Séance #1

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Le reste de la journée a passé très vite. Perrie n'est pas revenue de l'hôpital et Jones ne m'a pas embêté davantage. Il voulait sûrement garder toutes ses répliques pour ce soir. À croire qu'il les note dans un petit carnet et les apprend par cœur. Nous n'avions eu qu'un cours dans l'après-midi : anglais. J'ai donné mon adresse à Jones après qu'il m'ait harcelé pendant presque toute la première heure et avant de sortir de l'école, j'ai dû me rendre à la cafétéria, endroit où je me trouve présentement, pour la nettoyer.

- Mademoiselle Miller, arrêtez de rêvasser et nettoyez-moi ces tables!, me gronda le surveillant qui devait me surveiller.

Il était affalé sur une chaise juste à côté de l'entrée. À ce que j'ai compris, il s'appelait Nick et il n'avait vraiment pas l'air content d'être là. Je suis sûre qu'il aurait préféré être chez lui entouré de ses enfants – s'il en a – et de sa femme – s'il en a une – au lieu d'être coincé ici avec moi. Et il me le fait bien sentir. Depuis que je suis arrivée, il n'arrête pas de grogner et de me reprocher toutes traces d'une quelconque saleté imaginaire ou pas.

Je prends le chiffon qu'il me tend et le trempe dans le seau de produits ménagers.

Deux heures plus tard, il est enfin 18h et je peux retourner chez moi. Avec un air aussi soulagé que le mien, le surveillant me renvoie d'un ton presque gentil. Après tout, lui aussi est libéré de cette corvée. Comme je suis seule et que je n'ai pas de parents que je pourrais appeler pour qu'ils viennent me chercher, je suis obligée de me rendre à l'arrêt de bus le plus près. Après quelques minutes d'attente, une voiture blanche s'arrête devant moi et le conducteur baisse sa vitre.

- Miller! Qu'est-ce que tu fais là?, me demande une voix familière.

- Jones! Tu devrais penser à te prendre un rendez-vous chez l'ophtalmo, je dis.

- Pourquoi tu dis ça?

Ok, il est vraiment assez stupide pour ne pas comprendre ça? Voyant que je ne réponds pas, il poursuis d'une voix de plus en plus autoritaire.

- Monte dans la voiture.

Il a l'intention de me tuer?

- Non, je répond.

- Je dois allez chez toi de toute façon. Monte dans cette voiture.

- Non.

Il croit vraiment que je vais l'écouter? Bien que sa voiture soit bien plus rapide que le bus que je compte prendre, il n'est pas question que je me retrouve dans le même mètre carré que lui.

- Monte dans cette putain de voiture!, s'écrit-il.

Je crois qu'il commence à s'énerver.

- Non.

- Tu l'auras voulu.

Je ne comprends pas ce qu'il sous-entend jusqu'à ce qu'il sorte de la voiture et se dirige vers moi d'un pas rapide. Je recule tout aussi rapidement, mais l'espace derrière moi n'est pas infini et je me retrouve vite le dos collé contre la paroi en vitre de l'arrêt de bus. En quelques secondes, je me retrouve sur son épaule, la tête contre son dos en mode ''sac à patates''. Je frappe son dos de mes poings et comme j'ai fait de la boxe, je n'ai pas une force de colibri. Pourtant, il ne me lâche pas et nous conduit devant la porte passager de son véhicule qu'il ouvre. Il me jette de force dessus et attache ma ceinture. Rapidement, il retourne du côté conducteur et entre dans la voiture. Bon, je n'ai plus trop le choix, maintenant.

Dix minutes plus tard, nous arrivons chez moi sans que je n'ai eu besoin de le guider ou de lui rappeler mon adresse. Je sors précipitamment de la voiture sans porter attention à Jones qui s'est levé pour venir m'ouvrir la porte. Il me regarde blasé, mais je ne lui lance pas un regard. J'ouvre la porte de chez moi et dépose mon sac dans l'entrée.

- Tes parents sont là?, me demande Aden.

Non, Jones.

Je me crispe à l'entente de ses mots. Non, ils ne sont pas là et ils ne reviendront pas.

- Non.

Je me suis contentée de la version courte.

- Ok.

Je me dirige vers le salon et prend au passage un dictionnaire et une grammaire. Jones me suit silencieusement et s'installe à la petite table. Je dépose les livres devant lui et pars m'asseoir sur le canapé.

- Qu'est-ce que tu fais?, me demande-t-il.

- Je m'assois.

- Je te rappelle que tu dois m'apprendre.

- Bah écris un texte et je le corrigerais ensuite.

Non, mais il a vraiment cru que j'allais lui expliquer?

- Non.

Quoi?

- T'as dit quoi là Jones?

- Non, je n'écrirais pas ton texte. Je veux que tu m'expliques le participe passé, je ne le comprends pas, dit-il.

Mais c'est un des trucs les plus faciles!

- Tu te débrouilles.

- Si tu veux, je peux aussi aller demander au directeur.

Il me fait du chantage là?

- Bon, d'accord, je vais te l'expliquer ton truc, je cède.

Il sourit comme un con. Ouais, c'est bon. Pas la peine d'en faire tout un plat. Je me lève de mon canapé si confortable et m'installe sur un coussin devant lui. Je lui explique ce qu'il veut savoir sur un ton monocorde.

- Je peux connaître ton prénom, me demande-t-il.

Je rêve ou il n'a pas écouté un traître mot de ce que je viens de lui dire.

- Grey.

- Non, ton vrai prénom.

Je ne te le dirais pas idiot alors pas la peine de forcer.

- C'est mon vrai prénom.

Il me regarde comme s'il savait.

- Je ne te crois pas. Je ne connais personne qui appellerais sa propre fille Grey.

Est-ce qu'il est en train d'insulter mon prénom? Bien que ce ne soit pas mes parents qui l'ont choisi et que ce ne soit pas le prénom que je porte depuis ma naissance, c'est celui que j'ai choisi.

- Eh bien, je m'appelle comme ça et c'est tout.

Fin de la discussion.

- T'inquiète pas Grey, je saurais un jour.

Même pas dans tes rêves, je te laisserais le savoir. Tout comme mes parents, mon prénom fait partie de mon passé. Je m'appelle Grey maintenant.

Je ne lui réponds pas et reprend mes explications du début. Aden me regarde. Je sens qu'il détaille chaque partie de mon visage. Je le laisse faire sans ciller. Pour le moment, il n'a pas été méchant avec moi.

- Tu as une coupure au-dessus du sourcil, me dit-il.

Je passe mon doigt et, effectivement, je sens une petite entaille. Ce doit être Perrie qui a essayé de me blesser avec ses ongles complètement manucurés.

- Et alors?

Il ne me répond pas et poursuis sur un autre sujet.

- Je vais devoir y aller, mes amis m'attendent.

Il rassemble rapidement ses affaires et sort dehors.

- Oh, et en passant, c'est moi qui ai demandé à M. Black de te dire de faire du tutorat avec moi, me dit-il juste avant d'entrer dans sa voiture.


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