Miss Kilos - Parole de grosse

Chapitre 4 - Wait a minute

En arrivant au lycée ce matin, je constate exactement la même scène qu'hier. Tout un troupeau de lycéens est rassemblé devant le SUV noir de Caleb, mais cette fois il y a aussi tout un groupe déchaîné à l'intérieur même de l'établissement. Nouvelle attraction phare, Caleb Lonford est devenu la proie de bien des mangeuses d'hommes en quête de gloire et de popularité. Et qui de mieux que le fils d'un grand designer pour accéder à ce genre de statut prestigieux ?

Néanmoins, je lui dois une fière chandelle, car maintenant qu'il attire tous les regards et qu'il occupe toutes les pensées, j'ai le sentiment d'être devenue invisible, chose que je désirais tant depuis des années. Je passe à côté des gens et l'on ne fait même plus attention à moi. Je n'existe plus. Je ne suis plus là. Je suis devenue l'ombre de cette nouvelle lumière.

— Je me demande bien où il est ! Il arrive toujours très tôt le matin et personne ne sait jamais où est-ce qu'il se cache, s'interroge une petite rouquine à lunettes.

— Je ne le pensais pas aussi timide et réservé !

— Vous croyez que c'est une sorte de jeu ? Que celle qui le trouve aura ses faveurs ? se questionne une fille du groupe.

— Pff ! Vous délirez les filles ! Si quelqu'un doit gagner les faveurs de Caleb, c'est bien Savannah ! s'exclame une autre.

— Quelle pouffe, celle-là ! En plus d'être jolie, il paraît qu'ils se connaissent personnellement !

— Intimement, tu veux dire... siffle sa copine à côté.

Rumeurs, rumeurs, rumeurs. Que serait la vie d'une lycéenne sans sa dose de rumeurs quotidiennes ? C'est un peu comme un junkie et sa coke. Elles ne peuvent pas s'en passer et s'ennuieraient terriblement s'il n'y avait rien à raconter. C'est comme ça, on n'y peut rien. On pense toujours que ce genre de comportement est bon à voir dans une série pour ados ou dans un roman à l'eau de rose... Vous savez ? Ce fameux roman avec le bad boy, la cruche et la pimbêche ? On pense toujours que ce genre d'étiquette puérile n'existe pas en vrai. Que cela ne nous concerne pas, mais vous seriez étonnés du contraire. Dans la vie, on nous collera toujours une étiquette sur la tête. Peut-être pas celle de « reine du bal », mais les étiquettes existent bel et bien.

« Grosse ». « Geek ». « Sportif ». « Intello ». Si ce type d'étiquette vous parle, c'est que vous êtes passés par là, vous aussi. Que vous le vouliez ou non.

L'étiquette que j'admire le plus c'est celle de « bisounours ». Les bisounours, c'est quoi ? Ce sont des individus un peu trop optimistes, qui reprennent à longueur de journée ce doux refrain que vous devez sans doute connaître : « De toute façon, nous on vit pour nous pas pour les autres, on s'en fout de ce que l'on peut dire dans notre dos ! » Ah... Que vous vous mentez.

Le propre de l'être humain, c'est qu'on ne peut pas vivre seul. On vit en société. Alors oui, vous pouvez ignorer ce que l'on dit, mais se ment celui qui croit que cela ne l'a pas affecté au moins une fois. Comme moi.

Être la « grosse », je m'y suis faite. Mais combien de fois par jour est-ce que je me regarde dans un miroir, en me demandant si je ne peux pas changer, si je ne peux pas aplatir ce ventre tombant ? Combien de fois je rentre le soir et pleure dans l'obscurité de ma chambre, la tête enfouie dans mon oreiller ?