Frances redressa une mèche intempestive qui barrait sa joue gauche et lissa ses cheveux des deux mains. Dieu merci, la matière vaporeuse de sa robe supportait le froissé. Pas le temps du reste de s'attarder à des détails. La seule idée des policiers grimpant l'escalier et ouvrant toutes les portes avant de découvrir le blessé la faisait frissonner. Elle ne craignait rien pour elle, mais pour ce pauvre garçon qu'elle imaginait jeté dans une voiture comme un vulgaire paquet, sans le moindre égard pour sa blessure. La suite serait encore pire. Frances avait entendu parler de la saleté de Newgate, des rats courant sur le plancher des cellules, de la nourriture infecte servie aux prisonniers. Il fallait être forte, ne pas montrer la moindre émotion. L'espace d'un instant, elle regretta que Céleste ne fût pas là pour l'épauler. Mais je suis assez grande pour me débrouiller seule, fut sa pensée suivante. Après avoir pris une grande inspiration, elle aborda d'un pas résolu le haut de l'escalier et commença à descendre les degrés de marbre un à un. Exercice facilité par la présence de la rampe de bronze où ses doigts glissaient et le trou d'ombre au-dessous d'elle. Un brouhaha de voix en montait, parmi lesquelles un timbre masculin dominait, autoritaire. Rien à voir avec les inflexions graves et agréables du fugitif. Une marche de plus et les lumières des candélabres du vestibule lui dévoilèrent le propriétaire de la voix : un homme que ses larges épaules et sa forte corpulence faisaient paraître plus petit qu'il n'était en réalité. L'inspecteur dont avait parlé Grace. Oui, ce ne pouvait être que lui. Planté devant le portrait du premier marquis de Dorchester, les jambes écartées, il dégageait de la force et une brutalité implacable. Il y avait d'autres hommes avec lui, mais il les écrasait de sa présence.
Soudain, il leva les yeux et aperçut Frances. Son regard brasillant sous des sourcils hérissés impressionna la jeune fille à tel point qu'elle faillit interrompre sa descente. La crainte de se trahir la poussa à continuer. Elle se gendarma. Que risquait-elle sous le toit de son beau-frère ? Augustus ne laisserait personne importuner un membre de sa famille. Elle en oubliait son animosité à son endroit pour se ranger sous son aile protectrice.
— Eh bien ! Il semble que la maisonnée soit au complet avec l'apparition de miss...
L'épouvantable accent cockney fit tiquer Frances. De même, le ton familier et la façon de la détailler de la tête aux pieds. Elle se sentit nue sous ce regard. Jamais aucun de ses valseurs londoniens n'auraient osé la dévisager ainsi, et l'inconnu là-haut l'avait traitée avec infiniment de respect. Décontenancée par cet examen, elle entendit à peine Augustus la nommer :
— Miss Frances Stanton, ma belle-sœur.
L'impudent personnage esquissa le geste de tendre la main, puis, se ravisant, il se présenta :
— Algernon Mac Gill, police londonienne. Vous avez été bien lente à arriver, miss Stanton. J'étais sur le point de monter vous dénicher.
Les intonations moqueuses de la dernière phrase atténuaient l'aspect menaçant du propos. Faute de trouver une réplique adaptée, Frances se tourna vers son beau-frère, mais le secours vint de Becky. Jusqu'ici en retrait de son mari, elle fit un pas en avant pour se placer entre Frances et l'inspecteur.
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Frances et son duc
Historical FictionYorkshire, 1819, Sur le point de rencontrer sa future fiancée, Sebastian Villiers, duc de Maverick n'aurait jamais imaginé être pris pour cible...et pour un autre: un fugitif recherché par toutes les polices. Il pourrait facilement mettre fin au qu...