attendent juste que papa ou maman vienne les chercher.

Moi, personne ne viendra me chercher. Quand je regarde l'heure sur mon téléphone, j'imagine qu'Olivia doit être dans les préparatifs de son gala, à ne pas réussir

à se décider sur le choix de sa robe. D'ailleurs, l'idée de la savoir en train de courir partout dans la maison me fait sourire.

-Hé !

Un nouveau sursaut. Même sans les écouteurs, je ne l'ai pas entendu arriver. Caleb se tient devant moi, tout sourire.

- Arrête de faire ça, lancé-je, vraiment. Et qu'est-ce que tu fais-là ? Je pensais que les gens comme toi ça rentrait tôt à la maison ?

- J'ai juste attendu que le flot de « fans » en délire s'en aille... Puis je t'ai vue, toute seule, à l'arrêt de bus. Tu rentres chez toi comme ça ? m'interroge-t-il en pointant l'arrêt de bus du doigt, comme s'il était étonné qu'un tel moyen de transport puisse exister.

- Non, c'est juste le plaisir d'attendre le bus, répliqué-je avec sarcasme.

Crétin.

- Je vais l'attendre avec toi alors !

Quoi ? Mais non ! Rentre chez toi ! Laisse-moi tranquille à la fin !

On reste un moment assis l'un à côté de l'autre. Je me mets alors à l'inspecter le plus discrètement possible. Même après une journée de cours, il n'a pas un cheveu de travers. Il n'y a pas une tache sur sa chemise blanche et pratiquement aucune trace de poussière sur ses... mocassins ? Il est sérieux ? Je pensais qu'il n'y avait que les vieux pour porter ce genre de chaussures.

- Tu sais que je resterai là tant que tu ne m'auras pas dit ton nom ?

- Je m'en doute. Et tu peux rester là, je m'en fiche. Le bus ne devrait pas tarder. Je te planterai ici quand il sera là, c'est tout.

- Charmante. Tu es naturellement aussi froide ? C'est un système de défense ?

- En quoi ça t'intéresse ? On n'est pas amis à ce que je sache.

- Uniquement parce que tu ne le veux pas, dit-il avec assurance. Allez, dis-moi ton prénom. Juste ça et promis, je te laisserai tranquille après, ajoute-t-il en esquissant un sourire.

- En quoi ça t'avancerait d'avoir mon nom ? Tu veux quoi de moi à la fin ? demandé-je, agacée qu'il soit aussi insistant.

- Je te l'ai dit, je veux être ton ami. Tu m'as l'air...différente.

- Différente ? Grosse c'est ça ? Tu peux le dire, j'ai l'habitude.

- Mais non ! s'exclame-t-il. C'est un truc typiquement féminin de tout prendre au pied de la lettre. Quand je dis différente, c'est dans le sens où tu ne sembles pas suivre le courant de la mode, t'as l'air de mener ta propre vie. Tu n'es pas comme l'une de ces nombreuses poupées Barbie là...

- Je pensais que t'étais du genre à aimer les poupées Barbie ?

- Préjugé ! Je suis trop grand pour jouer à la poupée, raille-t-il. De plus ce n'est pas parce que je suis fils de designer et designer moi-même que je devrais aimer ce type de fille, tu sais ?

- Non... J'ai juste entendu dire que...

- Finalement, tu n'es pas si désintéressée que ça, me coupe-t-il. Tu as dû entendre parler de moi entre deux rumeurs de lycéennes.

- En même temps, c'est difficile de passer à côté quand tout le monde ne parle que de toi.

- Tu marques un point, rétorqua-t-il, presque déçu de me concéder cette victoire.

Le bus s'approche de l'arrêt, c'est ici que notre conversation prend fin. Les portes s'ouvrent et je m'empresse de monter dedans. Je jette un coup d'œil à Caleb, il affiche un air dépité. Il est venu réclamer quelque chose qu'il n'a pas eu. Avant que les portes du véhicule ne se referment, je décide de lui faire cette faveur. Je me retourne brusquement et crie :

- Alexandra ! Je m'appelle Alexandra !

Merde. Pourquoi j'ai craqué ? Et puis pourquoi je n'ai pas dit Josiane ou Huguette ?! Non, bien sûr, il a fallu que je donne mon vrai nom. Putain Alex, t'aurais pu gagner la bataille.

À cet instant, le visage du jeune homme s'illumine. Il affiche un sourire satisfait. Un de ces sourires que jamais je ne pensais voir sur quelqu'un à la simple révélation de mon prénom. Un sourire pour moi.

- Alors, à demain Alexandra !

Un frisson me parcourt quand je l'entends prononcer cette phrase. Il ne s'agit ni d'un surnom ni du prénom de quelqu'un d'autre, mais de mon prénom. C'est le mien. Pour la première fois depuis mon entrée au lycée quelqu'un m'a appelé par mon prénom, sans haine, sans méchanceté derrière. C'est anodin pour beaucoup, maisà cet instant, à mes yeux, cela représente tout ce dont je rêvais. Juste un sourire et que l'on m'appelle par mon prénom. Un rêve que je pensais enterré avec tous les autres, dans un cimetière où le croque-mort s'appelle « Savannah ».

Étonnamment, je rentre chez moi avec le sourire et en ayant presque l'envie d'y retourner. J'ai la douce impression que pour la première fois, je me suis fait un ami. Que pour la première fois, j'ai quelqu'un dans ma vie.

Le soir, je googlise Caleb Lonford. Je veux des réponses. Je veux savoir ce qu'il cache, qui il est, ou plutôt pourquoi il est comme ça. Mais Wikipédia ne sait pas m'aider. J'entends encore Olivia qui me disait, petite : « Tu verras, Wikipédia a réponse à tout ! » Eh bien pas à tout, je suis désolée, mais en voici la preuve ! Je tape le nom sur le site, mais tout ce que je trouve, ce sont des informations primaires comme sa date de naissance, sa généalogie, ses succès...

Je clique sur un lien YouTube pour voir l'un des défilés qu'il a faits avec son père. Puis j'enchaîne. Je visionne les vidéos une à une, observant ces filles marcher avec grâce et élégance. J'admire les courbes des jambes avançant toujours plus loin sur des talons toujours plus hauts. Je regarde les strass et les paillettes des robes me passer sous le nez. Une chose est sûre, il est doué. Vraiment doué.

Étrangement, une certaine forme de respect et d'admiration naît au fond de moi. Je ne comprends rienà ce milieu et c'est à peine si je fais la différence entre une écharpe et un pashmina. Pour moi, savoir tout ça n'est pas vital, mais lui, c'est son monde, son univers.

Il semble le maîtriser aussi bien que je maîtrise l'ignorance. C'est fou.

Ainsi, je passe la nuit sur Google à lire des articles de journaux, des rumeurs sur divers blogs, à découvrir ce monde de fanatiques prêts à payer des milliers pour la dernière paire de chaussures du créateur. Au bout d'un moment, une pensée me traverse l'esprit. Je me dis tout simplement que tout ça n'est pas pour moi. Cet univers-là est décidément très éloigné du mien.

Pourtant, j'étais loin de savoir, à ce moment-là de ma vie, que Caleb allait désormais être le designer de cette dernière. Qu'il allait la chambouler, la renverser et peut-être même la briser. J'étais loin d'imaginer qu'il aurait un jour, à un moment donné, cet impact-là sur moi. En fait, je ne me doutais pas que son monde allait tout bonnement se lier au mien.

Miss Kilos - Parole de grosseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant