Chapitre 3

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En se guidant grâce aux panneaux « sortie » qu'il voyait à chaque coin de couloir, François s'aperçut que sa chambre se trouvait au quatrième étage de l'HCD (Hôpital Central de Drèce). Cet hôpital comptait onze étages, et tous les services, de la médecine générale à la chirurgie, en passant par la radiologie, la dentisterie, et certains services spécifiques aux dragons (comme le service des « brûlés et intoxiqués par dragon »), y étaient regroupés. François avait été soignés au service des « accidentés légers à graves ».

En circulant dans les couloirs, le jeune homme remarqua que bon nombre d'infirmières ou de médecins étaient accompagnés par un dragon. Le plus souvent il s'agissait de tous petits dragons verts qui devaient faire tout au plus trente centimètres, mais il y en avait aussi de l'espèce d'Abricot. Il remarqua même un ou deux petits dragons marrons qui avaient l'air un peu pataud.

Enfin, François trouva un ascenseur. Il se rendit alors au rez-de-chaussée, et déboucha dans un grand hall lumineux qui comportait un guichet d'accueil, une salle d'attente, cinq petits bureaux pour les admissions, et enfin des toilettes.

François sortit de l'hôpital et arriva dans une rue assez large, bordée de maisons, elles-mêmes bordées de petits jardins, et dont le sol était recouvert, non pas par du goudron, mais par une sorte de roche sombre. François se dit qu'il devait s'agir de roche volcanique.

La rue était très animée. Des piétons arpentaient les trottoirs et traversaient un peu partout. Certains étaient accompagnés de dragons semblables à ceux que François avait vu dans l'hôpital. Des voitures roulaient, à une allure assez lente pour pouvoir éviter les piétons. Ces voitures n'avaient pas de marque, mais ressemblaient un peu à des jeep américaines. Leur moteur ne faisait pas de bruit, seul le bruit des pneus était audible.

Soudain, François eut l'idée de lever les yeux. Il vit alors passer, dans le ciel, à une altitude qui devait avoisiner les vingt mètres, des dragons verts et des dragons rouges, qui semblaient bien plus gros qu'Abricot, et qui étaient chevauchés par des hommes et par des femmes. Ce spectacle l'émerveilla. Il resta ainsi, bouche bée, à contempler le ciel pendant quelques minutes, quand il entendit derrière lui :

-Et ça, ce n'est qu'un aperçu de ce que l'on peut faire avec les dragons !

C'était Vincent qui l'avait rejoint dans la rue, toujours accompagné d'Abricot. François baissa les yeux et se retourna.

-C'est magnifique ! dit-il.

-Oui, c'est merveilleux à regarder. Mais c'est encore mieux d'être là-haut. C'est une sensation inoubliable. On se sent libre comme jamais. Tu devrais essayer !

-J'aimerais bien... Mais j'aimerais d'abord ne plus avoir mal au dos, et en savoir un peu plus sur... Tout ça. Et puis j'aimerais bien faire cette expérience avec Clara.

-Oui, je comprend. Pour ton dos cela devrait passer d'ici deux jours, et pour « tout ça », je pense qu'il vaut mieux que tu découvres par toi-même. Tout t'expliquer ne servirait à rien, tu aurais presque tout oublié le lendemain. En ce qui concerne Clara, je ne peux toujours pas te dire quand elle se réveillera. Allez viens, on va prendre le bus. En attendant que ta maison soit finie ; tu vas loger chez moi.

-On me construit une maison ?

-Oui, ou plutôt un appartement. Tu devras choisir entre le rez-de-chaussée et le premier étage. L'autre sera pour Clara.

François eut envie de répondre quelque chose, mais se ravisa, submergé par tout ce qu'il venait d'apprendre en à peine une demi-heure. Il suivit donc Vincent et Abricot vers un petit abri situé en bord de rue, à côté d'un grand rectangle blanc tracé sur la chaussée.

Soudain, un courant d'air vint rafraîchir les joues des deux hommes. Abricot parut agité.

-Le bus arrive ! dit Vincent.

