Partie 6: L'effondrement

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Je venais de terminer ma dernière année de lycée et nous avions passé les examens quelques semaines plus tôt. J'attendais les résultats avec impatience. Mes professeurs m'avaient assurée qu'une fois que j'aurais ce diplôme en poche, ma vie changerait du tout au tout. Pour moi, c'était le synonyme de la fin, le synonyme de la liberté et d'une vraie vie, rempli d'amour et de bonheur. C'était le jour où enfin j'allais pouvoir me libérer de ce contrat qui me liait à ma tante. Je l'attendais vraiment avec beaucoup d'impatience. Les corvées et les bastonnades me paraissaient dérisoires, je me surprenais même à siffloter, à sourire bêtement, à rêvasser... De plus, ces deux dernières années nous avaient rapprochés Kobbi et moi. Nous formions à nouveau le duo infernal KoKha. Et cela principalement parce que Feeiza qui avait obtenu son diplôme deux ans auparavant était partie à l'université. Elle n'était plus là pour nous pourrir la vie, à part lorsqu'elle venait pendant les vacances.

Un jour, alors que la veille j'avais été rouée de coups par Feeiza puis par ma tante parce qu'elles n'avaient pas apprécié la manière dont j'avais repassé leurs vêtements, j'ai surpris une discussion entre Kobbi et sa mère :

- Je ne veux plus te voir avec cette sale fille, je te l'ai déjà dit. Je ne veux plus me répéter.

- Comment peux-tu parler ainsi de ta nièce ? N'as-tu donc pas de cœur ?!

- Jeune homme, surveilles ton langage lorsque tu t'adresses à moi ! Ce n'est pas parce que tu as grandi et grossi hein, je peux encore te fouetter correctement et bien. Tu m'entends ?

- Oui.

- Oui qui ? Oui le chien ?

- Oui maman.

- Bien. Maintenant cesses de discuter lorsque je te demande de faire quelque chose. Cette fille est comme sa mère, démoniaque. Je veux juste te protéger et empêcher qu'elle ruine ta vie comme sa mère et elles ont ruiné la mienne. Tu es mon garçon, la prunelle de mes yeux, je ne pourrais pas le supporter s'il t'arrivait un quelconque malheur.

- Je ne comprends pas, de quoi parles-tu ? Comment ça « elles ont ruiné ta vie » ?

- C'est une longue et douloureuse histoire Koko, et je n'ai plus envie d'en parler. La colère m'a déjà fait trop en dire. Je veux juste que tu te tiennes loin, très loin d'elle. Et ce n'est pas un sujet de discussion.

- J'ai bientôt 18 ans maman, tu ne pourras pas éternellement me dicter ma conduite. Khady est ma cousine et je l'aime beaucoup. Elle est douce et gentille, et même quand l'autre sorcière et toi l'agressez, elle reste digne et supporte toutes vos remarques infondées ! Elle a tout perdu, elle n'a plus rien ni personne mais vous continuez à vous acharner sur elle ! Vous êtes vraiment des vraies ...

J'entendis une gifle cingler puis un enchaînement de coups, j'imaginais la scène, je m'attendais au pire. La colère dans la voix de Kobbi quand il a parlé à sa mère me faisait douter de l'issue de cet échange. Et pour rien au monde, je n'aurais supporté qu'un fils perde sa mère à cause de moi. Je suis donc sortie de ma cachette prenant mon courage à demain et allant au cœur de la bagarre, la boule au ventre. J'arrivais au bon, Kobbi ayant marre de subir les coups que sa mère lui assénait, la repoussa violemment, la projetant ainsi à l'autre bout de la pièce. La colère avait noirci son regard, ses poings étaient serrés et sa respiration haletante. Il n'avait même pas remarqué ma présence dans la pièce. Ma tante quant à elle, son regard apeuré allait de son fils à moi, elle tremblait et semblait choquée de la scène qui venait de se produire. Koko avait commencé à marcher, d'un pas décidé, vers sa mère qui semblait de moins en moins confiante. Sa bouche était entrouverte mais aucun son n'en sortait, comme si elle avait soudainement perdu l'usage de la parole. Je courus m'interposer entre mère et fils juste au moment où le coup allait partir. J'implorais alors le fils, en pleurant, d'épargner sa mère et de ne pas attirer sur lui la malédiction. Je pris son visage dans mes mains et l'obligeai à me regarder droit dans les yeux. Son regard sembla s'adoucir et sa colère s'apaiser. Il jeta un dernier regard haineux à sa mère avant de se diriger vers la sortie. C'est là que retentit le rire moqueur et venimeux de Feeiza qui était adossée à la porte.

- Quelle ironie ! Vous devriez voir vos têtes ! Quel régal cette scène ! Trois pouilleux qui s'entretuent, dit-elle en ricanant. Merci de nettoyer pour nous la surface de la terre bande de déchets.

- Je ne suis vraiment pas d'humeur Feei ! Je te préviens, ne me provoque pas aujourd'hui, rétorqua avec colère ma tante qui se relevait et ajustait ses vêtements.

- Tu vas me faire quoi ? Essayer de me frapper comme ton propre fils a voulu te frapper avant que la petite mendiante vienne s'interposer ?

- Ne parle pas d'elle de la sorte, siffla Kobbi.

- Eh ah ! Kobbi ! Kobbi eh ! Tu es un enfant maudit, je le jure aujourd'hui, s'exclama Feeiza. Pour une sale chose comme ça, dit-elle en me toisant, tu as voulu frapper ta propre mère ! J'ai toujours su que tu avais le diable en toi ! Frapper la femme qui t'a porté 9 mois ! Eh ! Tu es un sorcier...

- C'est mon poing qui te répondra la prochaine fois que tu insultes encore Khady ! J'en ai assez de votre petit manège à Maman et toi. Ça suffit maintenant, trop c'est trop. Ça ne se passera plus comme ça dans cette maison.

Il bouscula Feeiza et sortit de la pièce.

Je n'osais pas lever les yeux du sol, je sentais leurs regards brûler ma peau. Je me sentis projetée par terre puis les coups s'enchaînèrent et le rire moqueur de Feeiza emplit la pièce. Je fermai les yeux. « Tout cela est de ta faute ! Tu n'es qu'un enfant maudit ! Depuis ta naissance tu n'as fait qu'apporter le malheur dans ma vie ! Tu aurais même dû mourir dans ton sale village ce jour-là ! Ils auraient dû t'égorger comme l'animal que tu es ! Comme tu es venue dans ma maison pour semer le trouble là, je vais te montrer comment je traite les serpents de ton espèce ! Je vais te tuer aujourd'hui ... ». Elle vociférait sans fin, donnant des coups de plus en plus forts et rapides. Je me surpris à rêvasser de ce fameux diplôme et de la vie que je pourrais avoir avec lui. Puis je ne sentis plus rien, tout était calme et paisible. J'avais toujours les yeux fermés, mon corps n'était plus qu'un vague souvenir et je ne sentais plus aucune douleur. J'aurais voulu que cet état soit éternel...

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⏰ Dernière mise à jour : Jan 23, 2017 ⏰

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