François regarda à droite et à gauche dans la rue, mais il ne vit rien. Comme le courant d'air forcissait et s'accompagnait maintenant d'un bruit régulier, Il leva les yeux et vit un énorme dragon orange qui descendait doucement du ciel. Ce dragon était très massif. Il semblait faire environ deux mètres, du pied à l'épaule, et plus de trois mètres, du bout de sa tête au bout de sa queue, qui se terminaient par une boule hérissée de petites pointes. A le regarder, on eut dit qu'il pesait dix tonnes, tant il était gros par rapport à sa taille. Son poids devait d'ailleurs le gêner car il possédait deux paires d'ailes, l'une derrière l'autre. Il avait un petit cou potelé et une tête ronde. Sa queue également était courte. Sous son ventre était accrochée une nacelle d'environ deux mètres et demi de long et deux mètres de large, et qui devait contenir une douzaine de sièges.

Le dragon se posa en douceur dans le rectangle blanc. La porte de la nacelle s'ouvrit et une dizaine de personnes en descendirent. Vincent et François montèrent à bord, et le médecin dut appeler Abricot qui était resté assis devant la tête du colosse et gigotait pour attirer son attention. Quand tous les passagers furent montés, la porte se referma et le dragon entreprit de redécoller. François, ébahi, interrogea Vincent :

-Je n'ai pas vu de conducteur... Qui dit à ce dragon où aller ?

-Les dragons sont très intelligents. Celui-là a été dressé et connaît son parcours par cœur. Une personne l'attend au terminus pour le récompenser, détacher sa nacelle et le nourrir. D'ailleurs certains dragons oublient parfois des arrêts pour aller directement chercher à manger au terminus, et le cas échéant, un dresseur refait une fois le trajet avec le dragon. Finalement ces bêtes-là sont comme des gros chiens volants ! expliqua Vincent, en caressant Abricot.

François marqua une pause, regarda un peu la ville et les autres dragons qui sillonnaient son ciel, puis poursuivit :

-Ce dragon doit avoir beaucoup de force pour pouvoir voler avec ce poids pendu sous son ventre !

-Oui, c'est sûr. C'est un volcan, une des espèces les plus fortes et polyvalentes de l'île. Son nom lui vient du fait qu'il ne crache pas de feu, mais de la lave qu'il produit avec des pierres qu'il avale auparavant. C'est d'ailleurs de cette lave refroidie que sont couvertes nos routes. Ces dragons nous sont très utiles.

Tout à coup, le dragon se mit à battre des ailles plus vite et dans un autre sens, si bien qu'en quelques secondes il avait freiné. Ensuite, il ralentit le rythme de ses battements d'ailes et commença à descendre en douceur.

En regardant vers le bas, François vit une espèce de grand hangar, duquel un homme habillé tout en rouge sortait avec un grand seau rempli de grosses croquettes. Dans le hangar, le jeune homme vit d'autres nacelles, et un autre dragon orange, avec sa nacelle sous le ventre, qui attendait de prendre le relais.

Quand le dragon fut posé, deux hommes montèrent sur son dos et commencèrent à détacher la nacelle. La porte s'ouvrit et les passagers descendirent. Abricot courut vers la tête du volcan qui était en train de manger ses croquettes, ce qui eut pour effet de le faire grogner. Abricot revint donc vers son maître en gémissant. Vincent ria et caressa le petit dragon, puis sortit une croquette de sa poche et lui donna pour le consoler.

François, le médecin et Abricot étaient à présent dans un quartier plutôt chic, plein de maisons individuelles entourées d'assez grands jardins dans lesquels bien souvent se trouvait une piscine.

Vincent prit la parole :

-Ta maison se situe par là, à quelques rues, dit-il en regardant vers la gauche. La mienne est juste là, poursuivit-il en montrant une grande maison sur sa droite. Allons-y !

Les deux hommes se dirigèrent vers la maison. Abricot se mit à courir, et avant que ceux-là aient eu le temps de faire cinq pas, il les attendait déjà sur le perron, assis, la langue pendante et la queue balayant le sol.

L'île aux dragonsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant